Ce n'est pas un hasard si le ministre des Moudjahidine est sorti de sa réserve pour déclarer “attendre des actes de la part de Paris", le jour même où le nouvel ambassadeur de France remet ses lettres de créance au président Bouteflika. Le président Bouteflika a reçu lundi à Alger André Parant qui lui a remis ses lettres de créance, l'accréditant en qualité d'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République française en Algérie. L'audience s'est déroulée au siège de la présidence de la République, en présence du ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, et du directeur de cabinet de la présidence de la République, Mohamed Moulay Guendil. Après 53 jours d'attente, André Parant peut enfin exercer sa fonction de chef de mission diplomatique. Sa nomination étant intervenue la veille de la présidentielle française, Alger aurait préféré attendre avant de donner son aval à un homme désigné par l'ancien président français Nicolas Sarkozy. Les relations bilatérales ayant été tendues durant le règne de Sarkozy, il était donc tout à fait normal que l'Algérie temporise pour accueillir un “sarko boy" alors qu'elle attend des gestes du nouveau locataire de l'Elysée. Même si la gauche et la droite partagent des points de vue similaires sur la période coloniale et la mémoire, il n'en reste pas moins que les relations algéro-françaises méritent aujourd'hui de dépasser ce stade dans lequel le lobby pied-noir et les nostalgiques de la colonisation ont voulu les piéger. Conscient des enjeux, André Parant, qui estime que sa mission “est un grand honneur et une lourde responsabilité en même temps", a reconnu que “la relation entre nos deux pays ne se compare à aucune autre. Elle est unique, par la densité et la force des liens historiques, politiques, économiques et humains qui nous unissent. Elle est essentielle car notre capacité à relever ensemble un certain nombre de défis communs déterminera en grande partie notre avenir. Cette relation mérite, par conséquent, toute notre attention et tous nos soins. Le moment est venu de lui donner une nouvelle impulsion, de lui conférer la force, l'envergure, mais aussi la sérénité et la chaleur qui conviennent." Le message est assez fort et appelle des gestes forts du président Hollande qui détient les leviers de la nouvelle politique étrangère de la France. Le nouvel ambassadeur a évoqué devant le président de la République le projet du partenariat d'exception que Sarkozy avait définitivement enterré en 2007. “En cette année où l'Algérie célèbre le cinquantième anniversaire de son Indépendance, le moment est venu de s'engager dans la mise en œuvre de ce partenariat d'exception que le président Bouteflika a évoqué à plusieurs reprises et en particulier avec le président François Hollande au lendemain de son élection ; les circonstances y sont favorables, d'un côté comme de l'autre", a-t-il conclu. De son côté, le ministre des Moudjahidine, Mohamed-Chérif Abbès, a déclaré lundi à la radio Chaîne I attendre des actes de la part de Paris, notamment sur le dossier de la mémoire surtout que François Hollande avait indiqué en mars dernier, alors candidat socialiste, “vouloir en finir avec la guerre des mémoires". André Parant, qui connaît bien le Maghreb et l'Afrique, est l'un des trois fils de Philippe Parant, breveté de l'Ecole nationale de la France d'outre-mer (Enfom) qui avait débuté sa carrière à Madagascar (1958-1961) avant d'être nommé conseiller technique à la présidence de la République de Côte d'Ivoire (1961-1969). C'est à l'issue de ce séjour africain qu'il rejoindra la préfectorale avant d'être nommé directeur au ministère de la Défense (1983). Il sera plus tard patron de la DST de 1993 à 1997, période au cours de laquelle il aura des relations très denses avec les autorités algériennes dans le cadre de la lutte contre l'islamisme armé (attentats du métro parisien notamment). Le nouvel ambassadeur sait ce qui l'attend. La complexité des relations algéro-françaises est telle qu'il aura fort à faire pour renouer avec la sérénité. Il s'est engagé à consacrer “toutes ses forces et toute son énergie" pour y parvenir. Reste que tout dépendra de Paris. S T
