Fragilités L'état du secteur quarante-cinq ans après la nationalisation des hydrocarbures s'avère inquiétant. Si l'Algérie est parvenue à récupérer ses richesses et à maximiser ses revenus financiers tirés des exportations de gaz et de pétrole, elle fait face à quatre principales menaces qui risquent de fragiliser davantage l'économie nationale et de la conduire au bord du chaos. D'abord, l'inquiétante baisse des prix du pétrole qui a réduit de plus de moitié ses recettes tirées des exportations d'hydrocarbures. Cette tendance, si elle se poursuit en 2016-2017, risque d'exposer le pays à de sérieuses difficultés budgétaires et de favoriser les tensions sociales. La seconde est la remise en cause des contrats à long terme dans le commerce international. Ces contrats, qui constituent l'essentiel des ventes de gaz de l'Algérie, risquent de ne pas être prolongés entre 2016 et 2019 au profit des transactions spot et des concurrents : la Russie, le Qatar et bientôt l'Australie et les Etats-Unis qui poussent à des prix rabais. Les troisième et quatrième menaces sont d'ordre interne. Troisième danger : l'explosion de la demande en produits énergétiques risque de freiner les exportations des hydrocarbures et, partant, de diminuer les revenus financiers du pays. La quatrième menace est l'état de santé de Sonatrach. Affaiblie par les scandales et l'hémorragie causée par le départ massif de ses cadres parmi les plus compétents, elle doit paradoxalement augmenter sa production en déclin depuis 2010 et renouveler ses réserves entamées par l'absence de grandes découvertes de pétrole et de gaz depuis plusieurs années. Plusieurs experts se demandent si la mise en service de nouveaux gisements de pétrole et de gaz entre 2016 et 2019 permettra d'inverser la tendance et de régler le problème de volume rencontré depuis plusieurs années. Si ces champs ne sont pas en exploitation dans les délais, l'Algérie risquera de rater l'opportunité de prix d'hydrocarbures plus élevés prévus entre 2019 et 2020 et, donc, de maintenir ses parts de marché en Europe. L'enjeu n'est plus le même : en 1971, la bataille était celle de la récupération des richesses en hydrocarbures, celle d'aujourd'hui est de s'adapter aux bouleversements des marchés internationaux du pétrole et du gaz. Or il faut une compagnie pétrolière nationale dynamique, forte du capital de ses ressources humaines, dotée d'une flexibilité à l'international, si on veut assurer un avenir au secteur des hydrocarbures en Algérie. Ce qui invite à un renforcement de Sonatrach. Mais face à ces enjeux à court et moyen termes, il ne faut pas oublier que le troisième objectif des nationalisations était de réaliser, grâce aux revenus financiers procurés par le pétrole et le gaz, la diversification de l'économie. Ce troisième objectif n'a pas été atteint. Avec la crise actuelle, ce chantier devient une priorité. K. Remouche [email protected] Lire le dossier