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«On veut partir d'ici!»
LALLAM, 10 JOURS APRÈS...
Publié dans L'Expression le 30 - 03 - 2006

Partir à Lallam, c'est partir au bout du monde. Une impression qui se dégage dès que vous empruntez la route qui y mène. Une route qui n'a de sens que le nom. Se rendre à Lallam c'est emprunter un chemin sinueux, c'est monter, descendre, puis monter de nouveau, pour atteindre ce hameau de quelques milliers d'habitants répartis sur une centaine de maisons traditionnelles ou modernes mais toutes touchées par la secousse tellurique de 5,8 sur l'échelle de Richter qui a frappé la région de Tamudjit le dimanche 20 mars 2006 à 20h44.
Nous sommes le dimanche, soit sept jours après le séisme. Nous nous apprêtons à visiter une nouvelle fois Lallam. Une visite motivée essentiellement par les cris d'alarme entendus la veille sur Radio Soummam. La curiosité journalistique nous a incité à nous y rendre le lendemain pour en savoir plus sur la réalité de la situation. Une situation paradoxale puisque deux jours avant, le wali de Béjaïa annonçait sur un ton très serein que tout est rentré dans l'ordre.
Il est 9h du matin en ce dimanche printanier. Au quatre chemins de Béjaïa, la police tentait tant bien que mal de réguler une circulation qui se fait dense, et c'est à partir de ce carrefour qu'on entame la route vers le lieu du sinistre. Un premier barrage filtrant de la police vous accueille à l'intersection près de l'aéroport Abane-Ramdane, dont la fermeture est annoncée officielle pour le mois d'octobre prochain pour des raisons de réfection de la piste d'atterrissage endommagée par les inondations qu'avait connues Béjaïa en 2003. Le restant de la route est fluide jusqu'à hauteur de l'entrée d'Aokas, ville côtière qui a connu une catastrophe l'an passé lorsqu'un éboulement gigantesque s'est produit à la veille de la saison estivale 2005.
Lallam sombre de nouveau dans le désespoir
La réaction des pouvoirs publics avait alors évité une saison à blanc. Le barrage permanent de sécurité nous indique le chemin à suivre après un bref arrêt pour renseignement. Il ne nous restait alors qu'une dizaine de kilomètres pour atteindre le chef-lieu de la daïra de Souk El Tenine. Lesquels kilomètres que nous avons parcourus sans difficulté. Un dispositif de sécurité nous oriente vers Melbou en précisant qu'il faut tourner à gauche après le premier pont. Chose que nous faisons quelques centaines de mètres plus loin pour entrer directement à Tizi El Oued, une agglomération assez animée. Nous la traversons sans difficulté pour entamer la route communale qui mène à Tamridj.
Notre guide qui nous y attendait nous avait prévenu des virages dangereux et c'est donc avec précaution que nous prenons cette route sinueuse. Près de 40 minutes et nous arrivons à Tamridj. Mahfoud notre guide du jour nous reçoit à l'entrée du village où on venait juste d'enterrer une vieille dame décédée la veille. Mahfoud Messaoudène, technicien de la santé, s'improvisait guide du jour et décide lui-même de prendre le volant de la voiture pour le restant du chemin vers Lallam. «La route est étroite et comprend des virages dangereux», dit-il pour nous convaincre de lui laisser le volant. Chose que nous acceptons sans discuter. On entame alors une descente puis une montée, une nouvelle descente toujours à vitesse réduite. Il faut être vraiment prudent sur ce chemin qui n'a de chemin que le nom. De loin, notre guide nous montre du doigt le CEM qui se trouve près d'une mosquée. C'est là que seront scolarisés les 307 élèves de l'école du village Lallam pour le restant de l'année scolaire.
A l'entrée, il n'y a que le gardien de l'établissement. Le personnel est en congé. Il nous confirme tout de même que le transport de l'immobilier de l'école de Lallam a commencé. A l'entrée du village, une banderole écrite en langue arabe nous renseigne de l'existence «d'une clinique rurale sans équipement». Une façon pour la population locale d'attirer l'attention des visiteurs, qu'ils soient responsables ou pas, sur le vide en matière de structures sanitaires.
C'est une fois ce village traversé que nous entamons une autre descente, dépassant les 10%. Notre chauffeur du jour réduit la vitesse et presse les freins. «On ne sait jamais», avance-t-il comme pour expliquer son geste préventif sur une route accidentée, pleine de nids-de-poule et surtout très étroite.
Il est déjà 11h, soit 2 heures de route, et nous ne sommes pas encore arrivés à Lallam. «C'est l'ancienne bâtisse de l'APC incendiée par les terroristes», indiquait Mahfoud qui s'embrouille en cherchant la date exacte de l'attaque. Sur ce, il nous parlera des 20 familles d'Iaâmran, village le plus reculé de la commune, déplacées par l'ANP au plus fort du terrorisme. Si certains habitants de ce village ont trouvé refuge ailleurs, d'autres sont encore hébergés à Lallam. «Ces habitants souffre-douleur subissent un autre mauvais sort», devait expliquer notre guide.
Nous arrivons enfin à Lallam. De loin, nous percevons des maisons clairsemées, plus on s'approche, plus on aperçoit les tentes sur lesquelles nous découvrirons par la suite les inscriptions «ministère des Collectivités locales». Sur les lieux aucune autorité n'est présente à l'exception des fonctionnaires du Craag. Le représentant du village nous attendait au centre de Lallam où il y a en tout un café et deux ou trois commerces d'alimentation.
En montant dans la voiture, Mohamed Guerroudj nous informe d'emblée que «l'eau a été rétablie ce matin» et que «la terre continue à bouger». Sur notre chemin à l'intérieur du village et près d'une maison dont les murs présentaient de sérieuses fissures, une équipe du Craag était en pleine action. Elle installe un émetteur. Entre deux réglages, M.Kherroubi Abdelaziz accompagné de trois chercheurs, nous explique en quoi consistait sa mission. «Nous sommes là pour trois mois, nous choisissons des sites pour implanter les émetteurs dans des lieux sécurisés. Il s'agit en fait de comprendre ce qui s'est passé», déclarait-il. Sa mission entre dans le cadre du dispositif d'étude sismique à travers le pays. Nous nous rendons chez les Betis lorsqu'un chercheur nous annonce que «plus de 160 répliques ont été enregistrées depuis le lundi». Il n'avait pas encore fini de parler qu'une autre réplique se produit. Elle était de magnitude 3,5 degrés sur l'échelle de Richter. Le représentant du village nous rappelle qu'avant notre arrivée, deux autres répliques ont eu lieu.
Chez les Betis, on reprend espoir. Deux filles étaient ensevelies sous le toit de l'une des pièces d'une vieille demeure. Les sinistrés se font plus nombreux. C'est à qui parlera de la situation. De tous les commentaires entendus ressortait cette volonté de quitter les lieux. «On veut partir d'ici», disait-on la mort dans l'âme. La terre continue à glisser. Le terrain n'inspire plus confiance. C'est pourquoi beaucoup proposent aux pouvoirs publics de choisir un terrain près de Souk El Tenine pour y construire des logements. Lorsque nous leur rappelons les propositions du wali, beaucoup hocheront de la tête. «A quoi serviront 50 millions? pour reconstruire des maisons sur un terrain mouvant?», s'interrogent-ils.
Un autre sinistré se rapproche. Il déplore le manque de tentes. C'est tout de même paradoxal, le wali de Béjaïa venait de parler de l'équipement de tous les sinistrés. «Nous sommes abandonnés», s'écrie un citoyen qui venait juste de nous rejoindre. «La Protection civile, les médecins et les services de sécurité sont tous repartis le mercredi», dit-il d'un ton coléreux. «Où sont les psychiatres? Des gens souffrent toujours de traumatismes, de chocs émotionnels», a autant d'interrogations soulevées par les uns et les autres. Chez les Laâkab, une autre famille sinistrée, le ton est le même. On se sent ici à Lallam abandonnés. Nous entrons dans une tente. Il y fait très chaud. Une vieille dame tremblante, encore sous le choc, nous racontait le cauchemar de cette nuit. Une autre réplique survient. Ce qui donne l'occasion à un habitant de Lallam de renchérir: «Comment voulez-vous continuer à vivre ici?» «Nous avons peur que ces montagnes nous tombent sur la tête», ajoute-t-il. Il est vrai qu'au moment de la réplique, il y avait de quoi avoir peur. Sur 527 habitations visitées par le CTC, 197 maisons sont effondrées ou menacent de s'effondrer. Les sinistrés ne veulent rien savoir de l'aide proposée par le wali de Béjaïa qui se résume à moins d'une aide d'appoint du ministre de la Solidarité, à l'octroi d'une somme de 500 000 DA dans le cadre de la formule du logement rural, quand bien même qu'ils soient épargnés des contraintes administratives liées à la délivrance de permis de construire et à l'exigence de l'apport personnel.
Tous veulent partir d'ici. Tout au long de notre déplacement au village, nous avons constaté un sol ébranlé présentant des fissures profondes et assez larges. C'est toute la complexité de la situation qui explique dans une large mesure le désir des sinistrés de quitter les lieux. Nous ne quitterons pas le village sans présenter nos condoléances aux familles endeuillées. Lallam, village sinistré, se retrouve seul avec ses habitants encore inquiets des lendemains incertains. Ils supplient à qui veut les entendre, que l'unique moyen est de les déplacer dans une région clémente. Nous saluons les villageois avant de quitter ce hameau. Sur le chemin du retour, des jeunes distribuaient des bouteilles d'eau minérale Ifri qu'un camion venait de décharger à l'APC.
Ce village sinistré, se retrouve seul avec ses habitants
Nous laissons Lallam que nous voyons maintenant de loin. Des tentes, des maisons effondrées, d'autres qui tiennent encore debout voilà le décor et l'image que nous gardons de ce village qui fait parler de lui si souvent dans des situations de détresse. Lallam, qui vient à peine de panser ses blessures, sombre de nouveau dans le désespoir.
Les affres du terrorisme, une nature austère et maintenant l'indifférence. Une seule idée taraude les esprits de la population. Il faut partir vers d'autres cieux plus cléments. Le séisme du lundi semble avoir mis fin jusqu'au dernier sentiment qui pourrait retenir la population à sa terre natale et à celle de ses ancêtres.


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