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Un sage a quitté Frenda
HOMMAGE À SI KADI MOULAY IDRIS
Publié dans L'Expression le 23 - 06 - 2002

Tu jetas ta robe de magistrat aux orties et tu choisis d'être simple écrivain public dans ta ville natale.
Tu t'envolas un matin vers ta céleste demeure.Tu as retrouvé un monde beau, l'espoir et l'amour. Tu as laissé ta dépouille ici-bas et ton âme se meut dans le bonheur, un bonheur inconnu au terrestre séjour.
Gloire à Allah, Omniscient et Omnipotent, suprême volonté dont l'univers, tous les jours, matin et soir, chante la présence, la miséricorde et la grandeur.
Vis maintenant auprès de l'Eternel. Tu viens de naître! Car la vie sur cette terre n'est-elle pas le néant et la vraie mort?
Mais ta vie, si Kadi Moulay Idris, n'a pas été vaine. Elle a eu un sens. Tu doutais de tout et tu n'es pas mort dupe. Tu ne t'es jamais soucié de plaire. Plaire, n'est-ce pas l'art de tromper? La popularité est un signe infaillible de la faiblesse d'esprit et tu n'as jamais eu ce triste métier de suivre la foule et de te fondre dans la multitude. Tu ne savais pas feindre, ni mentir. Tu n'avais ni myrrhe ni encens à offrir aux notables et responsables autoproclamés. Tu ne tolérais pas le confort des certitudes mesquines; tu étais rustique et fier et tu appelais un chat un chat et l'homme un fripon.
Tu ignorais ce grand art qui fait gagner les faveurs des princes. Tu jetas ta robe de magistrat aux orties et tu choisis d'être simple écrivain public dans ta ville natale. Cette ville berbère, doublement millénaire qui t'a vu naître à l'aube de ce siècle et qui a enfanté d'autres grands érudits, ulémas, grammairiens, historiens...Est-ce un hasard si Ibn Khaldoun la visita, s'y fixa et entama ses Prolégomènes?
Dans ton modeste bureau tu voyais toutes sortes de petites gens et surtout ces petits paysans éplorés, jadis braves et fiers, maintenant aux abois, perdus dans les détours d'un labyrinthe de lois et de chicanes infranchissables, victimes expiatoires de fonctionnaires corrompus et de bureaucrates («ces éternels assis»), véreux et vils. Tu avais un avis sur tout et beaucoup de réflexions sur la chose politique. Tu vivais mal ce vice et cette médiocrité qui règnent sans partage où l'incompétent, l'inculte et le voleur sont souverains, appréciés et célébrés et l'honnête et l'intellectuel dépréciés, humiliés et raillés. Car le seul art en vogue maintenant est l'art de voler et de grimper au sommet (mais grimper n'est-ce pas ram icalement?). Triste pays où un petit élu de douar, analphabète, offre en une soirée à sa maîtresse l'équivalent d'un salaire d'ingénieur et au Berrah, celui d'un professeur d'université. Tu méprisais les valets et serviteurs zélés et regrettais la désinvolture avec laquelle notre pays traite ses intellectuels. Tu n'as jamais hésité à heurter de front les idées reçues et en tant qu'homme de loi, tu disais qu'une chose n'est pas juste parce qu'elle est loi; elle doit être loi parce qu'elle est juste et que les lois ne doivent pas résulter des caprices des législateurs, mais dériver de la nature des choses.
Cela t'attristait que nos gouvernants festoient dans des résidences luxueuses aux salons feutrés et que le petit peuple, un par un, s'embarque clandestinement, se pend et s'immole faute de pain. Soyez tranquilles gouvernants, la situation du malheur est prospère.
Tu étais contre ce type de gouvernance et ce pouvoir archaïque et anachronique qui, au lieu d'anticiper et de prendre les décisions pertinentes, se contente de colmater et de gérer ses faillites et ses échecs. Tout en s'aggripant au koursi. L'avis du peuple, c'est pour les calendes grecques. Triste système qui condamne au purgatoire ceux qui ne s'abaissent pas à être ses laquais. Des patriotes payent pour des fautes qu'ils n'ont pas commises et meurent pour leur patrie. Les politiques, eux, en vivent. Tu faisais partie de ces parias qui gardent leur idéal intact dans un monde en pleine déliquescence qui a perdu toute son âme et par ta solitude, tu rappelais L'Albatros de Baudelaire ou Andromaque exilé à la cour de Pyrrhus.
Tu refusais les gloires factices et les promiscuités dégradantes et tu ne t'es jamais mésallié pour un faux honneur, ta conscience n'était pas négociable et tu crachais la vérité, l'âpre vérité.
Tu étais modeste et ami de la sagesse. Tu tâchais d'être une vraie personne. Tu n'as jamais voulu te laisser réduire à l'idée que les autres se font de toi et te fondre dans un personnage, abdiquer ta liberté et renoncer à être ta propre personne. Les habits d'emprunt, les titres et les richesses ne t'impressionnaient pas. Tu savais en dépouiller ton vis-à-vis et tu découvrais (en lui faisant découvrir en même temps) ce qu'il est réellement. Et ce qu'il est n'est pas forcément ce qu'il a!
Tu pratiquais la maïeutique à merveille et tu mettais souvent ton auditeur devant ses propres
contradictions.
Tu étais un pèlerin de la vérité plutôt que le propriétaire d'une certitude et n'acquiesçais jamais aux notions trompeuses. Tu n'épousais pas les opinions exceptées celles du Coran que tu lisais toutes les nuits et que tu savais si bien expliquer. Voilà la vérité, disais-tu en montrant le Livre Saint: l'homme n'est ni déchu comme le pense Pascal, ni gâté par les passions ou la société comme le croient les stoïciens ou Rousseau, ni corrompu par l'amour propre comme le prétend La Rochefoucauld.
Cela ne t'empêchait pas de suspecter ton altruisme et ta générosité et tu te demandais souvent s'ils n'étaient pas motivés par le plaisir ou l'amour propre. Tu respectais tous les peuples et toutes les religions et tu pratiquais celle que Dieu t'a choisie sans ostentation avec foi, humilité et ferveur.
Tu étais un peu hédoniste aussi, sceptique et désabusé et tu savais que l'homme ne peut connaître ici bas que quelques plaisirs et quelques joies éphémères et que le bonheur appartient à l'Eternel.
Tu ne croyais pas aveuglément à la raison implacable et rigide et à la science qui veut se substituer aux religions. Tu exaltais l'instinct et les élans du coeur et tu citais sans tarir Montaigne, Pascal ou Bergson.
En fin observateur, la moindre parole, un simple regard te suffisait pour comprendre les intentions et déceler le mouvement des âmes. Tu étais un parfait bilingue. Tu citais aisément El-Moutanabi ou El-Djahid comme tu pouvais parler de Gide ou de Camus. Tu disais de ta maison natale qui t'a vu grandir et où tu avais tant de souvenirs: « Mieux que Proust, moi j'habite dans ma madeleine.»
Je terminerai par ces petites anecdotes qui témoigneront peut-être des moments agréables que nous passions avec toi et de la joie immense que nous procurait ta compagnie.
Un jour, un mendiant te demanda une pièce de monnaie au nom d'Ahllah. Tu nous dis: «Même Dieu connaissant le mépris de l'homme pour l'homme a incité les gens à donner fi ouadjh Allah» (et donc pas fi ouajdjh le mendiant).
Tu avais l'esprit vigilant, alerte et vif.
A ce type qui ne cessait de s'enorgueillir d'être très généreux, tu répondis ceci: «C'est ton Je conscient qui reproche à ton Moi inconscient d'être trop généreux.»
Tes propos avaient l'accent sain et vigoureux de la franchise.
Après t'avoir traité à trois reprises sans résultats probants pour une arthrose du genou droit, je me décidai enfin, à te dire que c'était dû à l'âge et qu'il faut éviter l'acharnement thérapeutique, tu me répondis avec une naïveté feinte: «Si c'était l'âge, pourquoi le gauche ne me ferait pas mal, est-ce que mes deux genoux n'auraient pas le même âge?».
Ton sens de la repartie était légendaire et les réponses cinglantes.
A propos des vespasiennes construites sur le boulevard à Frenda, tu m'écrivis ces mots: «Après moult réunions où les autorités pesèrent le pour et le contre d'édifier une bibliothèque ou un espace Internet, il fut décidé, et à l'unanimité qu'en ces lieux soient érigées des toilettes publiques. Ce qui fut fait!»
Tu avais l'humour nonchalant, et la formule pittoresque et lapidaire.
Le meilleur éloge qu'on puisse te faire, Si Dris ne vient-il pas de Chevènement qui fit taire Claude Cheysson pour que tu continues à parler alors que tu étais invité à Belfort pour un colloque sur Jacques Berque dont tu étais l'ami?
Je terminerai par la sourate du Moulk que tu aimais tant.
«Béni soit par Lui-même celui qui tient le royaume dans Sa main et Il est infiniment capable de toute chose. Celui qui créa la mort et la vie, afin de vous éprouver pour savoir qui de vous agira pour le mieux. Il est Le Tout-Puissant et l'Absoluteur infini».
A Dieu nous appartenons et à Dieu nous retournons.
Dors en paix, ami et père.


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