La cacophonie algérienne

La vérité sur les incidents de Sfax

Les autorités algériennes ont fini par se rendre à l’évidence. Les incidents de Sfax se sont avérés beaucoup plus graves qu’elles ne les avaient estimés au départ.
Les fans des verts qui ont voulu goûter à la joie que seule la balle ronde est capable de procurer, ont été bastonnés et frappés à mort.
Des morts, il y en a bien eu. Le jeune supporter surnommé Delaâ de Bachdjarah vient de succomber à ses blessures avant-hier. Le vœu de son père qui espérait le revoir vivant n’a, malheureusement, pas été exhaussé. Combien d’algériens restent-ils au pays de Ben Ali, et dans quel état sont-ils ? La réponse exacte, on ne la connaît pas encore.
Après s’être fié aux informations provenant des services du régime de Tunis, qui avaient annoncé, au lendemain de la rencontre Algérie-Maroc, le chiffre définitif de 69 blessés, les autorités algériennes ont mis dix jours pour découvrir l’ampleur des dégâts de l’acharnement de la police tunisienne. Boudjemaâ Haïchour, ministre de la jeunesse et des sports, a rendu publiques, avant-hier, des statistiques effarantes.
Les évènements de Sfax avaient fait, selon lui, “2 500 blessés dont des dizaines sont dans un état grave�. Ce n’est pas ce qu’avait déclaré, deux jours après la bastonnade, le chef de la diplomatie algérienne, Abdelaziz Belkhadem, qui affirmait qu’il n’y avait aucun mort. Le rapport du premier secrétaire de l’ambassade de l’Algérie à Tunis qui soutenait, le 10 février dernier : “nous pensons que ce qui s’est passé dimanche au stade de Sfax est grave, il y a eu des dépassements dangereux de la part de la police tunisienne qui a chargé, de manière musclée, les supporters algériens sans aucune distinction�, n’aura pas pu empêcher le ministre de l’intérieur du gouvernement Ouyahia, Nourredine Yazid Zerhouni, de distiller des phrases assassines à partir de Tamanrasset où il accompagnait le président Bouteflika en visite dans cette wilaya.
Zerhouni qui a raté, encore une fois, une autre occasion de se taire, a affirmé, le 14 février dernier, qu’“il n’y a eu aucun mort à Sfax, il y a eu seulement quelques blessés légers et des véhicules abîmés�, avant d’approuver la manière de faire de la police tunisienne en disant : “il y a eu excès de la part de nos supporters et les autorités locales ont réagi comme elles devaient réagir�.
Pour lui, la police de Ben Ali “a fait son devoir�. En effet, elle a fait plus que son devoir. Elle a réprimé des supporters algériens, mais la répression que Zerhouni juge acceptable a fait des blessés graves et un mort identifié, le jeune Delaâ de Bachdjarah. Et “peut-être des morts�, comme l’avait laissé entendre l’ancien chef du gouvernement, Mokdad Sifi. Il y a quelques jours, des parents de supporters algériens non revenus de Tunisie étaient à l’affût, ils se sont rendus nombreux au siège du ministère des affaires étrangères, pour s’informer du sort de leurs enfants dont ils étaient toujours sans nouvelles, après le guet-apens de Sfax. Depuis le 8 février dernier, il faut le dire, la diplomatie algérienne n’a pas été à la hauteur de la gravité de la situation vécue par des milliers de citoyens algériens au pays de Ben Ali.
Mais il n’y a pas que cela : à la lenteur de notre diplomatie, s’ajoute la cacophonie au sein du gouvernement.
Les déclarations contradictoires de certains de ses membres, montrent la légèreté, toute la légèreté qui a caractérisé le traitement de cette affaire. Ces contradictions prouvent aussi que les membres du même Exécutif ne sont pas au même niveau d’informations et ce, plusieurs jours après les incidents qui ont émaillé la rencontre Algérie- Maroc.
S. R.