Résumé : Nawel tente d'aborder le sujet de leur mariage avec Fayçal. Ce dernier ne semblait pas empressé de sauter le pas. Pour mettre fin à ses préoccupations, il lui avoue que ses économies avaient fondu durant ses deux années à la caserne. Nawel rétorque qu'elle pourrait faire face à toutes les dépenses. Mais il persiste à ajourner leur projet. Une semaine plus tard, il prend quelques jours de congé pour se rendre au bled. Personne ne savait ce qui allait réellement se passer. Ni moi ni les autres collègues. Je tentais de le contacter, mais son portable était constamment éteint. Je ne voulais même pas imaginer qu'il refusait de me parler ou qu'il avait sciemment changé de puce. J'attendis encore quelques jours. Comme personne n'avait de nouvelles de lui à la rédaction, je décidais d'appeler une de mes belles-sœurs au bled. Nassima avait mon âge et était déjà mère de deux enfants. Elle était la sœur cadette de Fayçal, et le courant était passé entre nous dès notre première rencontre. Notre relation cependant s'était résumée à quelques échanges amicaux. Nassima décroche à la première sonnerie et semblait heureuse de m'entendre : -Enfin Nawel, tu consens à donner de tes nouvelles. -Désolée Nassima, mais je ne suis pas la seule à blâmer, toi non plus tu ne donnes pas de tes nouvelles ces derniers temps. -C'est vrai. Nous étions tous occupés à préparer ce mariage. -Quel mariage ? -Le mariage de Fayçal. Tu n'es donc pas au courant ? J'eus le souffle coupé. À quoi jouait-on donc ? -De quoi parles-tu donc Nassima ? Fayçal ne veut pas se marier dans l'immédiat. -Comment ça ? -Oui. Je... Enfin Nassima ! Nous avions abordé ce sujet juste avant son départ au bled, et il ne semblait pas prêt à organiser ce mariage. Que s'est-il donc passé ? Et pourquoi ne suis-je pas au courant de ces préparatifs ? J'ai mon mot à dire là-dessus moi aussi, et ma famille doit être informée. Nassima garde le silence quelques secondes, puis lance d'une petite voix : -Fayçal ne t'a rien dit ? -Non. Non, il ne m'a rien dit. Que se passe-t-il Nassima ? Que me cache-t-on ? Je m'étais mise à crier sans m'en rendre compte. Un silence tombe entre nous. Un silence qui n'augurait rien de bon. -Alors que se passe-t-il Nassima ? Je ne comprends rien à ce qui se trame. Nassima reprend d'une voix à peine audible : -Fayçal faisait d'autres projets Nawel. Tu devais être au courant, puisqu'il nous a dit que vous vous êtes quittés à l'amiable. Nous lui avons alors reproché de ne pas t'avoir invitée à prendre part à la fête. -Nous nous sommes quittés ?! Mon cœur se met à battre dans ma poitrine : -Je ne te suis pas Nassima. À quelle fête vous vouliez m'inviter ? Un peu agacée par mes questions, Nassima réplique d'une voix forte : -À la fête de son mariage pardi ! Je ne sais pas à quoi tu joues Nawel. Fayçal nous avait dit, qu'en commun accord, vous aviez décidé de rompre vos fiançailles, mais que vous êtes tout de même restés amis. Ce n'est pas difficile à comprendre aussi, étant donné que vous travaillez ensemble depuis plusieurs années. Un froid glacial remonte des tréfonds de mon âme et pénètre dans mes os. Ma langue refuse de remuer dans ma bouche, et je fus saisie d'un vertige qui me fait tournoyer sur moi-même. Un fort bruit me parvint. En tombant, j'avais renversé une jarre en terre cuite dont les débris m'étaient entrés dans les bras. Karima arrive juste au moment où je perdais connaissance. Des jours durant, je demeurais inconsciente. Les médecins m'avaient gardée à l'hôpital et suivaient l'évolution de mon état. J'ouvris les yeux, sans rien comprendre à ce qui m'arrivait. Je vivais hors du temps. Où étais-je ? Que faisais-je ? Pourquoi suis-je attachée à un lit ? Et ces médecins qui ne cessaient de rôder autour de moi. Que me veulent-ils ? Ma mémoire avait pris un sacré coup, après le choc de toutes ces révélations. Alertés par Karima, mes parents arrivèrent en urgence du bled. Ma mère m'assista durant de longs jours. Les uns après les autres, les membres de ma famille prirent le relais. Cela dura bien longtemps. Des mois. Des mois, où je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Mes frères insistèrent auprès des médecins pour me faire sortir de l'hôpital et m'emmener au bled. Les médecins finirent par acquiescer. Je reste quelques mois chez mes parents. Je pouvais enfin me lever pour faire quelques pas dans ma chambre, mais je me sentais comme vidée de toute énergie. Je ne mangeais pas, ne dormais pas que sous somnifères et, surtout, ne réagissais plus à rien. Je n'étais plus que l'ombre de moi-même. J'avais perdu beaucoup de poids, et mes joues creuses accentuaient la tristesse de mes yeux qui semblaient sortir de leurs orbites. Combien de temps cela avait-il duré ? Je ne me le rappelle plus. Salima, qui venait de décrocher son bac et devait s'inscrire à la faculté, propose à mes parents de me ramener chez moi en ville, où je pourrais peut-être retrouver l'envie de vivre. Karima, elle, venait de terminer ses études et avait décroché un poste d'enseignante. C'est donc Salima qui prendra la relève. (À suivre) Y. H.