Résumé : Mouhoub est heureux. Sa femme lui avait annoncé qu'ils seraient bientôt parents. Le moment était bien choisi par Yasmina, car cela avait atténué la colère de son mari. Mouhoub lui saisit les poignets. -Gare à toi ! Ne me cache jamais rien, petite écervelée. De toute manière j'aurais fini par découvrir le pot aux roses. Il se tut, puis se met à rire. -Tu imagines, Yasmina. Nous serons les parents d'un enfant dans quelques mois. Moi qui pensait ne plus jamais connaître la joie d'une famille. -Pourquoi donc ? Le jeune homme pousse un long soupir. -Tu connais mon histoire. Quand j'ai quitté mes parents pour venir étudier à Marseille, je ne pensais pas que le destin allait se charger de donner une autre tournure à ma vie. Durant les premières années de mon absence, je n'ai pu avoir aucune nouvelle des miens. Puis le jour où j'avais décidé de repartir au bled pour leur rendre visite, je n'ai trouvé personne, ni mes parents ni mes frères. Jamais je n'aurais cru avoir encore le courage de mener ma vie, en songeant que mes parents étaient morts, sans m'avoir pardonné ma fugue. Yasmina, compatissante, se serre contre lui. -Ne parle plus du passé, mon chéri. Désormais l'avenir nous appartient. Tu oublieras vite le passé à la naissance du bébé. Mouhoub la prend dans ses bras. -Ne t'amuse plus à courir les magasins ou à faire des courses. Je vais m'occuper moi-même de tout ça. Tu songeras plutôt à te reposer et... -Chut ! Pas un mot de plus, Mouhoub. Je sais ce qui est bon ou mauvais pour mon état. Le médecin lui-même n'a pas été aussi ferme. Il m'a tout bonnement conseillé d'être prudente. Par contre, il trouve que mes longues randonnées seraient plutôt bénéfiques. -Je n'en crois pas un mot. -Arrête donc, Mouhoub. Tes conseils me sont précieux, mais je me sens assez solide pour mener ma grossesse à terme sans trop de mal. -C'est toi qui le dis, petite chipie. -Oui. Rappelle-toi donc Fadhéla. N'a-t-elle pas fait des courses avec moi et marché de longues heures à travers la ville jusqu'à son accouchement ? Mouhoub hoche la tête. -Oui, mais sa grossesse était bien plus avancée que la tienne. -Tais-toi, sinon je vais regretter de t'avoir annoncé cet heureux évènement. Elle s'enfuit à travers l'appartement. Ils s'amusèrent un moment à se pourchasser. Mais Yasmina s'essouffle rapidement et demande grâce, avant de se laisser tomber sur un divan. 1920 - 1929 – UNE VIE HEUREUSE Le premier enfant de Yasmina et Mouhoub verra le jour un été de l'année 1920. C'était un beau garçon au teint mat, qui avait les traits de son père et les yeux verts de sa mère. Les parents sont aux anges. Ils le prénommèrent Malek et donnèrent une fête à laquelle ils convièrent leurs cousins et leurs amis. Fadhéla, qui avait déjà un petit garçon et était enceinte pour la seconde fois, est toute remuée à la vue de ce bout de chou dans les bras de sa mère. -Oh, Yasmina, comme il est beau ! On dirait un petit prince. Fière comme une reine, la jeune maman relève la tête pour lancer : -C'est un prince, un véritable petit prince. Vois-tu, tout comme sa mère, il a déjà cet air hautain et fier. À coup sûr, il aura du caractère mon fils. Elles rirent, et malgré son état, Fadhéla sera d'un grand secours à sa cousine, et lui prodigua mille et un conseils pour élever son bébé dans les normes des traditions. Mais Yasmina, qui avait déjà son idée sur l'éducation à donner à son fils, la rassura. Elle saura très bien élever son petit sans l'aide de qui que ce soit. Les mois passent. Malek grandissait à vue d'œil. À huit mois, il faisait ses dents et ses premiers pas, à la grande fierté de ses parents. Deux années plus tard, un second garçon vint agrandir la famille, puis un troisième et un quatrième. Farid, Sid-Ali et Mustapha. Mouhoub est enchanté. Il n'a que des garçons, et cela le stimula. Mais Yasmina voulait une fille, et c'est pour cela qu'elle n'avait cessé durant six années d'espérer sa venue. Hélas ! La providence ne semblait pas propice à ses vœux, et cela la motivera pour mettre un frein à son espérance. Mouhoub, qui maintenant occupait le poste de haut responsable au sein de l'imprimerie, est un homme heureux. De temps à autre, il taquinait sa femme, en lui rappelant qu'il avait de la chance d'avoir autant de petits bonhommes autour de lui, qui sauraient la maintenir à distance au cas où l'envie de sortir travailler la rependrait (À SUIVRE) Y. H.