En marge des premiers ateliers nationaux sur la gestion des bibliothèques publiques organisés dernièrement par la direction de la culture de Aïn Témouchent, Liberté a rencontré le Pr Abdelillah Abdelkader de l'université d'Oran I, et directeur du Laboratoire de recherches des systèmes d'information et des archives en Algérie. Sur la question de la gestion des bibliothèques et le problème de la lecture en Algérie, le professeur nous a indiqué que des efforts ont été consentis par les pouvoirs publics avec la réalisation d'un grand nombre de bibliothèques principales en plus des bibliothèques communales existantes. Sauf que le problème de l'absence d'engouement à la lecture et de l'amour du livre se trouve ailleurs à commencer dans la cellule familiale. À titre d'exemple, il a précisé que "l'enfant dont les parents ne lisent pas, ne peut pas être attiré par la lecture. D'ailleurs les livres que l'on trouve dans les domiciles se limitent généralement au Saint Coran et au dictionnaire". Pour notre interlocuteur, la cellule familiale à un "grand rôle" à jouer dans la sensibilisation et à l'incitation à la lecture. Pour Abdelillah Abdelkader, l'école vient en second lieu. "En tant qu'institution gouvernementale axée sur la formation sociale mais dans un cadre idéologique, politique et social, celle-ci devra offrir des espaces pour la lecture en parallèle à la formation scolaire." Outre le milieu familial et scolaire, l'environnement également pose un gros problème en Algérie, c'est-à-dire dans "une vision globale, la bibliothèque est devenue une institution éloignée où il est difficile pour l'enfant de se diriger de sa propre volonté vers cet établissement". Entre autres, l'image de la bibliothèque dans la société algérienne est insuffisante, et son rôle n'est pas à la hauteur des aspirations et des besoins des différentes catégories sociales, a précisé le chercheur. "La bibliothèque doit s'ouvrir aux nouveautés, aux tendances actuelles puisqu'on parle d'idea-stores (magasin d'idées) où le jeune doit retrouver cette liberté de parler, de communiquer entre camarades et amis, de se regrouper, faire des échanges. C'est ce qu'on appelle aussi la socialisation." D'autres freins à la lecture se situent au niveau des bibliothèques qui, malheureusement, pour certaines ne font pas l'effort ou n'ont pas compris qu'elles doivent changer. "Pour qu'elles évoluent ils faut qu'elles s'évaluent. Or, il n'y a jamais eu d'évaluation de ces bibliothèques principales, au niveau de leur activité, du management, des ressources humaines, de la compétence, etc. Si je prends le cas des handicapés, l'accès à la bibliothèque pose problème. C'est une catégorie qui est marginalisée parce que la structure qui a été construite n'a pas tenu compte de leur handicap", a-t-il martelé. Et d'ajouter : "Ce sont des freins à l'accès à la bibliothèque et donc à la lecture. Ne parlons pas des bibliothèques municipales qui sont dans la misère totale !" Au sujet de la gestion de ces bibliothèques Abdelillah Abdelkader évoque des disparités. Pour lui, il existe des bibliothèques principales de lecture publique qui sont dotées d'un personnel de niveau dans la spécialité formé en bibliothéconomie, qui est capable justement de travailler et de diriger ce type de structures. "Il y a des instituts de bibliothéconomie un peu partout dans des universités dont celle d'Oran qui est l'une des pionnières avec celle d'Alger et de Constantine, qui ont formé des milliers de bibliothécaires, de documentalistes, d'archivistes et qui sont en poste dans ces bibliothèques. Le problème c'est qu'on ne valorise pas ces compétences qui ont besoin de formation de recyclage suivant l'évolution des techniques et les méthodes de gestion." Pour y remédier, notre interlocuteur évoque l'organisation d'ateliers qui demeure une solution dans le cadre du recyclage de l'encadrement des bibliothèques, et l'initiation à la notion de management des espaces publics. M. LARADJ