Le président tunisien Kaïs Saïed, qui arrive demain à Alger pour sa toute première sortie officielle, aura 100 jours au pouvoir, dans un contexte interne marqué par l'absence d'un nouveau gouvernement près de quatre mois après les élections. Une situation particulière, au lendemain du décès de son prédécesseur Béji Caïd Essebsi, a propulsé ce néophyte du pouvoir au centre du jeu politique tunisien, même s'il est constitutionnellement entravé dans sa volonté d'imprimer sa marque aux évènements. Agé de 61 ans, le président Kaïs Saïed qui avait durant deux mois fermé aux médias les portes du palais de Carthage, a répondu jeudi soir en direct aux questions de journalistes, une première depuis sa prestation de serment le 23 octobre dernier. Dans cette intervention caractérisée par la critique du système parlementaire, à l'origine du blocage de la formation d'un gouvernement dont l'urgence est dictée par les attentes du peuple tunisien et les conditions des bailleurs de fonds internationaux, il a réitéré sa volonté de ne former aucun parti et qu'au cas où Elyès Fakhfakh, nouvellement chargé de constituer une équipe gouvernementale échouerait lui aussi, à l'instar de Habib Jamli, il « appliquerait la Constitution » qui stipule la dissolution du Parlement. Une décision qui pourrait intervenir à la mi-mars. Kaïs Saïed qui habite toujours dans son quartier populaire et non pas au palais de Carthage a évoqué « plusieurs projets de loi dans les domaines économique et social », des thématiques qui lui sont chères, pour déplorer aussitôt l'insuffisance de ses prérogatives limitées pour l'essentiel aux domaines de politique sécuritaire et de diplomatie. Dès les premiers jours de son intronisation, il a reçu nombre d'émissaires étrangers, la plupart autour de la question cruciale de la crise en Libye. C'est ainsi que son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, a débarqué le mois dernier pour discuter du conflit et de l'intention d'Ankara d'envoyer des troupes en soutien au GNA de Fayez al Serraj face à l'offensive menaçante de l'ANL de Khalifa Haftar. Parallèlement, le chef de l'Etat tunisien a également reçu à Carthage des diplômés chômeurs, des martyrs de la révolution de 2011 et autres laissés-pour-compte venus des différents gouvernorats tunisiens. Le président Saïed les a assurés de son soutien et de son attachement à la prise en compte de leurs doléances, même si les mesures concrètes tardent à venir, à cause de l'absence d'un gouvernement opérationnel et d'un fonctionnement des institutions au ralenti. Au lendemain des législatives d'octobre, le paysage parlementaire a été marqué par l'absence d'une véritable majorité, l'Assemblée des représentants du peuple ( ARP ) étant émietté à l'extrême. Une situation qui joue plutôt en sa faveur puisque l'échec de Jamli et d'Ennahdha dans la première tentative de former le gouvernement lui a permis d'initier sa marque, au détriment des principaux partis que sont Ennahdha et Qalb Tounes laissés en marge du nouveau processus. Elyès Fakhfakh, s'il réussit, lui devra beaucoup et le président Saïed a déjà anticipé en l'invitant à « considérer la souffrance silencieuse des chômeurs et des pauvres », dans un pays où l'économie est en berne, avec un chômage de 15% et un taux d'inflation de 6,5%.