L'ancien numéro II du régime de Maamar El Gueddhafi, Abdessalam Jalloud, est sorti d'une longue léthargie à la faveur d'un livre, intitulé Epopée, dans lequel il conjugue aux confidences sur une carrière mouvementée et féconde des révélations «fracassantes». L'homme qui a marqué de son empreinte quatre décennies de la vie politique libyenne, tout autant que le Guide de la Jamahiriya, vient donc jeter un véritable pavé dans la mare des secrets d'alcôve, caractéristiques d'un certain nombre de régimes arabes et africains. C'est ainsi qu'il inscrit, d'emblée, le conflit du Sahara occidental au fronton de l'expansionnisme néocolonial, assurant que le roi Hassan II, père du monarque actuel Mohamed VI, lui avait, bel et bien, déclaré que le territoire sahraoui n'a rien à voir avec le Maroc. Un propos qui ne fait que reconnaître la réalité objective telle qu'elle découle du processus de décolonisation engagé par les Nations unies mais que le royaume marocain et, plus largement, le Makhzen tentent, sous la botte des parrains français et espagnols, de contrecarrer à tout prix afin de garder leur mainmise sur les ressources tant sahraouies que marocaines. Même si une telle révélation ne constitue pas, à proprement parler, un séisme dans le dossier du Sahara occidental, elle n'en situe pas moins la nature et l'inconséquence du fait colonial marocain qui est, d'abord et surtout, une injure à la charte constitutive de l'Union africaine dans la mesure où le territoire sahraoui reste la dernière colonie en Afrique. Au demeurant, la situation explosive dans laquelle se débat le Maroc et la question de la succession de Mohamed VI sont des facteurs supplétifs qui soulignent le danger qui guette, de plus en plus, la monarchie alaouite. Passons sur plusieurs affirmations de Abdessalam Jalloud qui, comme tout autobiographe qui se respecte, se donne le beau rôle dans maintes situations. Le fait est que ses dires, selon lesquels il serait à l'origine de la création du front Polisario, prêtent davantage à rire qu'à se perdre en conjectures. Les acteurs comme les témoins sont toujours présents et il est donc inutile de polémiquer là-dessus puisqu'il suffit de rappeler que le mouvement de libération sahraoui existait sans Jalloud sur le terrain de la lutte contre le colonisateur espagnol avant que ce dernier ne confie les clés au colonisateur marocain. S'agissant de la manière dont El Gueddhafi a fait disparaître le puissant dignitaire religieux chiite Moussa Sadr dont le rôle était déterminant, aussi bien au Liban qu'en Syrie et en Irak, il n'y a, à vrai dire, aucune surprise sur les tenants et les aboutissants d'une affaire retentissante mais cernée depuis des années. Enfin, la confidence relative à la volonté du dictateur Franco, soi-disant partisan de l'autodétermination du peuple sahraoui, ne résiste guère à l'épreuve des faits et les faits sont têtus qui prouvent que la véritable stratégie de Franco a été appliquée à la lettre par les dirigeants espagnols qu'il a lui-même choisis.