Alors que les pouvoirs publics continuent à se réjouir des conditions de déroulement des dernières élections législatives, boudées par les deux tiers des électeurs, mais dont la légitimité ne peut être remise en cause, selon eux, nombre d'acteurs de la société civile algérienne considèrent, pourtant, que ces élections ne reflètent pas les changements opérés au sein de la société algérienne. Lors d'une conférence intitulée "radioscopie des élections", organisée jeudi en soirée à Alger par le forum des citoyens pour la deuxième République, le sociologue Nacer Djabi a égrené un chapelet de tares que continuent à reproduire les divers rendez-vous électoraux, particulièrement les législatives, mais qui contrastent singulièrement avec les mutations de la société. "Il y a des changements positifs au sein de la société, la disponibilité des cadres, mais certains partis continuent à présenter des candidats illettrés", relève-t-il, à titre d'exemple. Il observe également que des "partis continuent à avoir peur des femmes", tandis que dans certaines régions du pays, comme à Khenchela, la "aârouchia" (tribalisme, ndlr), continue à biaiser le jeu électoral, en ce sens que plusieurs membres d'une même famille se présentent sous différentes étiquettes partisanes, histoire de s'assurer d'une représentation. "Des partis pensent manipuler les tribus en choisissant une tête de liste d'une tribu influente, or c'est l'inverse qui survient : ce sont eux qui sont manipulés", soutient Djabi. Le même schéma est adopté par les lobbies de l'argent. "Tous les cinq ans, on fait croire au peuple qu'il participe à la décision alors que pour certains, ces élections font office d'ascenseur social", résume-t-il, comme pour suggérer que la relation de l'Algérien avec les élections est "très complexe". Dans le débat qui a suivi l'intervention du sociologue, les intervenants, pour la plupart des cadres, mais aussi d'anciens militants de partis ou des syndicalistes, ont été unanimes à relever que le "pays est dans l'impasse". "Les élections supposent l'acceptation de la pluralité qu'on met en compétition dans un cadre défini par des règles de transparence et de neutralité. En Algérie, on n'a jamais eu d'élections transparentes. Aujourd'hui, le régime est finissant. Il constitue un véritable danger pour le pays ; on l'a vu : il compose même avec l'aile radicale de l'islamisme pour se maintenir. Les élections sont un segment d'une manipulation globale. On est dans une impasse totale", a résumé un des intervenants. "On a un grand chantier à engager : l'organisation des élections. La Tunisie a réussi à mettre en place une structure indépendante pour l'organisation des élections, pourquoi pas nous ?", s'interroge Djabi pour qui les élections n'ont aucune crédibilité tant que c'est l'administration qui continue à les organiser. Karim Kebir