Trois artistes tourangeaux se sont donné rendez-vous lundi soir aux Ateliers Sauvages (Alger), pour une rencontre-débat autour de leur passion commune, le dessin, qui s'incorpore pour certains dans leur quotidien, ou qui permet de rendre compte d'une réalité des plus complexes pour d'autres. À l'initiative de Massinissa Selmani, issu de l'Ecole supérieure des beaux-arts de Tours (France), la rencontre a réuni deux compères de l'artiste, Mathieu Dufois, Fabien Mérelle, et le critique d'art Philippe Piguet, qui sont revenus sur leurs travaux, leur rapport au dessin et leurs approches très différentes de cette discipline. Mathieu Dufois, dessinateur et vidéaste, dira que le dessin est arrivé en troisième année à l'Ecole des beaux-arts. Cette passion du 3e art s'est liée à celle pour le cinéma, un art hybride où se mêlent des images de films américains des années 50-60. "Je travaille sur des photos imprimées en petit format. Ça me permet, lors du transfert des données photographiques par le dessin, de voir comment celui-ci va venir donner des formes nouvelles aux clichés." Fabien Mérelle, à la fois dessinateur, sculpteur, aquarelliste, s'inspire pour sa part de la nature et la bestialité des humains, qu'il incorpore dans ses travaux tour à tour colorés, légers, ou d'autres, plus sombres et profonds. Des dessins qui mettent par ailleurs en scène l'artiste lui-même, dans une réalité fantasmée, où il devient arbre, pélican ou cerf. "J'aimerais insister sur une chose, un artiste ne sait pas exactement pourquoi il fait les choses au moment où il les fait. J'ai mis beaucoup de temps pour comprendre ma démarche", a expliqué l'orateur. Et de poursuivre : "J'ai tiré le fil de ce cheminement, et je pense que c'est cette distance que l'on met entre la nature et nous quand on est citadin que j'ai voulu effacer. J'ai eu besoin de me réapproprier la nature." Entre dessin et peinture, le cœur de Massinissa Selmani ballotte. À son entrée à l'Ecole des beaux-arts de Tours, c'est finalement grâce à du papier à dessin que le jeune artiste couche ses idées. Un trait de crayon qui répercute souvent les faits du quotidien, un réflexe forgé au fil des années grâce au dessin et à la photographie de presse, qui fascinent Selmani depuis son jeune âge. "J'ai un attrait pour la photographie de presse en particulier, parce qu'il y a quelque chose de l'ordre du témoignage. Entre l'évènement et sa médiatisation, il y a l'humain qui intervient, on y met du sens, une légende… J'aime beaucoup voir aussi comment cela est mis en scène à côté de l'article." Entre comique et tragique, les dessins de l'artiste, minimalistes et parlants à la fois, sont aux frontières du documentaire, en tentant de raconter des histoires et des faits. "On est dans une forme de récit. Mon parti pris était de tenter de raconter des histoires sans recourir aux archives ou entretiens filmés." Yasmine Azzouz