Nous poursuivons notre analyse de la dérive vers la bureaucratie autoritaire. Si l'effort de maîtrise de la gestion globale de l'économie, tel que présenté dans la contribution précédente, a eu pour effet d'éviter la dégradation de l'activité économique qui a accompagné ce type de réformes dans d'autres pays, il n'a malheureusement pas permis l'atteinte des taux de croissance économiques nécessaires à la stabilité sociale et politique. Le taux de croissance moyen, en termes réels du PIB, a été de 0,4% entre 1988 et 1993, bien inférieur aux 6% nécessaires. Après janvier 1992, c'est la rectification vers une politique graduelle dans la transition politique et sans aller dans la thérapie de choc en économie, marquer un pas décisif vers les réformes économiques par la libéralisation du commerce extérieur, la convertibilité commerciale du dinar, le programme de lutte contre l'inflation, le rééchelonnement de la dette extérieure et le maintien des équilibres financiers intérieurs et extérieurs, à partir de 1994. Le gradualisme politique a été marqué par l'avènement du Haut-Comité d'Etat, formé de cinq personnalités supposées représenter les différentes sensibilités politiques de l'époque : légitimité historique (feu Boudiaf Mohamed), organisations de masse autour du parti unique (Kafi Ali), société civile (Haroun Ali), fouqaha et uléma (feu Haddam Tedjini), autorités militaires (Nezzar Khaled). Au niveau du Parlement, c'est le Conseil consultatif national dont les membres sont cooptés, mais travaillant à temps partiel sans rémunération et ne pouvant donner qu'un avis consultatif sur les projets d'ordonnance ou décrets présidentiels. Ils ne votaient pas les lois. Dans la proclamation du Haut-Conseil de sécurité, datant du 14 janvier 1992 et portant création du Haut-Comité d'Etat (HCE), il est notamment précisé que le HCE détient tous les pouvoirs conférés au président de la République par la Constitution en vigueur. En cas d'empêchement, de démission ou de décès du président du HCE, un nouveau président est élu au sein des membres de cette institution. Le HCE doit continuer à fonctionner jusqu'à ce que soient réunies les conditions de fonctionnement normal des institutions et de l'ordre constitutionnel. En tout état de cause, cette période ne peut dépasser la date prévue de la fin du mandat présidentiel sorti des élections de décembre 1988 ; c'est-à-dire décembre 1993. Le HCE est assisté par un Conseil consultatif national. Ensuite, il y a eu la cooptation d'un président d'Etat par une conférence nationale et la mise en place, au niveau du Parlement, d'un Conseil national de transition dont les membres sont toujours cooptés, mais qui travaillent à plein temps, reçoivent une rémunération et votent les lois. Après cela, c'est la première élection présidentielle pluraliste avec quatre candidats qui a abouti à la confirmation du président d'Etat coopté en président de la République élu. Puis ce sont les élections législatives et l'installation de l'Assemblée populaire nationale, suivies des élections communales permettant l'élection des membres du Conseil de la nation (Sénat). De même que la mise en place d'un Conseil d'Etat, d'une institution de lutte contre la corruption, d'un médiateur de la République et d'autres institutions républicaines. Ce choix du gradualisme politique peut s'expliquer comme une volonté de construction consciencieuse d'institutions politiques qui procurent soulagement et réhabilitation à la population, pendant que les forces de l'ordre mènent une lutte implacable contre le terrorisme. À jeudi prochain pour la suite de notre analyse. Entre-temps, débattons sur les meilleurs moyens d'avancer vers un avenir de progrès et de prospérité pour tous les Algériens. À la tentation du pessimisme, opposons la nécessité de l'optimisme !