Dans le massif du Tibesti, une région entre le Tchad et la Libye, des groupes rebelles harponnent régulièrement l'armée tchadienne, depuis de nombreuses années. Le 11 avril, ils ont mené une nouvelle offensive face à laquelle le président tchadien Idriss Déby Itno s'est chargé en personne de conduire la riposte. Au pouvoir depuis 30 ans, il s'est livré à ce jeu de meneur et stratège militaire à maintes reprises. Cette fois, la sortie lui aura été fatale. Si un communiqué livré, lundi dernier, a fait état de la déroute des rebelles dont une colonne entière aurait été «détruite», l'armée tchadienne, elle, n'a pas fini de subir les coups répétés de cette rébellion, au double visage. D'un côté, le Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (FACT), à dominante gorane, une ethnie saharienne, et de l'autre, le groupe des Zaghaouas, composé de militaires déserteurs que dirige le propre neveu de Déby, Timan Erdimi, cherchent constamment, depuis les années 2000, à détrôner le dictateur tchadien, en poste 30 années durant. En 2019, leur avancée vers N'Djamena a été stoppée net par l'aviation française dont le parapluie assure la continuité d'un régime «stabilisateur» dans cette zone tourmentée du continent. A force de déployer ses contingents dans diverses régions africaines, notamment au Sahel où la France s'emploie à contenir la progression «jihadiste», Idriss Déby s'est donné la stature d'un va-t-en guerre qui se veut présent sur tous les terrains de la lutte antiterroriste, au Mali, au Burkina et au Nigeria, notamment. Cela lui a d'ailleurs valu la vindicte de Boko Haram et de son pendant l'Iswap qui ont multiplié, ces derniers mois, les attaques meurtrières contre les corps expéditionnaires tchadiens. Idriss Déby vient tout juste de sortir «vainqueur» d'une élection présidentielle le 11 avril dernier, s'apprêtant à entamer son sixième mandat à la tête d'un pays économiquement sinistré, lui qui a taillé dans le vif toutes les têtes de l'opposition réelle ou supposée afin que son pouvoir ne souffre d'aucune contestation. Le Tchad a beau être exportateur d'or noir, il n'en occupe pas moins la 187ème place sur 189 du classement onusien en matière d'indice de développement. Cette seule observation suffit à illustrer le drame du peuple tchadien qui voit les puissances occidentales, et à leur tête la France, davantage attachées à la sauvegarde de leurs sordides intérêts dans la région qu'à un prétendu attachement aux droits de l'homme. Il paye de ce fait le plus lourd tribut dont doivent s'acquitter tous les peuples de la région sahélienne, au nom d'une mobilisation internationale contre le terrorisme qui prend, de plus en plus, l'allure d'un retour en force de la politique de la baïonnette. Idriss Déby aura été, à ce titre, un triste exemple de régression féconde.