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"La cause palestinienne a perdu sa centralité géopolitique"
Le politologue Sami Aoun décortique la décision de Donald Trump
Publié dans Liberté le 10 - 12 - 2017

Sami Aoun, politologue d'origine libanaise, et directeur de l'Observatoire sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (OMAN) de la chaire Raoul-Dandurand de l'Université du Québec à Montréal (UQAM), revient dans cet entretien sur la décision du président Trump de transférer l'ambassade américaine à El-Qods. L'analyse du chercheur universitaire révèle la faillite des élites arabes et le coche raté du Printemps arabe, hypothéquant la perspective d'une solution durable au conflit israélo-palestinien.
Liberté : Donald Trump a décidé de transférer l'ambassade américaine à Jérusalem. Au-delà de la symbolique, comment analysez-vous ce geste unilatéral de Washington ?
Sami Aoun : Le président Trump est préoccupé par honorer son engagement électoral pris durant la campagne présidentielle. Son souci majeur est de paraître cohérent. En plus de se démarquer des anciens présidents américains qui, d'après lui, ont failli à leur tâche, puisque cette promesse remonte à 1995 et que ses prédécesseurs ont renoncé à mettre en exécution, il va s'en faire une fierté qu'il est le président qui aura osé. Ceci d'une part.
D'autre part, on voit un rapprochement assez solide entre la vision de la droite israélienne et Donald Trump et la droite américaine. Rapprochement qui se matérialise aussi avec plusieurs segments de l'establishment américain, qu'ils soient démocrates ou républicains. En ce sens, M. Trump répond peut-être à des visions en droite ligne avec les convictions et vues des sionistes. Mais aussi, on a remarqué que, trois jours avant la décision de Trump, la Chambre des représentants a voté à l'unanimité la suspension de l'aide à l'Autorité palestinienne, en prétextant qu'elle finance les familles de terroristes. Maintenant, l'autre point qui est moins dans les émotions, c'est l'approche du processus de paix. Donald Trump a bien évalué, si vous voulez lui donner crédit, que le processus de paix enclenché depuis 1993 est maintenant au point mort, sinon comatique. Preuve en est que, depuis ces dix dernières années, il n'y a plus aucun geste pour relancer cette paix prétendue et moribonde. Et en ce sens, le président des Etats-Unis a osé se faufiler entre le chaos qui ravage aujourd'hui le monde arabe, au lendemain du Printemps arabe mué en dérapage désastreux. Résultat des courses : sociétés arabes au fond de l'abîme, guerres sectaires, polarisation sunnites-chiites, polarisation irano-saoudienne. Bref, des gouffres qui sont en train de faire saigner les énergies des Arabes.
De la sorte que les Palestiniens eux-mêmes sont pris dans une spirale de tensions et de divergences. D'ailleurs, il a fallu attendre 10 ans pour que le Mouvement Hamas se rapproche du Fateh, avec même des réticences, et qu'il (Hamas) signe un mémoire d'accepter la solution de deux Etats et se réconcilier avec l'Autorité palestinienne.
Mais le président américain a évoqué une feuille de route qui accompagnerait sa décision....
C'est cette faiblesse de la position palestinienne et arabe qui a fait que M. Trump soit audacieux, téméraire et même arrogant, en déclarant unilatéralement que Jérusalem est la capitale d'Israël. Ce qui a été reçu avec euphorie dans les milieux israéliens et particulièrement la droite. Ceci étant dit, si jamais il faut chercher une lueur d'espoir, même faible, il faut souligner que dans sa déclaration, le président américain a pris trois précautions pourtant insuffisantes et vagues. Il a déjà promis un plan de paix d'ici deux mois à trois mois.
Un plan articulé sur ce qu'il appelle l'"entente du siècle". Dans sa déclaration, il a bien dit, il faut bien le décoder, que les frontières d'El-Qods seront tracées dans les négociations avec les Palestiniens. Ce qui peut coincer la diplomatie israélienne et la prendre dans une position de négociation, voire de concession. De plus, c'est la première fois que Trump reconnaît que la solution de deux Etats est indépassable et irréversible. Autrement dit, l'Etat palestinien est un droit irréversible. Mais force est de constater que les Palestiniens sont les victimes de grands enjeux et manœuvres dans la région.
La décision de Donald Trump a suscité une vague d'indignation dans le monde. Y a-t-il des risques d'escalade dans la région ?
Certes, il y a des frustrations ; la colère est fortement justifiée et elle doit prendre toute son allure. Donald Trump a touché à un sujet à potentiel explosif énorme, vu la charge symbolique pour les trois religions monothéistes. Cela pourrait avoir des conséquences sécuritaires et des turbulences sérieuses.
Par contre, il y a lieu de sortir de cette phase d'indignation et de dénonciation vers une phase où on articule, rationnellement et stratégiquement, au niveau palestinien en premier, une vision de la paix et de la guerre que les représentants de la cause palestinienne de tous les paliers et de toutes les tendances adoptent dans une plateforme consensuelle et bien articulée. Et de dire, voilà nos lignes rouges, voilà nos lignes directrices pour des négociations ou pour la guerre et la confrontation. Le but, c'est d'éviter d'amener les gens dans une Intifada, qui n'a pas les conditions gagnantes, vu l'embrasement actuel. Que ce soit en Egypte où il y a une tension ensanglantée entre le pouvoir et les Frères musulmans, que ce soit en Syrie qui est en proie d'une guerre civile ou une guerre par procuration, que ce soit au Yémen ou la Libye.
Mais ce qui peut compliquer la situation palestinienne, c'est cette polarisation désastreuse pour le Moyen-Orient entre l'Iran et l'Arabie saoudite. Ce qui fait qu'on a une série de confrontations directes ou indirectes qui provoquent des pertes pour l'Etat national, des pertes quantifiables dans notre démarche vers la démocratisation et l'ouverture de nos sociétés et répondre aux ambitions des jeunes qui forment plus de 60% de ces sociétés. À ce moment-là, il faut faire attention de ne pas reprendre les erreurs du passé, et s'il faut négocier sur de nouvelles bases, il est important d'amener un consensus minimal.
Sinon, les stratèges israéliens vont profiter de ces lacunes qui ont permis à Trump de se faufiler d'une façon arrogante en imposant une déclaration unilatérale.
Aujourd'hui, la cause palestinienne a perdu sa centralité géopolitique, gardant juste sa centralité symbolique. Mais les Arabes, dans leur calcul stratégique, avec l'émergence de l'Etat islamique, l'ennemi ce n'est plus Israël ; pour les uns, c'est l'Iran, pour les autres, ce sont les islamistes takfiri, etc.
Dans ce cas, comment s'en sortir face à cette situation ?
C'est un peu difficile pour moi de répondre. Ce qu'il faut remarquer, c'est que durant la dernière décennie, les élites palestiniennes, les élites arabes et musulmanes n'ont pas été à la hauteur du défi que représentaient les politiques israéliennes, soit au niveau de la colonisation, soit au niveau du balancement des rapports de force en leur faveur. Cela peut s'expliquer : la situation en Syrie s'est effondrée, le Liban est très fragile, l'Irak n'arrive pas à sortir de l'après-Saddam Hussein et se stabiliser, la Libye est dans une guerre atroce après Kadhafi, le Yémen, on n'a plus besoin d'en parler, est dans une tragédie énorme, inédite dans l'histoire contemporaine. C'est dans ce cadre qu'il faut replacer la décision de Trump, non pas dans des sursauts émotifs, justifiés par ailleurs.
Dans l'équation moyen-orientale, il y a l'Arabie saoudite. Riyad joue-t-il un rôle d'ambivalence ?
Il faut voir quelles sont les tractations qu'a menées le gendre de Donald Trump, Jared Kushner, en faisant la navette entre l'Arabie saoudite et Israël.
Quelle a été surtout l'entente avec le prince héritier Mohamed Ben Salmane. Est-ce qu'il y a vraiment un accord entre les deux hommes sur la déclaration de Trump ?
Est-ce qu'il n'y a pas eu, par exemple, une entente sécuritaire qu'Israël vienne à l'appui de l'Arabie saoudite contre les politiques iraniennes ? Il faut voir aussi s'il y a une entente sur les Frères musulmans qui sont sur la liste des terroristes en Arabie saoudite et en Egypte. Sinon, pour Riyad, où est la capitale des Palestiniens ?
Permettre aux Palestiniens d'avoir une représentation à El-Qods, c'est ce qui est le plus important à mon avis.
Comment on peut arrêter la judaïsation de Jérusalem. Est-ce que les Saoudiens ont pris en compte ces aspects ou se sont plutôt préoccupés de leur propre sécurité ?
Il faut s'interroger, par ailleurs, sur le rapprochement entre Américains et Russes.
D'un côté, Moscou reconnaît Jérusalem-Ouest comme capitale israélienne et Jérusalem-Est comme capitale du futur Etat palestinien. Mais en même temps, la Russie a rassuré Israël de ne pas s'inquiéter sur le sort du Golan.
Quid alors de la cause palestinienne ?
La solution, plutôt une ébauche de solution : une volonté sérieuse sur une articulation stratégique rationnelle et acceptée par les acteurs palestiniens, sinon la cause palestinienne va être instrumentalisée, une fois de plus, par les régimes arabes, par les Saoudiens, une fois par les Iraniens, une fois par les Egyptiens. Que les Palestiniens disent : la Palestine d'abord !
Propos recueillis par : Yahia Arkat


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