Les héros ne meurent pas, ne meurent jamais, quel que soit leur âge, hommes ou enfants, et ils étaient nombreux à sacrifier leur vie pour que vive le peuple algérien dans la dignité, dans une nation libre et indépendante. Cette fois, j'avais rendez-vous avec le petit grand héros de la Bataille d'Alger. Qui ne connaît le grand P'tit Omar ? Qui ne se rappelle pas comment il a été exécuté, assassiné, en compagnie de ses grands frères et sa grande sœur par la horde sauvage, les criminels de guerre, jamais jugés par un tribunal pénal international ? Qui de nous, enfants que nous étions, n'a pas pleuré au moment où l'ordre à été donné de dynamiter la cache ? Certes, ce n'était qu'un film retraçant l'événement tragique. J'avais un peu plus de 13 ans, le petit Omar avait le même âge, on se sentait vivre au présent. On était dans le film, dans le feu de l'action, dans la cache où la peur nous envahissait ; le stress et l'angoisse atteignaient leur paroxysme et nous plongeaient dans un état d'épuisement, les battements du cœur s'accéléraient et augmentaient d'intensité. Le bruit provenant du son du film et celui de notre cœur devenaient synchrones, avaient le même rythme, se confondaient. Notre corps transpirait, inondé de sueur, les habits complètement mouillés. Notre respiration s'accélérait et devenait superficielle. On manquait d'air et l'obscurité de la salle nous plongeait dans une sensation de claustrophobie et de manque d'oxygène. Ce moment semblait interminable. L'instant fatal est marqué par une détonation provenant de l'écran et envahissant toute la salle. On a fermé les yeux. Une fois ouverts, on a constaté le désastre et comment est mort le petit Omar et les autres héros. Le dynamitage a provoqué l'effondrement des habitations avoisinantes et la mort de centaines d'innocents. Cette période des héros nous poursuit encore et ne nous quittera jamais, jusqu'à la fin de notre vie. Nous étions tous des petits Omar, surtout quant on porte le même prénom, et on s'y plaît d'être appelés Petit Omar. Plus d'un demi-siècle après, le présent avait rendez-vous avec le petit Omar, l'histoire a retenu son nom, elle l'a glorifié, elle l'a éternisé.J'avais appris qu'un hôpital de chirurgie cardiaque pour enfants allait ouvrir à Draâ Ben-Khedda et qu'il allait être baptisé du nom de P'tit Omar (Omar amchtouh). Je ne pouvais rater cette rencontre pour rien au monde. J'ai adressé un message de félicitations à mon collègue et ami, le professeur Bourrezak, pour les premières interventions chirurgicales pratiquées par lui et son équipe dans ce nouvel hôpital dont il est l'un des concepteurs. À ce titre, il a eu le privilège et l'idée géniale de proposer le nom de Yacef Omar, dit P'tit Omar. Le choix de mon ami est judicieux à plus d'un titre. Pour la première fois depuis l'Indépendance, un établissement hospitalier porte le nom d'un enfant héros et, a fortiori, destiné aux enfants malades. Le choix est sans doute aussi motivé par le fait que la grande famille révolutionnaire Yacef, dont le chef militaire de la Zone autonome d'Alger, Yacef Saâdi, est originaire de la Grande Kabylie où l'établissement est implanté. C'est en présence de nombreux moudjahidine de la région, des jeunes scouts et de nombreux citoyens venus pour la circonstance que la famille Yacef, dont l'oncle maternel Saâdi, a vu la stèle avec le portrait de leur fils, frère, neveu, cousin, oncle inaugurée par le ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière. La journée s'est poursuivie par des interventions chirurgicales transmises en direct dans la salle ou étaient présents le ministre et la délégation qui l'accompagnait. Le sacrifice du P'tit Omar n'était pas vain, il a permis à des millions de petits Algériens de se soigner, de s'instruire, de grandir et de vivre dans la dignité et dans le respect, dans une Algérie libre, indépendante et démocratique. Gloire et éternité â nos martyrs. Pr O. Zemirli Chef de service orl et ccf au chu Béni-Messous Nom Adresse email