Voulant ménager le chou et la chèvre à la fois, Paris s'ingénie depuis quelques jours à satisfaire Israéliens et Palestiniens après le dépôt de la demande palestinienne d'adhésion à l'ONU. Sachant qu'elle aura tout à perdre dans le monde arabe si jamais elle affiche son opposition à la candidature palestinienne, la France cherche un moyen lui permettant d'éviter cette éventualité. Et la seule possibilité d'y échapper c'est d'éviter un vote au Conseil de sécurité. Dans cette perspective, un travail de sape a été entamé afin que le Conseil de sécurité n'en vienne jamais à voter... un jour. Neuf voix sur quinze sont nécessaires dans cette instance pour adopter un texte, sans qu'aucun des membres permanents n'y oppose son veto. A ce jour, six membres du Conseil sont prêts à voter pour admettre à l'ONU la Palestine, mouvement que refusent les Etats-Unis, prêts à recourir à leur droit de veto. La France se fixe donc comme objectif de trouver une solution de compromis, comme le résume Denis Bauchard, de l'Institut français des relations internationales (IFRI), qui a affirmé que “l'objectif c'est d'éviter le drame, de gagner du temps et de trouver une solution de compromis”. “On va vers l'enlisement au Conseil de sécurité”, a-t-il estimé, tout en soulignant que “la France est partagée entre son tropisme à l'égard d'Israël et sa volonté de ne pas se couper du Printemps arabe”. Il est donc question d'éviter une accélération de la procédure qui sera dans l'intérêt des Etats-Unis, et au désavantage de la France, car dans la situation actuelle caractérisée par l'absence d'une majorité de neuf voix, Washington n'aurait pas même besoin d'utiliser son veto. Si elle est obligée de se prononcer si les Palestiniens vont au bout de leur logique, Paris pourra difficilement s'opposer frontalement aux Etats-Unis en votant pour. Le contre étant écarté, peu de pays arabes comprendraient le choix de l'abstention à l'heure où la France se flatte de ses succès libyens. Pour Denis Bauchard, “il est sûr que cela sera mal accepté du côté du monde arabe”, car selon lui la France essaye “de ralentir les travaux du Conseil de sécurité pour ne pas avoir à se prononcer pour, contre ou en faveur de l'abstention”. Yves Aubin de la Messuzière, spécialiste du monde arabe et ex-directeur Moyen-Orient au Quai d'Orsay, partage le même avis en confirmant que la position de la France “est très compliquée, parfois assez ambiguë”. Il estime que “s'il devait y avoir un vote et que la France annonce son abstention, cela poserait un problème dans les opinions palestinienne et arabes et la mettrait en contradiction avec son appui proclamé aux différentes transitions démocratiques et aux aspirations des peuples arabes”, illustré en particulier dans la crise libyenne. Selon plusieurs experts, la seule porte de sortie pour la France serait de faire savoir dans les salons feutrés de la diplomatie internationale que Paris — comme peut-être d'autres Européens — jouerait l'abstention en cas de vote au Conseil de sécurité. Mais sans le clamer haut et fort. Elle éviterait de se mettre à dos l'opinion publique arabe et inciterait les Palestiniens à renoncer à une procédure de vote et à se tourner vers l'Assemblée générale des Nations unies où le veto n'existe pas et où une majorité d'Etats sont acquis à la cause palestinienne.