Résumé : Dépité par tant de hargne, Mokrane, le frère aîné de Ghenima, sort en crachant dans la cour. Il quitte la maison pour aller se réfugier dans le vin. Belkacem, par contre, tente de rassurer Ghenima, qui se rend compte qu'elle risque d'être le pion principal d'une dramatique situation. La jeune fille est émue. Son frère est prêt à donner sa vie pour elle. Elle se met à lui caresser le dos. - Non, Belkacem. Non, mon frère, je ne veux pas que tu te hasardes à avoir de telles idées. Tu es marié et père de famille. Ta femme et ton fils ont besoin de toi. - Et toi donc ? Es-tu prête à sacrifier ton existence avec un galeux comme Aïssa, qui ne tardera pas à t'enterrer. - Mais je suis déjà morte, mon frère. Je suis morte depuis que j'ai appris que j'ai été "cédée" à cet ogre. Mon père a signé ma condamnation. - Et tu crois que nous allons croiser les bras et le laisser faire ! Ghenima se sentit vulnérable et triste. Elle connaissait ses frères et leur fierté. Elle connaissait aussi son père et son caractère acariâtre. Elle était prise entre deux feux. Le seul espoir qui persistait en elle, et que demain Mohand sache régler les comptes devant la djemaâ. Elle lance un regard plein de gratitude à son frère. - Merci, Belkacem. Je sais que vous vous sentez touché dans votre amour-propre, toi et Mokrane, mais je ne veux pas que les choses s'enveniment davantage. Je suis prête à donner ma vie pour que notre famille retrouve la sérénité et le bonheur. Belkacem sentit sa gorge se nouer. - Brave petite sœur ! Je te promets que nous ferions tout ce qui est en notre pouvoir pour t'éviter cette humiliation. Notre père nous a menacés de nous expulser tous de la maison. Eh bien, nous partirons et nous t'emmènerons avec nous. Ghenima secoue la tête. - Non, mon frère. Je ne veux pas qu'on en arrive à ce point. Elle s'interrompt. Da Kaci venait de redescendre de la soupente et leur jette un mauvais regard. - Qu'êtes-vous donc en train de comploter derrière mon dos tous les deux ? Belkacem se lève et affronte son père. - Nous ne faisons que commenter ta mauvaise farce, père. - Vous êtes tous des démons. Mais je vais mettre bientôt de l'ordre dans cette maison. Attendons que Ghenima soit chez elle et vous verrez de quel bois je me chauffe. Il se débarrasse de son burnous et de sa coiffe et s'allonge sur une paillasse dans un coin sombre de la grande salle. Ghenima se lève et se met à remuer les braises avec un tisonnier. Le feu reprend et une douce lumière imprègne les lieux. Belkacem était sorti. Elle l'entendit interpeller sa femme, et ils se retirèrent tous les deux dans leur chambre. Mokrane par contre ne va pas rentrer de la nuit. Elle connaissait ses habitudes. Dès qu'il est contrarié, il trouve refuge dans sa bouteille de vin. Ce n'est qu'aux premières lueurs de l'aube qu'il daignera se montrer, et encore dans quel état ! (À SUIVRE) Y. H.