La chaîne qatarie Al Jazeera a encore servi de relais au message du gourou d'Al Qaîda qui revient après près de trois ans de silence. Dans une vidéo d'environ une demi-heure dont des extraits ont été diffusés vendredi par la chaîne qatarie Al Jazeera, le chef de la nébuleuse islamique, Oussama Ben Laden, s'adressant au «peuple américain» lui a fait un véritable discours sur l'état des lieux dans le monde, se permettant même le luxe d'évoquer, au passage, la dégradation climatique. Ainsi, Ben Laden, «disparu» depuis de longs mois - laissant à son adjoint, l'Egyptien, Ayman Al-Zawahiri de porter la «bonne parole» d'Al Qaîda aux peuples - réapparaît à l'approche de la célébration du 11 septembre 2001. Et c'est au peuple américain - à quelques jours de la célébration du sixième anniversaire de ce jour dramatique pour les Américains - que Ben Laden s'est adressé lui faisant l'historique de la situation dans le monde et singulièrement en Irak où, selon le chef de la nébuleuse islamique, la «lutte sera intensifiée pour stopper la guerre». Contrairement à son habitude, Ben Laden ne profère aucune menace précise contre l'Amérique, mais semble prendre date. Hier, les services de renseignements américains s'affairaient à authentifier le message d'un Ben Laden dont l'image réapparaît sur Internet après plusieurs mois d'absence. Un responsable du renseignement américain, sous couvert de l'anonymat, a indiqué hier: «Je pense que les gens (du renseignement américain) sont quasiment sûrs que c'est sa voix.» Ben Laden ne menace pas de s'attaquer directement aux Etats-Unis, mais indique qu'il va «intensifier la lutte» en Irak pour mettre un terme à la guerre. De fait, selon le chef d'Al Qaîda, il n'y aurait que deux «solutions» pour mettre un terme au conflit irakien. «La première solution vient de nous et est de continuer à intensifier le combat et les tueries à votre encontre. C'est notre devoir et nos frères l'exécutent, et je demande à Allah de leur donner du courage et la victoire» indique le gourou islamiste. Sa deuxième «solution» apparaît quelque peu problématique, si l'on excipe du fait que le maître d'Al Qaîda demande au système démocratique américain de se saborder. «L'impotence du système démocratique, et la façon dont ce système joue avec le sang du peuple, est désormais clair aux yeux du monde et à vos yeux (du peuple américain)» soutient Ben Laden qui souligne, par ailleurs, que «l'Amérique est faible malgré sa puissance apparente» affirmant: «Bien que l'Amérique détienne la plus grande puissance économique, qu'elle possède l'arsenal militaire le plus grand et le plus sophistiqué, qu'elle dépense pour cette guerre et son armée plus que le monde entier ne dépense pour ses armées et qu'elle soit la grande puissance qui influence la politique internationale, comme si elle avait le monopole de l'injuste droit de veto, 19 jeunes ont réussi, avec la volonté de Dieu, à dévier sa boussole». Le chef d'Al Qaîda a également évoqué dans son message, qui dure une trentaine de minutes, certains chefs d'Etat comme MM.Sarkozy et Brown, respectivement président français et Premier ministre britannique arrivés aux affaires de leur pays en mai et juin dernier, de même qu'il fait référence à l'anniversaire (le 6 août) du lancement de la bombe atomique sur Hiroshima en 1945. Ces allusions à Nicolas Sarkozy et Gordon Brown et la date du 6 août 1945 sont importantes dans la mesure où elles ont convaincu que la vidéo mise en ligne vendredi est récente. Les citations sus-citées ajoutées à l'authentification (par les services de renseignement de la voix d'Oussama Ben Laden) infirment d'autre part la rumeur qui donnait le leader islamiste pour mort. Si Ben Laden ne menace pas clairement les Etats-Unis dans son message, ce n'est pas l'avis du patron de la CIA, Michael Hayden selon lequel Al Qaîda était en train de préparer des attentats «de grande envergure» visant les Etats-Unis. «Al Qaîda vise des cibles qui feraient un grand nombre de victimes, causeraient des destructions massives et auraient des conséquences économiques importantes», affirme le directeur de la CIA. A contrario du patron de la CIA qui trouve matière à menace dans la sortie de Ben Laden, le chef de la Maison-Blanche y trouve des raisons pour conforter sa politique irakienne, de plus en plus remise en cause par le Congrès américain, les médias et les analystes politiques. De Sydney où il participe au sommet de l'Apec (Association des pays de l'Asie-Pacifique), George W.Bush a, en effet, estimé hier que la vidéo attribuée au chef d'Al Qaîda, Oussama Ben Laden, montrait que «le monde restait dangereux et justifiait l'intervention armée» en Irak. «La vidéo rappelle que le monde dans lequel nous vivons est dangereux», a indiqué le président américain après la publication vendredi d'une retranscription de l'enregistrement dans lequel le chef d'Al Qaîda s'adresse au «peuple américain» et menace d'intensifier la lutte pour mettre fin à la guerre en Irak. «Je trouve cela intéressant que l'Irak soit mentionné, ce qui nous rappelle que l'Irak fait partie de la guerre contre les extrémistes» et nous montre que les Etats-Unis «doivent faire preuve de fermeté en les combattant», a souligné M.Bush. C'est la première fois qu'est diffusée une image vidéo de Ben Laden, qui n'est plus apparu en public depuis 2004. Dans cette vidéo, Oussama Ben Laden apparaît amaigri et ne portait pas sa tenue de camouflage, il était habillé du costume traditionnel des gens du Golfe, surmonté d'un pardessus beige. Sa barbe, habituellement grisonnante, est totalement noire. Ben Laden se tenait debout devant une table. Les spécialistes s'attendaient hier à ce qu'une nouvelle vidéo de Ben Laden soit diffusée dans les 72 heures, soit d'ici mardi 11 septembre. Homme le plus recherché dans le monde, Ben Laden demeure introuvable depuis l'assaut donné en octobre 2001 par l'armée américaine à sa forteresse afghane. En juillet, le Sénat américain avait décidé de doubler la prime offerte pour toute information conduisant à sa capture, la portant à 50 millions de dollars. L'attentat du 11 septembre 2001 qui a détruit les deux tours jumelles du World Trade Center (WTC) de New York a fait plus de 300 morts, rappelle-t-on.
