Dans cet entretien, l'ancien directeur de la dette extérieure à la Banque d'Algérie aborde les contraintes au financement de l'investissement productif . Il propose d'autres alternatives au financement bancaire. Liberté : Comment évaluez-vous l'état de l'investissement national et étranger en Algérie ? Rachid Sekak : Il est connu que l'Algérie ne réalise pas son potentiel de croissance. L'une des causes de cette anomalie réside dans une intermédiation financière plus faible que celle des autres pays de la région. Mais une part importante de la solution, c'est en dehors du secteur bancaire et financier et réside dans le système de régulation ou de non-régulation de l'économie qui facilite "l'acte de commerce au détriment de l'acte d'investir". Il existe néanmoins actuellement un potentiel non utilisé de distribution de crédits que l'on pourrait évaluer à environ 33 milliards de dollars à fin 2013. Cet excès de liquidités était repris par la Banque centrale dans le cadre de sa politique monétaire. D'autre part, on peut relever que la circulation fiduciaire (cash) hors du circuit bancaire était d'environ 40 milliards de dollars à la même période. Ce qui représente un potentiel important de collecte des ressources par les banques pour les transformer en fonds prêtables. Facile à dire mais plus difficile à mettre en œuvre, quand on sait que le secteur informel pollue et entrave le développement économique du pays, que le secteur informel n'est pas la résultante de l'action des banques ou du secteur financier, mais du mode de fonctionnement de notre économie. En dépit de ce contexte difficile, n'existe-t-il pas des outils et des dispositifs qui permettraient d'améliorer le financement de l'investissement et de celui de la PME ? Il y a des marges de manœuvre dès lors que l'amélioration des choses devient une priorité des pouvoirs publics. En effet, le financement de l'investissement est actuellement quasiment exclusivement bancaire. Ce qui est une anomalie et intenable dans la durée. Il convient de revenir à une certaine orthodoxie, car un marché obligataire pour les entreprises profond et fonctionnel est indispensable pour la facilitation des flux d'investissement à long terme Que préconisez-vous pour la résurgence du marché obligataire ? Il y a d'abord la nécessité d'afficher le caractère prioritaire de celle-ci. Il faudra aussi réfléchir sur la modernisation des modes d'intervention des investisseurs institutionnels (caisse de retraite, sociétés d'assurance) et encourager l'émergence des régimes de placement collectifs (Sicav). De la même manière, la modernisation des formes de gouvernance et une transparence accrue des opérateurs privés est un préalable Qu'en est-il du financement de la PME ? La PME partout dans le monde rencontre des problèmes de financement du fait de sa spécificité. Le caractère essentiel de notre tissu de PME réside dans une insuffisance de capital (fonds propres). Dans ce cadre, il est souhaitable d'encourager et de lever les contraintes du capital investissement, qu'il soit d'origine locale ou internationale. Par ailleurs, l'initiative de créer un segment PME au sein de la Bourse d'Alger doit être approfondie et encouragée. Au niveau de l'exploitation, partout dans le monde le factoring est le mode privilégié de financement de l'exploitation de la PME. Il convient donc de s'interroger sur les raisons de son non-décollage chez nous, alors que les textes réglementaires existent depuis 20 ans. Pour l'investissement, le crédit-bail (leasing) est bien adapté au financement de la PME. À ce titre, il serait judicieux d'analyser les contraintes de refinancement qui pèsent actuellement sur les sociétés de leasing. Entretien réalisé par : K. R.