Le projet de dédoublement et de mise à niveau de la voie ferrée Béni Mansour-Béjaïa, sur une distance de 87 kilomètres, ne cesse de susciter une vive opposition dans la région de la Soummam où de nombreux industriels et des citoyens rejettent le deuxième tracé élaboré par le bureau d'études en charge du suivi technique de cette réalisation. Et pour cause, plus d'un millier de bâtisses, pas moins d'une vingtaine d'unités de production et des centaines d'hectares, dont la vocation est majoritairement agricole, seront touchés par l'opération de démolition qu'engendrerait la mise à exécution du tracé de la nouvelle installation ferroviaire. Regroupés dans une organisation créée en avril dernier, dénommée Association de défense des intérêts des citoyens, opérateurs économiques et industriels de la Soummam, les opposants au tracé multiplient, ces derniers jours, les rencontres-débats pour préparer la riposte face à la menace qui plane sur leurs biens. "On s'interroge sur les visées des auteurs de ce tracé que nous considérons comme une menace sérieuse sur l'économie de notre région. On ne peut être contre un projet de développement, mais on ne tolérera jamais qu'une réalisation quelconque soit faite au détriment des acquis socioéconomiques, chèrement payés au terme d'une cinquantaine d'années de labeur", fulmine Khodir Aït Braham, gérant d'une unité de production à Ouzellaguen, et non moins président de l'association fondée par des opérateurs économiques et des citoyens de la région. Lors d'un point de presse, à l'issue de la dernière réunion des membres du bureau de ladite organisation, tenue le 13 décembre passé à l'auberge Mimosa, à Ighzer-Amokrane, M. Aït Braham déplorera que "les responsables d'un tel projet osent maintenir un tracé visant à ruiner l'économie d'une région considérée comme le fleuron de l'industrie agroalimentaire du pays et la plus importante en termes de projets d'investissements privés (PME-PMI)". Selon lui, pas moins de 1 300 bâtisses privées, dont de somptueuses villas, 24 unités de production employant quelque 8 000 ouvriers directs, cinq cimetières et deux établissements scolaires, risquent d'être réduits à néant, a-t-il soutenu. Les chiffres communiqués par le conférencier ne concernent que les biens socioéconomiques touchés par l'axe du tracé de la nouvelle voie ferrée entre la daïra de Tazmalt et celle de Sidi-Aïch, soit cinq communes : Tazmalt, Akbou, Ouzellaguen, Souk Oufella et El-Flaye. Il faut signaler que les protestataires, qui ont déjà adressé des requêtes aux différentes autorités concernées, y compris la présidence de la République, ont décidé d'interpeller une nouvelle fois les pouvoirs publics sur "les conséquences désastreuses" qui pourraient découler de l'éventuelle mise en œuvre du deuxième tracé adopté par le maître d'œuvre. "À partir du moment où ils ont accepté de revoir le tracé initial, pourquoi alors ne pas procéder à la révision de la seconde proposition de manière à satisfaire tout le monde ? D'autant plus que la solution de rechange existe. Pourquoi ne pas réaliser une deuxième voie en longeant de près l'ancien rail ?", s'interroge le conférencier qui se dit "indigné" qu'aucune autorité n'ait daigné répondre aux inquiétudes suscitées par ce projet. "N'ayant pas eu jusque-là d'interlocuteur officiel qui puisse nous éclairer un tant soit peu sur ce projet controversé, nous avons décidé d'alerter de nouveau les autorités compétentes en leur demandant de diligenter une commission d'enquête devant permettre de faire la lumière sur les tenants et les aboutissants de cette affaire qui s'apparente à une véritable épée de Damoclès qui ne cesse de planer sur nos têtes", a-t-il affirmé. Le marché portant réalisation du projet de dédoublement et de modernisation de la voie ferrée Béjaïa-Béni Mansour a été attribué, le 2 décembre dernier, par l'Agence nationale d'études et suivi de la réalisation des investissements ferroviaires (Anserif), à Estel RA, un groupement formé de la Société nationale des transports ferroviaires (SNTF) et de l'allemand Siemens. Le montant de ce contrat s'élève à 95 millions d'euros, alors que les délais de livraison ne sont pas encore communiqués. K. O.