Linda soulève un pan du rideau et jette un coup d'œil dans la rue. Il était environ 15h, et elle savait que son mari n'allait pas rentrer ce soir aussi. Après plus de trois années de mariage, Linda a appris à connaître ses habitudes. Cela fait déjà longtemps qu'elle a compris qu'il la trompait. Oh oui ! Elle le savait. D'ailleurs, certaines de ses conquêtes n'hésitaient même plus à l'appeler à la maison. Combien de fois n'a-t-elle pas décroché pour se voir raccrocher au nez ? Une fois, elle a même surpris Salah avec une femme dans un restaurant, et une autre fois avec une énième nana dans un salon de thé de grande renommée. À chaque fois qu'elle avait essayé de comprendre, son mari la faisait taire par une réprimande, ou par une réponse évasive. C'était toujours des amies ou d'anciennes camarades de promo. Puis, un jour, il lui lança carrément au visage que "oui" il avait des maîtresses et des amies particulières. Et que, si elle n'était pas contente, elle n'avait qu'à retourner chez ses parents. Linda était restée bouche bée devant toutes ces révélations. Elle avait pleuré toutes les larmes de son corps et refusé de prendre au sérieux les menaces de son mari. Ce dernier qui n'en faisait qu'à sa tête en avait profité pour courir les "femelles" de façon encore plus arrogante qu'auparavant. Ainsi, il n'hésitait plus à appeler ses "amies" de chez lui, et devant elle. C'était un secret de Polichinelle. Alors il en profitait. Salah savait que Linda n'avait plus personne vers qui se tourner. Il n'y avait plus pour elle dans ce monde que sa marâtre et ses deux demi-frères qui, depuis son mariage, l'ignoraient totalement. Dans la vieille maison paternelle où résonne souvent le silence, elle revoyait son enfance et une image éloignée de sa mère. Un souvenir qui jaillissait comme ça, de temps à autre, et qui la faisait souvent pleurer. Sa maman était une très belle femme, lui avait-on assuré. Mais Linda venait à peine de boucler ses cinq ans quand cette dernière avait quitté ce monde. Un âge où elle ne pouvait comprendre encore les rouages de l'existence. Aïcha, sa marâtre, l'avait certes élevée, mais sans affection ni tendresse. Combien de fois, enfant, n'a-t-elle pas couru se réfugier dans les bras des voisines, à la recherche de cette chaleur maternelle qui lui manquait tant et qu'elle n'avait jamais pu connaître. Déprimée et malheureuse, elle n'osait pourtant pas s'ouvrir à son père, qui travaillait durement pour subvenir aux besoins de sa petite famille. Les années passèrent monotones et sans joie. Linda, qui avait opté pour des études en informatique, travaillait dans une agence de marketing lorsqu' elle rencontra Salah. Il était le patron de la boîte, et tellement avenant et courtois avec elle que, quand il la demanda en mariage, elle n'hésita point à lui accorder sa main. Une grande et belle cérémonie les unira un jour d'été. Mais la joie ne dura pas longtemps, car la jeune femme perdit son père quelques mois après ses noces. Un autre drame qui endeuilla sa vie et l'affecta profondément. Ses demi-frères désertèrent le foyer, l'un après l'autre, et sa marâtre, n'ayant plus personne auprès d'elle, décidera de retourner vivre au bled auprès de sa famille. Elle disait se sentir trop seule dans la grande ville depuis que la maison s'était vidée. Et c'est ainsi que Linda se retrouva seule au monde et bien malheureuse dans sa vie conjugale. Certes, Salah ne la privait de rien. Mais Linda voulait autre chose que sa richesse. Elle voulait de l'amour, de la compréhension, de la tendresse. Hélas, elle avait compris depuis longtemps que son mari ne lui offrirait que du chagrin et des larmes. (À suivre) Y. H.