Le hirak s'est invité jeudi dernier, à Paris, aux commémorations des massacres du 17 Octobre 1961. Des collectifs de la diaspora pour le changement politique en Algérie ont pris part à un rassemblement organisé, en fin de journée, par plusieurs associations anticolonialistes et contre le racisme (17 Octobre contre l'oubli, Appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre, Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples…), pour rendre hommage aux victimes. La manifestation s'est déroulée sur le pont Saint-Michel, à proximité d'une stèle commémorative, inaugurée dans la matinée par la maire de Paris, Anne Hidalgo, en présence d'élus franciliens, de personnalités politiques de gauche, de syndicats, d'anciens appelés de la guerre d'Algérie et de proches des victimes. La stèle en acier qui représente des silhouettes évidées de manifestants, se découpant sur les eaux de la Seine, a été créée par l'artiste Gérard Collin-Thiébaut, déjà auteur dans la capitale du Mémorial national de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, érigé sur le quai Branly. Elle a été placée à l'angle du pont Saint-Michel et du pont Neuf, à l'un des endroits où des centaines d'Algériens ont été jetés dans la Seine. La nouvelle œuvre surmonte une ancienne plaque, apposée par l'ancien maire, Bertrand Delanoé en 2011, et qui a subi des dégradations répétées. Dans une brève allocution, Anne Hidalgo a expliqué l'importance de l'événement. "C'est l'histoire de Paris, notre histoire, celle d'une ville qui n'accepte pas ce type de répression, qu'on puisse tuer des femmes et des hommes parce qu'ils manifestaient pacifiquement pour une cause", a-t-elle déclaré. Présent à la cérémonie, Abdelmalek Hamchaoui, responsable du collectif de Nanterre du 17 Octobre 1961, a rappelé que les noyés sont des "des hommes, des femmes et des enfants, qui sont venus manifester en paix avant d'être massacrés et jetés dans l'eau à 7 degrés". Le pont Saint-Michel ne se trouve pas loin de la préfecture de police de Paris qui avait organisé, sous les ordres de l'ancien préfet Maurice Papon, la répression des manifestants. Des dizaines de milliers d'individus qui avaient bravé la décision du gouvernement de l'époque, dirigé par Michel Debré, d'instaurer un couvre-feu discriminatoire pour les Algériens, avaient été arrêtés, puis transférés dans des camps d'internement, torturés ou abattus à coups de crosse de fusil, de pioche et de balles, avant d'être jetés dans la Seine. L'historien Jean-Luc Einaudi avait comptabilisé à l'issue de ses recherches environ 400 victimes, alors que le bilan de la préfecture de police, sous Papon, n'en a compté que deux. En 2012, l'ex-président François Hollande avait fait un pas vers le chemin de la vérité en admettant que les Algériens qui avaient manifesté le 17 Octobre 1961 "ont été tués lors d'une sanglante répression". Aujourd'hui, les témoins directs des massacres, leurs survivants, des historiens et des organisations anticoloniales militent encore pour que l'Etat français endosse la responsabilité de ce qui s'est passé. Il est à noter qu'outre les commémorations parisiennes, d'autres cérémonies ont eu lieu ailleurs en France, en Normandie notamment. Sur le pont Saint-Michel à Paris, des compatriotes ont manifesté en brandissant les drapeaux algérien et amazigh. "Des Algériens ont été sacrifiés pour arracher l'indépendance. Aujourd'hui, nous nous battons pour eux et pour une seconde indépendance", a notamment expliqué un animateur du Collectif Libérons l'Algérie.