“Liberté" : Nous ne pouvons pas parler de Makhloufi sans revenir sur la médaille d'or obtenue lors des JO de Londres en été dernier, n'est ce pas ? Taoufik makhloufi : C'est un rêve qui s'est réalisé. En fait, depuis mon enfance, mon seul souhait était de monter sur la plus haute des marches du podium dans les Jeux olympiques. Certes, c'est un gros exploit, néanmoins, le plus dur reste à faire après cette médaille en vermeil. On imagine que ce sacre est le fruit d'un dur labeur, n'est-ce- pas ? Et comment! Je préparais cette médaille depuis les Jeux africains de Maputo (fin de l'année 2011), où j'ai arraché du reste la médaille d'or dans l'épreuve du 800m et une troisième place au 1500m. J'ai enchaîné ensuite avec une autre médaille d'or lors du championnat d‘Afrique de Porto-Novo au Bénin à deux mois des J.O. de Londres toujours au 800 m ou j'ai amélioré mon record personnel ; 1'34''88. À l'issue de cette compétition, qui avait regroupé les ténors du demi-fond, j'ai pu les surclasser et améliorer mon temps. A vrai dire, et comme tout le monde le sait, l'épreuve des 1500 m est dominée par les Kenyans et les Ethiopiens, donc, pour moi pouvoir décrocher cette première place devant ces ténors de la discipline m'a motivé pour les Jeux olympiques de Londres. Je me suis dit : “Tiens, si j'ai pu battre les Kényans et les Ethiopiens au championnat d'Afrique, je pourrais refaire le coup à Londres". Juste après le championnat d'Afrique, j'ai enchaîné avec une autre compétition à savoir le meeting de Monaco ou j'ai décroché la première place aussi, j'ai réalisé d'ailleurs ma meilleurs performance dans le 1500 m, avec 3'30'' 8. Dès lors, je me suis fixé comme objectif la médaille olympique. C'était à vingt jours du début des J.O.. Franchement, la performance réalisée à Monaco à quelques jours des J.O. vous a boosté pour vous surpasser à Londres ? Evidement, réaliser 3'30'' à quelques jours des Jeux olympiques fut très motivant pour moi. C'est là que j'ai réalisé que j'avais une chance pour décrocher l'or à Londres. À l'issue des trois courses à Londres, on a vu un grand Makhloufi qui à chaque fois prenait le large sur ses adversaires, est- ce une tactique à vous, ou juste que vous étiez plus rapide que les autres athlètes ? Je dirais les deux. En fait, pour la première course qualificative à la demi-finale de l'epreuve des 1500 m, j'ai décidé de donner le meilleur de moi-même afin d'impressionner mes concurrents à la fois et prendre un ascendant psychologique sur mes adversaires aussi. En demi-finale, j'ai pu rééditer la même performance avec un écart considérable dans la ligne d'arrivée, de même que la finale. La finale du 1500m s'est jouée beaucoup plus sur le volet tactique, nous avons même vu que les Kenyans ont essayé de vous barrer la route afin d'empêcher de faire une accélération dans les derniers 600m ? Vous savez, vu mes performances lors des deux premières séries, j'ai compris que j'étais désormais leur cible, et que je serais surveillé de près par les Ethiopiens et les Kenyans. Lors des deux premières courses j'ai entamé mon attaque dans le dernier tour, néanmoins, en finale, j'ai senti que mes adversaires voulaient à tout prix m'empêcher de faire une accélération comme ce fut le cas lors des deux premières courses. C'est pour cette raison que j'ai décidé d'attaquer plus tôt que prévu c'est-à-dire dans les derniers 600 m. Dieu merci, malgré leurs tentatives, j'ai pu sortir de ce piège et accélérer au bon moment et la suite tout le monde la connaît avec au final une première place bien méritée avec un temps de 3'34"08. À Londres, une grande polémique est née suite à votre blessure la veille de la finale du 1500 m, et votre suspension par la Fédération internationale d'athlétisme pour suspension de manque de combativité dans les série du 800 m, que s'est-il passé au juste, Makhloufi ? J'étais engagé dans les deux courses à Londres le 800 m et le 1500 m. J'ai voulu prendre part à ces courses du moment que j'ai senti que je pourrais offrir deux médailles à mon pays dans ces deux épreuves. Néanmoins, je me suis basé surtout sur l'épreuve phare qui est le 1500 m. Mais, ce qui m'a poussé à abandonner la course du 800 m, quelques mètres seulement après le départ c'est que j'ai ressenti des douleurs au niveau de mon tendon (il souffrait d'une lésion du tendon), qui m'a vraiment empêché de poursuivre la course. D'ailleurs jusqu'à l'heure actuelle, je ressens encore des douleurs. Tout de go, j'ai arrêté ma course. C'est mon droit le plus absolu. En plus, j'avais une finale à disputer le lendemain du 1500 m, je n'ai pas voulu m'aventurer. En fait, c'était à quitte ou double, je pouvais ressentir ces douleurs lors de la finale des 1500 m et abandonner, mais le bon Dieu en a voulu autrement el-hamdoullah. Toujours est- il que la fédération internationale d'athlétisme a cru que j'avais triché et simulé cette blessure pour ne pas terminer la course du 800 m à terme et participer à la finale du 1500 m. C'est pour cette raison qu'au début elle m'a suspendu. Néanmoins, j'ai présenté un certificat médical signé par deux médecins attestant que je souffrais d'une blessure douloureuse et toutefois un traitement approprié pouvait me permettre de courir 24h plus tard. Je ne vois pas pourquoi la presse étrangère a fait tant de polémique sur cette affaire. Pout tout vous dire, je suis resté zen, car je savais que la suspension allait être levée. Puisque j'étais l'unique espoir de l'Algérie pour décrocher une médaille, je savais que tous les Algériens étaient derrière moi. Après cette consécration, un grand champion qui est El-Guerroudj vous a encensé, en affirmant que si vous continuiez de cette manière, vous alliez battre son record mondial qui est de 3'26"00 ? Je suis très flatté par les déclarations d'El- Guerroudj, qui est un modèle pour moi. Je vais cravacher encore plus dur afin de réaliser d'autres objectifs et ne pas me contenter de cette médaille olympique. D'ailleurs, mon prochain objectif est les mondiaux d'athlétisme en mois d'autre prochain à Moscou. En plus, je veux battre le record du monde détenu jusque-là par El-Guerroudj. Vu les résultats catastrophiques des Algériens à Londres, on pourrait dire que la médaille de Makhloufi est l'arbre qui cache la forêt en quelque sorte? Malheureusement oui. Je pense que la médaille de Makhloufi a sauvé l'honneur de l'Algérie. Dieu merci, je suis fier d'être le seul Algérien qui a offert l'or à l'Algérie et en même temps déçu pour mes compatriotes qui sont sortis bredouille de ces jeux. Ne pensez vous pas que l'athlétisme algérien aurait offert à l'Algérie plus de médailles, s'il n'y avait pas eu la suspension de Bouras et Bouraâda pour un contrôle positif à une substance dopante interdite ? Je connais très bien Bouraâda et Bouras, c'est des athlètes de haut niveau qui ont un tempérament de champion, je pense sérieusement que s'ils avaient été présents à Londres, ils auraient tous les deux arraché des médailles pour l'Algérie et du fait la moisson aurait été plus prolirifique en matière de médailles. La vie de Makhloufi a changé après cette médaille d'or, n'est ce pas, surtout sur le côté financier ? Effectivement, mais vous savez, le plus important pour moi ce n'est pas l'argent. L'essentiel est que j'ai pu procurer de la joie à 35 millions d'Algériens. Lorsque je suis allé dans ma ville natale Souk-Ahras, je fus très touché par la réaction d'un gamin qui m'a fait un gros câlin, en fait j'avais la chair de poule. Donc, l'important à mes yeux c'est ça, c'est de voir le peuple algérien toujours content. Un dernier mot pour conclure... La page de Londres est désormais tournée, je dois maintenant me pencher sur les prochaines échéances, comme les meetings de Qatar, des USA et surtout le Championnat du monde de Moscou en août prochain. D'ailleurs, le 20 décembre, j'irai en Ethiopie avec mon entraîneur pour une préparation spécifique d'une durée de trois mois. S. M. ET A. I. Voir l'intégralité de l'entretien en format vidéo (mp4): www.liberte-algerie.com/videos/entretiens-de-taoufik-makhloufi-partie-01 www.liberte-algerie.com/videos/entretiens-de-taoufik-mekhloufi-partie-02