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L'Etat: ses hommes, ses institutions
REFORMES ET GOUVERNANCE
Publié dans L'Expression le 05 - 11 - 2006

«Il n'y a pas d'hommes d'Etat en Algérie», lançait aux toutes premières semaines de son premier mandat, le président Bouteflika. D'abord c'est quoi un Etat? Qui sont ses hommes?
La politique reste sans doute l'art du possible mais aussi, surtout, l'art de gouverner l'Etat. Mais l'Etat, c'est quoi? Qui sont les hommes et les institutions censés le diriger? Max Weber, dans son ouvrage Le Savant et le Politique, explique que l'Etat «est avant tout une institution, il est à la fois processus et fruit d'un processus. L'Etat est une institution par excellence, il est issu d'un processus de construction théorique et, est en permanente construction lui-même.» Il est donc faux de penser, comme on le suppose dans certaines sphères politiques nationales, que la stabilité de l'Etat dépend de la somme de pouvoirs affectés au premier magistrat du pays, mais plus certainement par la cohérence des institutions qui incarnent l'Etat, par leur cohésion et leur aptitude à servir le pays et la population, services à la base de la stabilité et de l'homogénéité de la nation. Ce sont donc ces institutions -en particulier la commune- qui, par leur action d'intérêt général, leur rôle de direction, impulsent le civisme social qui est la marque d'une société apaisée sachant où elle va et comment y aller. Est-ce le cas en Algérie lorsque les communes n'ont jamais pu être le socle social de développement tant attendu et être à la hauteur des missions qui leur sont imparties, lorsque les entreprises nationales sont incapables de mener à terme des projets profitables à la société (comme le montre le métro d'Alger en chantier depuis 23 ans)? Aussi, l'Etat ne se réduit ni à son premier magistrat, ni à tels hommes ou tels autres, mais est un ensemble d'institutions qui ne peuvent être efficaces que dans la mesure où une véritable osmose existe entre elles qui est la marque d'une solidarité nationale de fait. Cette solidarité nationale, comme l'explique Léon Duguit, est l'une des caractéristiques de l'Etat qui, indique-t-il, est la justification de l'existence de l'Etat qui est, selon lui, «le service public». L'Etat est, en effet, argue-t-il, «l'expression de la solidarité sociale. Les hommes, regroupés en sociétés, sont devenus de plus en plus interdépendants. Cette interdépendance a été accompagnée de la création de normes, et pour faire respecter ces normes, des dirigeants ont émergé afin de les faire respecter». Donc l'Etat c'est l'ossature d'un ensemble de paramètres qui font que des hommes se regroupent et forment une société qui délègue à certains d'entre eux de diriger la société devenue nation en créant des normes et des règles à respecter et à faire respecter. Dans une société moderne donc, aucun homme ne peut prétendre être, à lui seul, l'alpha et l'oméga de l'Etat. Or, un tel système de délégation de pouvoir, qui est aujourd'hui la norme dans les sociétés modernes et dans les pays démocratiques (c'est-à-dire dont les dirigeants remettent en cause leurs mandats et rendent des comptes aux citoyens qui les ont élus) reste une notion encore assez floue en Algérie où l'on songe même à revenir sur l'une des rares avancées consignées dans la loi fondamentale de 1996 (la limitation de la magistrature suprême à deux mandats). Or, Léon Duguit relève aussi que «ces dirigeants ne restent dirigeants qu'aussi longtemps qu'ils continuent à se dévouer à la société et à l'organisation de la solidarité sociale au moyen du service public». Dit autrement, le pouvoir est considéré comme ouvert, ou démocratique, lorsque ceux qui le détiennent remettent leurs mandats au peuple qui le leur a confié. Simple question de bon sens: y a-t-il eu renouvellement du personnel politique depuis l'indépendance, les gouvernants se sont-ils jamais remis en cause? L'exception du Roi-Soleil français, Louis XIV, monarque absolu, qui pouvait s'exclamer: «L'Etat c'est moi», a-t-elle un sens dans les sociétés modernes de ce début du troisième millénaire, alors que la collégialité du pouvoir prime, quel que soit le système institutionnel choisi? Dès lors, la notion d'Etat et d'hommes d'Etat obéit à des normes et règles bien établies au respect desquelles tout gouvernant et hommes aspirant à gouverner sont tenus. De fait, dans l'Etat moderne, il y a aujourd'hui une règle absolue: la séparation des pouvoirs, séparation qui reste aléatoire en Algérie tant le flou subsiste entre les trois pouvoirs cardinaux autour desquels s'ordonne et fonctionne l'ensemble des institutions qui forment l'Etat. De grands philosophes ont énoncé, en leur temps, les principes fondamentaux d'un Etat moderne qui inclut, entre autres, la séparation des pouvoirs. En 1690, le philosophe anglais John Locke, dans deux traités du gouvernement civil, distinguait deux pouvoirs, l'exécutif et le législatif, estimant que la société repose sur un contrat et que le souverain (aujourd'hui aussi le premier magistrat - élu - du pays) doit obéir aux lois (Lettres sur les tolérances, 1689). Aux deux pouvoirs qualifiés par John Locke, le législatif et l'exécutif, le philosophe français Charles de Montesquieu ajouta le pouvoir judiciaire et explicite la pertinence de la séparation des pouvoirs dans son ouvrage, De l'esprit des lois (1748). Ce schéma de gouvernance est aujourd'hui appliqué dans tous les Etats modernes qui se veulent démocratiques et gérés dans la transparence. Dès lors, c'est dans le contexte de construction d'un Etat moderne - avec le leitmotiv de servir le pays et la République - que naissent les «hommes d'Etat» appelés à le servir et qui font tant défaut à l'Algérie à telle enseigne que le président Bouteflika désespère d'en trouver. Aussi, si révision de la Constitution doit être, c'est sans doute dans l'optique de mieux cerner et préciser le modèle institutionnel (fédéral, unitaire, présidentiel, parlementaire, constitutionnel) qui serait le mieux adapté au contexte algérien -comme de préciser aussi le rapport à la religion (pour que ne se reproduise pas la tragédie nationale des années 90)- sur lequel fonctionnera le pays et de donner à l'Algérie de construire l'Etat de droit et la démocratie auxquels aspirent les Algériens. Aussi, c'est surtout celle-là l'urgence de l'Algérie de 2006/2007 (dans la perspective des élections législatives et communales de 2007): savoir quel Etat on veut construire et quels en seront les hommes appelés à le diriger. Aussi, on ne naît pas homme d'Etat, on le devient. Et pour le devenir, il faut qu'il existe un certain nombre de modalités et principes à même de permettre l'éclosion de ces hommes d'Etat qui semblent actuellement faire défaut. A ce moment, il n'y aura alors nul besoin de se demander s'il y a des Hommes d'Etat en Algérie, car ils seront là et chacun sera à sa place et remplira sa mission selon ses compétences et aptitudes. Mais au fait, qui sont ces «Hommes d'Etat» dans un pays qui en est, à l'évidence, dépourvu et est, quarante-quatre ans après l'indépendance, à se chercher une stature d'Etat dans toute l'acceptation du terme?
L'Etat c'est donc une institution qui est elle-même réceptacle et fondement de plusieurs institutions qui constituent la structure de base de ce qui est appelé «Etat», institutions qui, cela va de soi, sont dirigées par des hommes qualifiés qui sont les «Hommes d'Etat». De tels hommes sont, à l'évidence, produits par les partis qui donnent sens et existence à la «classe politique». Mais, faut-il encore qu'il y ait une classe politique -c'est-à-dire des hommes qui se destinent à gérer les affaires de l'Etat- pour animer l'espace du même nom et pour gouverner. Or, tous les observateurs s'accordent à dire qu'il n'y a pas de «classe politique» en Algérie, le champ politique étant lui-même la résultante de l'existence de partis politiques qui jouent un rôle de premier plan dans la mise en oeuvre, outre du «champ politique», des institutions de l'Etat. Aussi, le champ politique actuel n'est qu'un ersatz en attente des acteurs à même de lui donner la dimension politique qui lui manque aujourd'hui. Et puis, faire de la politique c'est avoir, certes, un programme, mais aussi un projet de société et les convictions nécessaires tant pour défendre le projet que pour mener à bien le programme politique qui en est issu. Aussi, comme le soulignait récemment un homme politique français, faire de la politique c'est avoir «des idées, des convictions, savoir exposer les enjeux», dire quelles sont «nos décisions demain et quels seront nos actes». Dès lors que l'on s'investit dans la politique, il faut aussi savoir assumer les responsabilités qui lui sont inhérentes. Cela étant, qui sont donc les hommes politiques algériens, quelles sont leurs idées, leurs convictions lorsque la majorité d'entre eux se suffit de figurer dans la bonne liste et au bon moment, quitte (pour cela) à faire de la simple figuration et à abjurer ce envers quoi ils se sont engagés, comme nous le démontrent députés et sénateurs qui, outre de passer d'un parti à l'autre, n'ont produit aucune loi susceptible d'améliorer le sort général de la population, n'ont jamais -en tant que «représentants du peuple»- mis en difficulté et/ou la pression sur le gouvernement mais, étrangement, ignorent les problèmes propres à leurs circonscriptions électorales et les difficultés auxquelles sont confrontés leurs électeurs (cf; les émeutes cycliques qui ont touché de nombreuses régions du pays ces dernières années). Or, analystes et observateurs ont pu constater que les parlementaires algériens sont assidus les seules fois où la question des salaires vient en discussion sur les bancs de l'Assemblée ou du Sénat. Pis, la seule fois où les députés se sont exprimés et signalés, c'était pour rejeter la loi faisant obligation aux cadres de l'Etat de faire leurs déclarations de fortune et de patrimoine au moment de leur prise de fonction et à celui de leur départ, dans un souci de transparence et de lutte contre la corruption, les passe-droits et le népotisme qui gangrènent l'Etat. Dès lors qu'une telle loi - dont l'importance n'est pourtant pas à souligner dans le contexte d'un Etat qui se veut de droit- est rejetée par les «élus» du peuple -ceux-là mêmes dont la mission première était censée veiller à l'orthodoxie des lois et à la continuité de l'Etat - il faut bien admettre qu'il y a là comme un défaut qui ne manque pas de laisser perplexe. De quel programme peuvent, dès lors, se prévaloir les partis «politiques» dont les représentants à l'Assemblée nationale et au Conseil de la nation estiment inopportune une loi dont l'objectif affiché était d'assainir le fonctionnement d'institutions où la subornation dans certains secteurs d'activités (cf; les scandales à répétition dans le secteur bancaire par exemple) a induit des retombées négatives sur le développement du pays? Quelles convictions politiques peuvent avancer ces «représentants», lorsque l'intérêt individuel et de clan semble primer le devenir de la nation? Mais, faut-il s'en étonner, lorsque «l'homme politique» algérien n'en est pas un, mais est quelqu'un dont la présence au Parlement, au gouvernement et dans les appareils de décision de l'Etat, est le fait, non point des mérites et compétences de cet homme, de ses aptitudes particulières à servir l'Etat, mais plus au fait de ses allégeances à des cercles du pouvoir et/ou par la cooptation à l'intérieur de ces mêmes cercles avec pour résultat que l'existence politique de tels hommes n'est concrète qu'à l'occasion d'échéances électorales lorsqu'ils se rappellent au souvenir de leurs électeurs qui, dans l'intervalle, auront perdu leurs traces. Ce qui nous amène à nous demander sur quels programmes (social, politique, économique, culturel) se fondent les partis qui ambitionnent de diriger l'Algérie, quel(s) projet(s) de société ont-ils mis au point pour un pays qui souffre, entre autres, de n'avoir pas su dépasser la question de l'identité nationale, quelles sont les ambitions pour la nation d'hommes dont l'existence politique est le produit non pas de leurs idées et vision politique, mais du fait de leur allégeance à des cercles politiciens? Que peuvent dès lors, proposer à la nation des dirigeants qui font de la soumission à d'autres programmes leur stratégie de survie politique, défendent des projets autres que ceux pour lesquels leurs députés et sénateurs ont été élus au Parlement? C'est en fait là, un paradoxe algérien, l'une des curiosités, et pas la moindre, du champ politique national. En fait, on entre en politique non point pour faire valoir des idées, défendre des convictions, prendre des décisions au profit de l'Algérie et de sa population, mais plutôt pour jouir de la rente généreusement distribuée par le régime à ceux qui savent le servir ou, plus trivialement, savent sentir d'où vient le vent. De fait, l'absence de vie politique, (de débats publics d'intérêt général -aucun ‘'représentant'' du peuple n'a estimé opportun ou légitime de s'inquiéter des prix prohibitifs atteints par la pomme de terre- sur la politique extérieure du pays, sur les questions économiques et culturelles, les problèmes de l'école et de l'université, le développement hors hydrocarbures; de la place qui doit être celle d'une opposition, capable d'apporter contradiction et idées), est la résultante, outre du système politique qui régit le pays, mais encore de l'amateurisme des hommes qui font de la politique par défaut, sinon par accident, du fait de la chape de plomb qui enserre l'Algérie, malgré les timides ouvertures de ces dernières années, lesquelles ouvertures sont rognées par le retour en force de la pensée unique.
Et c'est cela le drame du champ politique algérien, incapable de se prendre en charge et de prendre en charge les problèmes auxquels se confronte le pays. Pourtant, il y a une règle immuable: celui qui entre en politique doit savoir qu'il existe des conventions auxquelles chaque homme politique doit se soumettre, d'une part, accepter, d'autre part, les contraintes qui lui sont inhérentes en assumant, entre autres, les responsabilités qui sont les siennes au Parlement, au gouvernement, à la wilaya, à la commune. Car il y a une échelle de valeurs où chacun a sa part de responsabilité qu'il doit, d'une manière ou d'une autre, assurer. Or, en Algérie, singulièrement au niveau des hautes charges inhérentes aux fonctions qu'ils détiennent, ministres, députés, sénateurs ou édiles communaux, refusent d'assumer leur part de responsabilité dans les décisions prises en s'en remettant constamment au premier magistrat de l'Etat, comme si ce dernier, doté d'un pouvoir d'ubiquité, pouvait être partout à la fois et résoudre tous les problèmes de toute nature qui se posent au pays.
N'a-t-on pas entendu un responsable du football dire que seul le président pouvait résoudre la crise du football algérien? Fuyant leurs responsabilités, les dirigeants (à tous les niveaux) des secteurs de travail et d'activité s'en remettent ainsi au chef de l'Etat pour trouver une solution à un problème (politique, social, économique, culturel ou sportif) qui, théoriquement, est de leur ressort, privilégiant pour cela le confort de l'irresponsabilité alors qu'ils sont payés pour faire un travail ou investis pour leurs compétences supposées dans les fonctions qui leur ont été dévolues. Or, tous ceux qui en Algérie occupent des fonctions de responsabilité se comportent en rentiers faisant leur, en filigrane, la fameuse antienne «après moi le déluge». Aussi, ministres, députés, édiles communaux se cachent-ils derrière la redondance trop facile de «l'application du programme du président», à tel point que tous les chantiers ouverts en Algérie connaissent des retards considérables puisque, en effet, le président ne pouvait être chef de chantier, maçon, éducateur, entraîneur de clubs ou patron d'industrie se déployant aux quatre points du pays. A qui la faute?
Au président qui centralise le pouvoir à son niveau, aux ministres et aux maires qui redoutent de prendre des initiatives, aux chefs de chantier, aux présidents-directeurs généraux de sociétés nationales, qui se complaisent dans l'attentisme, à toutes ces filières de responsabilité au sein des institutions qui représentent l'Etat, institutions atrophiées par l'immobilisme de leurs gestionnaires? alors que l'Etat ce sont des hommes qui décident et orientent, des institutions qui veillent à la bonne marche et au suivi des chantiers, lesquels concourent au développement du pays et au bien-être général de la population. Mais pour que cela soit possible il aurait fallu qu'il y ait des hommes conscients de leurs responsabilités politiques et sociales, capables de prise de décisions en temps réel pour servir le pays et non point se servir et/ou servir des intérêts individuels, de clan ou de chapelle. Il aurait fallu aussi l'existence d'un contre-pouvoir (société civile, presse, opposition démocratique notamment) pour jouer le rôle de catalyseur faisant contrepoids à l'hégémonie du pouvoir par la pose de garde-fous propres à garantir un tant soit peu les règles du jeu politique. Or, l'incohérence de la classe politique, le peu de poids des «partis» en général sont la résultante à la fois de la fermeture du champ politique, qui a induit l'absence d'une «société civile» capable d'être ce contre- poids et aussi à la faiblesse d'une opposition «démocratique» inapte à être une alternative crédible de pouvoir. De fait, la connexion société civile-hommes politiques (au pouvoir ou dans l'opposition) constitue la base de toute société qui veut avancer et construire une société ouverte et démocratique. Pour cela il aurait fallu, enfin, des hommes politiques, ces fameux hommes d'Etat, lucides capables d'assumer les missions d'Etat à eux confiées. Or, le président Bouteflika n'a cessé d'affirmer, depuis son premier mandat, qu'il n'y avait pas d'hommes d'Etat en Algérie, réitérant ce constat en maintes occasions. Il n'échappe à personne qu'un homme d'Etat est un homme investi d'un certain pouvoir, mais qui a également des comptes à rendre, soit au pouvoir (Parlement, gouvernement, Présidence) qui l'a investi, soit aux électeurs qui l'ont élu, règles dont l'évidence dans une société (qui se veut) démocratique n'est point à souligner. Or, si ce principe est observé et respecté par les hommes qui font de la politique dans les sociétés évoluées, ou basées sur les principes de la démocratie, il semble inconnu parmi les hommes politiques algériens lesquels, une fois élus, ne s'inquiètent plus s'ils remplissent ou non correctement leur mandat, s'ils se sont mis à la hauteur des attentes des militants et des électeurs qui leur ont donné d'accéder à de hautes charges dans la commune, au Parlement (Assemblée et Sénat) ou encore au gouvernement (ministres). Il y a des échelles de valeurs qui semblent inexistantes ou ignorées par le champ politique algérien alors que c'est l'abécédaire d'un politicien qui connaît et respecte les règles du jeu politique qui sont aussi les bases d'un pouvoir fondé sur l'alternance démocratique (qui, comme chacun sait, a pour postulat «le pouvoir appartient au peuple qui le délègue à ses représentants», du maire au président de la République en passant par les députés et sénateurs). Les maires, les députés et les sénateurs sont ce que l'on appelle communément des hommes d'Etat et c'est parmi eux que sont puisés les hauts commis de l'Etat (ministres, gouverneurs de banques etc.). Or, le président Bouteflika ne semble pas les avoir rencontrés. Où sont-ils alors? Quelle est donc cette multitude d'hommes qui «font» de la politique mais ne sont pas des politiciens (au sens positif du terme) à même de leur donner de diriger les affaires du pays? Au risque de nous répéter, la politique c'est l'art de gouverner, alors où sont les gouvernants du pays?
D'ou vient donc cette faune qui écume les travées du Parlement, des ministères et des APC alors qu'elle n'a jamais constitué une alternative de pouvoir, mais a réussi néanmoins à s'incruster dans le paysage politique national comme un parasite inutile au bien-être de la société mais sachant se renouveler et sachant s'accrocher? Lorsque le chef de l'Etat a traité, lors dune visite d'inspection à l'aéroport international d'Alger, certains ministres de menteurs, on s'attendait, pour l'honneur et le respect dus à la fonction, qu'ils remettent leur démission. Or, rien de tel n'eut lieu et, toute honte bue, nos ministres avalèrent la couleuvre en demeurant stoïques face à l'affront. Ce rappel juste pour situer le débat. L'autre revers de la médaille, qui explique en grande partie l'échec du système politique algérien, est la persistance du concept de «l'homme fort», de l'homme providentiel qui détient entre ses mains l'ensemble des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) faisant de lui un quasi-monarque par lequel passent toutes les décisions qui engagent l'Etat et la nation. Or, dans un Etat ou les hommes politiques sont déresponsabilisés -c'est-à-dire non autorisés à prendre des décisions indépendantes en temps réel et des initiatives en fonction du problème qui se présente, sont ainsi politiquement démobilisés- il est patent que nous nous trouvons en face d'un régime fermé qui se renouvelle en vase clos. Dans un tel système politique -bâti autour des cercles, plus ou moins rapprochés gravitant autour de «l'homme fort»- il est avéré que le choix des hommes est, à tout le moins, restreint sachant qu'un tel dirigeant ne dispose pas de l'indépendance et du recul lui permettant d'agir et de prendre des décisions qui s'imposent. Aussi, le système algérien tel qu'il est conçu ne crée pas, ne pouvait créer des hommes d'Etat car l'existence de tels hommes est antinomique avec la philosophie même du régime qui gère le pays.
Or, pour qu'il y ait des hommes d'Etat, il faut qu'il y ait partage de pouvoir et coresponsabilité dans la gestion et la prise de décision à l'intérieur des institutions de l'Etat où chacun assume sa part de responsabilité sans recourir constamment à l'arbitrage du chef de l'Etat. C'est seulement lorsque les institutions de l'Etat fonctionneront normalement que les hommes investis de la charge de faire marcher ces institutions assumeront la totalité des responsabilités qu'elles induisent, qu'il serait alors possible de parler d'Etat fort, par des institutions capables de contrôler l'activité de l'Etat en amont et en aval -(cf; la multitude de scandales notamment financiers qui émaillent les hautes sphères de l'Etat sans qu'une quelconque autorité soit en mesure d'ouvrir ou de susciter les enquêtes qui s'imposent); fort par les hommes qui le dirigent; fort également par l'alternance politique qui permet le renouvellement constant de la classe politique, au plus grand bénéfice de l'Etat et du pays. Force est, cependant, de dire que nous sommes un peu loin des normes qui sont celles d'un Etat, sinon démocratique et de droit, du moins disposant des capacités lui donnant de fonctionner dans la transparence selon le principe que l'Etat appartient au peuple et est au service de ses citoyens qui se reconnaissent en lui, à travers les hommes qui le dirigent.


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