Alors que les regards sont braqués de toute part sur Niamey, la nouvelle instance dirigeante issue du coup d'Etat qui a écarté le président élu Mohamed Bazoum vient de faire coup double. D'une part, elle a annoncé lundi soir la nomination d'un Premier ministre, Ali Mahaman Lamine Zeine. C'est dans un communiqué lu à la télévision nationale que cette annonce a été faite alors que les pressions continuent de fuser de partout pour un rétablissement immédiat de l'ordre constitutionnel. Le nouveau Premier ministre avait déjà occupé les fonctions de directeur du cabinet de l'ancien président Mamadou Tandja, en 2001, puis celle de ministre des Finances, un an plus tard. Il avait été alors chargé de redresser une situation économique et financière catastrophique. Ecarté au lendemain du coup d'Etat contre Mamadou Tandja, il sera ensuite représentant résident de la Banque africaine de développement (BAD) au Tchad, en Côte d'Ivoire et au Gabon. Outre sa nomination, le CNSP a également désigné «le lieutenant-colonel Habibou Assoumane (comme nouveau) commandant de la garde présidentielle». Le fait que ces décisions aient été délivrées le soir même de l'expiration de l'ultimatum de la Cédéao avant «l'usage de la force» pour un retour à l'ordre constitutionnel et le rétablissement du président Bazoum dans sa fonction élective n'est évidemment pas fortuit. Depuis plusieurs jours, il apparaît que les pays membres de l'organisation ouest-africaine ainsi que leurs partenaires occidentaux sont profondément divisés sur le recours à une intervention militaire dont ils savent pertinemment qu'elle aurait, le cas échéant, des conséquences dramatiques sur l'ensemble de la région sahélienne et même par-delà la Méditerranée. Une émissaire américaine a fait état de «discussions difficiles» à Niamey avec les militaires du CNSP, toutes ses options n'ayant pas convaincu, alors que les dirigeants de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) se donnent rendez-vous jeudi à Abuja, au Nigeria, pour examiner la situation au Niger et tenter de s'entendre sur la voie à suivre. Entre-temps, une délégation conjointe du Mali et du Burkina s'est rendue à Niamey pour y réaffirmer le soutien des deux pays voisins face aux menaces d'intervention armée. Face à une telle situation, l'Algérie dont la doctrine immuable rejette toute ingérence étrangère dans les affaires intérieures d'un Etat nourrit des appréhensions légitimes dès lors que les pays du Sahel, principalement le Niger et le Mali, sont des éléments clés de sa profondeur stratégique dans toute la région sahélo-saharienne. Or, on oublie souvent que les drames qui se jouent depuis quelques années au Mali, au Burkina et aujourd'hui au Niger sont des conséquences directes de l'agression militaire de la France et du Royaume-Uni contre la Libye en 2011, sous des prétextes plus que douteux. En détruisant la Libye, c'est toute la région qui a été précipitée dans une instabilité chronique qu'aggrave la montée d'un terrorisme entretenu. Avec 1000 km de frontière côté nigérien et 1200 côté libyen, l'Algérie ne peut que rejeter une nouvelle aventure au bout de laquelle le pire est sans doute la chose la plus aisée.