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«Certaines vérités doivent être dites»
ME ALI-YAHIA À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 26 - 07 - 2007

Dans cet entretien, Maître Ali-Yahia revient sur les motivations qui l'ont incité à mettre noir sur blanc les réflexions que lui a inspirées le parcours du pays depuis l'indépendance.
L'Expression: Pourquoi ce livre et, maintenant?
Ali-Yahia Abdennour: Nous avons respiré, en 1962, avec l'indépendance du pays, un air de liberté dont il est resté quelque chose dans nos poumons. Les morts, nos héros à qui nous devons fierté et dignité, sont partis sans avoir goûté aux fruits de leurs sacrifices. Auraient-ils été fiers de ceux qui ont assumé la relève? Le devoir accompli, libérer le pays que le colonialisme a marqué de ses destructions et de ses cruautés, fraternellement unis, nous avons dit tous ensemble, nous sommes les dignes fils et filles de ce pays. Le sommes-nous vraiment? Le livre s'attache à reconstruire les événements de la période écoulée, à comprendre l'essentiel du mécanisme politique qui a engendré la crise, et de décrire avec rigueur et précision le contexte politique social et culturel qui a présidé à la deuxième guerre d'Algérie. Il est l'écho d'une époque marquée par trois refus: celui de l'injustice et de l'arbitraire, car il n'y a pas de liberté sans justice, de justice sans liberté, celui de la violence et de la répression, celui de l'exclusion, mère de l'intolérance. Dans ce livre, aboutissement d'une réflexion à l'effet de mettre en relief de manière à la fois didactique et vivante les points de vue des différents acteurs concernés, défilent en bon ordre les blocages de la vie politique sociale et culturelle. Certes, avec ce livre qui ne veut rien laisser dans l'ombre, tout n'aura pas été dit, mais rien de ce qui est lisible n'aura pas été, par prudence ou par calcul, ignoré.
J'ai tenté d'expliquer les événements tels qu'ils se sont déroulés, tels que je les ai perçus, par souci de clarification, pour faire la lumière sur les pages sombres de notre histoire.
Je voudrais que ce livre reflète l'honnêteté de la réflexion et l'ouverture de la pensée, pour décrypter le présent et mieux comprendre l'avenir, afin de savoir si l'humanisme doit se retrouver ou se renouveler, ou si un nouvel humanisme est possible et à quelles conditions.
L'Algérie connut durant la décennie 1990 une politique, sociale et morale, de grande ampleur, qui a frisé le degré zéro d'humanité. Le peuple algérien n'a pas besoin de tuteurs car il est majeur et vacciné, mais des leaders politiques qui ont des idées et placent leurs ambitions après leurs convictions, capables d'éclairer le chemin à suivre, celui de la paix, de la justice et de la liberté. Le combat d'idées a pour seule arme la plume et la parole. Le livre pose le problème de la jeunesse qui est le moteur de la société, de ses obligations et de ses droits, de ses légitimes revendications, de sa place dans la société. Si, pour les partisans d'un pouvoir fort, l'art de la politique exige la durée, l'essence même de la démocratie, implique de soumettre régulièrement les élus au contrôle du peuple, pour les empêcher de s'identifier à leurs fonctions et de s'approprier le pouvoir.
Certaines vérités doivent être dites, car le silence nuit à la défense des causes les plus justes. Les faits rendus publics de manière à en donner une image vraie, sincère, sans faiblesse et sans passion, expriment les conditions de santé morale de la société.
Le livre est terminé le 1er mai 2006, je l'ai remis à Casbah éditions en septembre 2006. Il m'a été renvoyé deux mois après par le secrétariat sans un mot, sans une parole, avec dédain et mépris.
Vous semblez vouloir prendre du recul par rapport aux événements?
Pour avancer un projet de société qui doit assurer en même temps la démocratie, la croissance économique et la justice sociale, il faut élever le débat, prendre du recul par rapport aux troubles, aux émeutes qui éclatent journellement à l'intérieur du pays car ils sont révélateurs du malaise qui règne au sein des masses populaires sensibles à la misère et à l'injustice. Une solution politique bloquée accentue la fracture de la société et favorise les extrémismes qui continuent la politique par d'autres moyens. Le concept de dignité humaine est la clé de voûte de la société et son contraire est l'humiliation. Lorsque l'homme est humilié, il oublie qu'il est habité par la vie et le risque. Dire que l'on va transformer rapidement la nature de la société et en faire une société moderne, c'est ignorer l'existence d'un conservatisme né de fortes traditions. La trilogie que le pouvoir a voulu appliquer, stabilité-politique-expansion économique, qui n'est qu'un slogan devenu un dogme, progrès social, ne répond pas à la réalité et relève de la propagande.
Une fois découverte la misère du peuple, sa marginalisation de la vie politique et la dépossession de ses droits, il ne reste plus que deux voies à suivre, la capitulation ou la rupture, s'intégrer dans le système politique à la recherche du pouvoir et de ses privilèges, ou bien peser sur les événements pour garantir l'ouverture du champ politique et médiatique, et préparer, dans les meilleures conditions, le retour à la souveraineté du peuple et à la citoyenneté. L'alternance, qui est le droit souverain du peuple à choisir ses représentants au niveau de toutes les institutions élues de l'Etat, ne s'est pas réalisée depuis l'indépendance. Elle reste d'actualité. Combien d'erreurs, de fausses routes, de vaines impasses, on épargnerait à l'Algérie en consultant le peuple, en respectant son verdict, et en lui laissant le soin de trancher en toute liberté les graves questions à résoudre dont dépend son avenir. Les intellectuels, dans leur grande majorité, ont renoncé à leur rôle de critiques et d'analystes rigoureux, pour servir de simples relais ou d'instruments du régime politique. Leur silence sur des dérives opportunistes prouve que l'histoire se fait sans eux et contre eux.
On vous a souvent comparé à Me Vergès...
Lui c'est lui, et moi c'est moi. C'est Dilem qui a déclaré en 1994: «Si pour les Français, Vergès est un salaud lumineux, pour les Algériens, Ali Yahia est un salaud tout court.»
Depuis octobre 1988, mes prises de position pour la promotion et la défense des droits de l'homme m'ont valu des rancunes tenaces concrétisées par de nombreux articles de presse qui contiennent tout ce que je rejette, la vulgarité intellectuelle, la mutilation de la vérité, l'asservissement au pouvoir. Je me suis trouvé au carrefour de tous les malentendus, où la haine, l'insulte, la diffamation ont fait office de pièces à conviction. La haine monte au nez de certains journalistes, dès le premier whisky, et se renforce dans les vapeurs. Adopter la logique de ceux qui m'attaquaient serait me rabaisser. La politique n'unit pas, elle divise, c'est sa nature et c'est son rôle. J'ai défendu les prisonniers de toutes les couleurs politiques de l'arc-en-ciel. Quand les droits de l'homme sont bafoués, je ne cherche pas à savoir si la victime est démocrate ou islamique pour lui porter aide ou assistance. Il n'y a pas de différence entre toutes les victimes de la répression, affectées du même coefficient d'humanité, car les droits de l'homme sont au-dessus de tous les clivages politiques ou idéologiques. Soutenir tous les prisonniers politiques ou d'opinion, quelles que soient leurs opinions, est la règle d'or. Pourquoi une préférence dans des cas juridiquement semblables? Pourquoi deux poids, deux mesures, en fonction du statut social ou de l'engagement politique ou idéologique du détenu? Un avocat n'a pas le droit de faillir, car c'est la servitude noble de la profession, de refuser par calcul, par prudence, par peur ou par intérêt de défendre une personne, quelle que soit son idéologie, qui est privée de sa liberté ou menacée dans son honneur ou dans sa vie.
Que d'énergie la Laddh a dépensé pour persuader l'opinion publique qu'il ne faut pas choisir les victimes de la violence et de la répression à défendre, mais les défendre toutes. Elle refuse l'approche partisane ou idéologique qui signifie défendre les siens et abandonner les autres, ceux qui pensent autrement. Mes déclarations relatives aux atteintes graves aux droits de l'homme n'ont été «ni lèse-majesté, ni lèche-majesté».
Que pensez-vous de tous ces hommes politiques qui écrivent?
Nous vivons dans un pays qui parle beaucoup de l'Etat de droit, du respect de la dignité et des libertés, mais qui les réalise si peu. Les droits pour tous et pour chacun, il faut les inscrire dans les faits, de manière tranquille, mais résolue et déterminée. Les hommes politiques, qui sont les produits de lutte contre la négation de l'histoire et de la mémoire collective, l'oppression des cultures et la répression du peuple et des personnes humaines, doivent transmettre leur savoir à la jeunesse.
Il faut préparer l'avenir autour de deux préoccupations majeures, de deux questions de fond de nature politique; l'avenir de notre économie et le devenir de notre culture, qui est l'emploi de demain. Tous les regards doivent être tournés vers un horizon d'espoir, où personne ne baissera la tête, où personne ne pliera le genou, où chacun a sa place, aura la fierté et la dignité d'agir selon sa propre nature, sa propre responsabilité, et de se trouver à l'aise pour donner sa mesure.
La jeunesse, qui nous a donné une leçon de courage et d'espoir, doit se garder de trois tentations: celle de la démobilisation qui conduit à abandonner le combat, celle du désespoir impuissant, celle de la violence qui mène aux extrêmes. C'est vers l'objectif de réalisation de la démocratie qu'il faut orienter en priorité son action, car elle est la raison d'être de son action, et la priorité de tout renouveau politique. Elle doit comprendre que pour entrer en politique, il faut sortir du populisme.
Quelle est la situation des droits de l'homme en Algérie, actuellement?
Le rythme politique a besoin pour durer d'exercer une répression qui a tendance, non pas à régler les problèmes, mais à éliminer ceux qui les posent, à supprimer les contradictions en éliminant les contradicteurs. Les Algériens veulent l'ordre et la paix, à condition qu'il ne soit pas l'ordre des prisons, ni la paix des cimetières. Leur sécurité ne peut se traduire par l'aliénation de leur liberté.
Le passage à tabac des jeunes, arrêtés lors des manifestations publiques, les violences exercées contre les grévistes, les mâchoires brisées, les bras cassés sont monnaie courante. De très nombreux messages vérifiés, exprimés avec force, angoisse, détresse et colère, par les prisonniers, leurs familles, leurs avocats, font état de tortures qui ne sont pas des bavures, des faits isolés, des accidents de parcours, mais une pratique administrative courante, employée avec des moyens sophistiqués, par les services de sécurité relevant tant de l'autorité militaire que de l'autorité civile.
La ligne rouge, celle du sang, a été franchie par les gendarmes en Kabylie, qui ont tiré avec des armes de guerre, sur de jeunes manifestants qui n'avaient comme défense que leurs mains nues. La prochaine révision constitutionnelle n'introduira pas tamazight en qualité de langue officielle, parce que les partisans d'une solution musclée n'ont pas dit leur dernier mot.
Le Code de la famille a fait de la femme mariée et de la jeune fille d'éternelles mineures. Il est rétrograde dans son ensemble, car il dépouille la femme de ses droits. Le corps social ne peut être entier et fonctionner de manière harmonieuse, que si les femmes ont, non seulement le droit à la parole, car les hommes s'arrogent le droit de parler en leur nom, mais aussi accès au pouvoir.
La levée de l'état d'urgence conditionne la libération du champ politique et médiatique, ainsi que l'exercice des libertés individuelles et collectives. On vous attache les pieds et on vous dit, marchez. La contradiction réside dans le fait que le terrorisme est déclaré «résiduel», alors que l'état d'urgence est maintenu pour les impératifs de la lutte antiterroriste.
Le pouvoir qui dispose des hydrocarbures, c'est-à-dire de l'argent trouvé et non gagné, n'hésite pas à gaspiller son capital, à pratiquer une politique de la main légère, dans l'usage qu'il fait de l'argent des contribuables. Droits de l'homme et paix sont les deux aspects indissociables de la vie humaine. Toute tentative de sauver l'un aux dépens de l'autre, assumer la paix aux dépens de la vérité et de la justice, conduit à l'échec des deux.
La grâce amnistiante est grâce par sa forme et amnistie par ses effets. La grâce qui permet au président de la République d'effacer une condamnation décidée par la justice, produit ses effets sur la punition et non sur le délit ou le crime en tant que tel, laissant ainsi intacte la mémoire du délit ou du crime. Elle efface la peine et non la faute. L'amnistie est, à la fois, l'oubli du crime et de la peine, d'une virginité juridique.
La devise dans la voie du devoir nous rappelle constamment que les droits de l'homme reviennent de loin en Algérie, mais qu'ils ont un très long chemin à parcourir et qu'il faut être plus sensible, plus motivé, plus déterminé à poursuivre la route qui reste à faire, qu'au chemin parcouru.


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