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"Des rues à Paris portent les noms de colonialistes notoires"
Patrick SILBERSTEIN, auteur à Liberté
Publié dans Liberté le 31 - 03 - 2018

Patrick Silberstein est l'auteur du Guide du Paris colonial et des banlieues. Cet ouvrage, publié en janvier 2018, propose un voyage dans la mémoire coloniale de la capitale française. Il interroge aussi sur la prégnance de ce passé sur la mémoire collective.
Liberté : Votre livre Guide du Paris colonial et des banlieues comporte une énumération exhaustive des voies publiques (rues, avenues, boulevards, places...) qui portent les noms de personnages historiques, connus pour leurs liens avec la colonisation. Pourquoi avoir procédé à ce recensement particulier ?
Patrick Silberstein : Ce qui s'est passé l'été dernier aux Etats-Unis et qui concerne la compagne pour le démantèlement des statues du général Lee (acteur majeur de la guerre de sécession et esclavagiste) nous a rappelé qu'en France aussi, dans des villes connues pour leurs liens avec la traite des Noirs, comme Nantes et Bordeaux, mais aussi à Paris, existent beaucoup de lieux publics qui portent les noms d'individus, de politiques, de militaires qui ont organisé et participé aux expéditions coloniales. Certains étaient des idéologues du colonialisme. Nous avons donc décidé de briser à notre tour le silence en montrant que le passé colonial est toujours glorifié.
Qu'avez-vous découvert au cours de l'opération de recensement que vous avez menée ?
Nous avons été surpris par le nombre important de rues dont les noms rappellent l'époque des colonies. Il en existe plusieurs centaines à Paris et dans sa banlieue. Ce recensement ne prend pas en compte les noms des statues, des établissements scolaires et d'autres édifices publics, sur lesquels, il aurait fallu faire un travail spécifique. Parmi les noms les plus connus, figurent ceux de militaires assassins, comme le maréchal Bugeaud.
D'autres font référence à des gens qui n'ont pas nécessairement du sang sur les mains, mais ont participé avec leur propagande à encourager la colonisation.
L'existence de tels noms de rues semble bien intégrée dans l'esprit collectif. Pourquoi ?
Les gens ne font pas nécessairement attention aux noms des rues. Il y a une forme d'ignorance. Par ailleurs, les noms en question n'ont pas le même sens pour tout le monde. Dans le 20e arrondissement de Paris par exemple, se trouve la rue Léon Gambetta. À l'école, on nous avait appris que Gambetta était un républicain et un héros de la guerre. Or, il se trouve qu'il avait aussi dirigé un journal qui glorifiait la colonisation et qui était financé par les gros propriétaires terriens en Algérie. Il faut savoir en outre que ceux qui ont décidé de donner à des rues les noms de colonialistes notoires, ont voulu de manière délibérée imprégner la conscience collective du rôle positif de la colonisation. Beaucoup de rues ont été baptisées dans les années 1930, au moment de l'exposition coloniale. À la place du Musée de l'immigration situé à la Porte Dorée (12e arrondissement) se trouvait d'ailleurs le Musée de la colonisation, inauguré à l'occasion de l'exposition coloniale. On avait aussi attribué des noms de généraux, d'explorateurs et de missionnaires à toutes les rues aux alentours du Musée.
En gardant beaucoup de ces noms, on veut faire passer un message : les anciennes colonies font partie de notre héritage commun et d'un passé extrêmement positif malgré quelques bavures.
Des opérations de débaptisation existent-elles néanmoins ?
Oui, quelques opérations ont été menées ces dernières années. Mais elles restent extrêmes marginales. Il y a aussi une politique de petites touches, et qui consiste à attribuer à des rues, des noms de militants et de résistants anticolonialistes. Il y a par exemple deux places Mehdi- Ben Barka et Emir-Abdelkader. Quelques fois, il y a des situations assez cocasses ou des rues portant l'une et l'autre les noms d'acteurs de la colonisation et anticolonialistes se côtoient. Je pense que sans la mobilisation des associations et de la population, les opérations de débaptisation resteront limitées. Il y a quelques années, cette mobilisation avait, par exemple, abouti au retrait d'une plaque de rue, à Paris, portant le nom d'Alexis Carel, un médecin, lauréat du prix Nobel, mais aussi collaborateur des nazis.
Le maréchal Bugeaud a joué un rôle décisif dans la colonisation de l'Algérie. Son nom symbolise pour les Algériens toute l'horreur de la colonisation, les enfumades et la politique de la terre brûlée. En France, il est plutôt célébré comme un conquérant et un bâtisseur. Une rue du 16e arrondissement porte d'ailleurs son nom. Que vous inspire cela ?
Il n'y a pas que Bugeaud. On peut aussi évoquer Gallieni, Faidherbe, considérés comme des héros français qui ont apporté la civilisation sur des terres sous-développées et barbares. La présence d'une statue Bugeaud dans le Périgueux (sud-ouest de la France) ne gêne presque personne. Autour de l'école militaire à Paris, plusieurs rues portent les noms de généraux qui ont tous pris part à des expéditions militaires en Indochine et en Afrique du Nord. Leur rôle durant la Première Guerre mondiale les a élevés au rang de héros nationaux. Et c'est ce que les gens retiennent. Or, en écrivant ce livre, on veut justement montrer que le passé de la France n'a pas toujours été glorieux et qu'on refuse que la population parisienne soit la cible d'un récit parcellaire de l'histoire.
On se demande par exemple pourquoi des rues portent rarement les noms de Français qui se sont battus contre la colonisation.
Il y a deux ans, le maire de Béziers, Robert Menard (allié du Front National) a voulu débaptiser une rue du 19-Mars-1962 et lui faire porter le nom d'un général putschiste de la guerre d'Algérie. Des tentatives similaires existent par ailleurs. Sont-elles symptomatiques d'un déni exacerbé du fait colonial ?
C'est vrai. Mais il est tort de croire que l'exaltation du colonialisme soit le fait exclusif de l'extrême droite. À Paris, la décision de faire porter à des rues les noms d'acteurs de la colonisation était politique. Au temps de la colonisation par exemple, l'influence du lobby colonial était trans-partisane. La responsabilité est donc celle du système politique français.
Des rues à Paris portent aussi les noms de villes et de pays ayant fait partie de l'ancien empire colonial. La charge symbolique, là aussi, n'est pas la même pour tout le monde.
Quand on se promène à Paris, on est toujours content, en effet, de se retrouver dans la rue de Constantine, d'Algérie, d'Indochine, du Sahel...
Mais toutes ont été baptisées en souvenir des expéditions coloniales. Avec le temps qui passe, la signification a évidemment changé. Beaucoup d'Algériens sont d'ailleurs contents de voir que ces rues existent. Je le suis également.
Quelles sont les choses qui vous ont marqué le plus durant vos pérégrinations dans Paris ?
Le nombre invraisemblable de rues liées par le nom au colonialisme, certainement. On n'avait pas conscience qu'elles sont aussi nombreuses. Nous avons pris l'annuaire des rues de Paris qui relate les circonstances historiques dans lesquelles les voies ont été baptisées et on s'est aperçu, comme pour la rue de Constantine par exemple, que les opérations étaient politiques et pro-colonialistes. Je passais quand j'étais petit par la rue Bobillot, dans le 13e arrondissement et je ne savais pas que cet individu était un sergent qui a participé à des expéditions coloniales en Algérie.
Sur le plan pratique, comment avez-vous mené votre enquête ?
Nous avons beaucoup parcouru Paris. Nous avons ensuite beaucoup travaillé sur le dictionnaire et l'index des rues de Paris. Certaines ont d'ailleurs porté plusieurs noms dans une période historique très courte. Ce qui montre qu'il n'est pas compliqué de procéder à une opération de débaptisassion.
S. L.-K.


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