Ce documentaire émouvant sur Malika, proprio d'un café au sud du pays, a eu droit à une standing ovation par une salle comble. Avant sa projection, le réalisateur a tenu à rendre hommage à "tous les détenus d'opinion auxquels nous pensons très fort". Présenté en avant-première nationale dans l'après-midi de samedi, 143, rue du désert de Hassen Ferhani, a fait salle comble à l'Oref. Projeté en compétition officielle – catégorie docu – dans le cadre du 10e Fica (Festival international du cinéma d'Alger, journées dédiées au film engagé), le public, composé de cinéphiles, réalisateurs, comédiens ou producteurs, était au rendez-vous pour découvrir ce film primé plusieurs fois dans des festivals étrangers. Avant le lancement de la projection, le réalisateur, aux côtés de Malika, protagoniste du film ainsi que toute l'équipe, était ému de revenir dans cette salle Ibn Zeydoun dans laquelle il a "un rapport particulier", mais aussi, il a tenu à rendre hommage à tous ceux qui "auraient pu être là, notamment tous les détenus d'opinion auxquels nous pensons très fort". Suite à ce bel hommage, les lumières s'éteignent pour laisser place au cinéma. Malika, une femme âgée, gère un local à 60 km de Menéa (commune dans la wilaya de Ghardaïa). Dans son petit café ou relais routier, elle sert du thé, une omelette, et vend des cigarettes aux voyageurs, qui passent leur chemin par cette Nationale 1. Dans une atmosphère bien particulière à Ferhani, que nous retrouvons dans son premier long métrage Fi rassi rond-point (2015), un huis clos où les protagonistes se livrent à cœur ouvert et avec grande spontanéité. Cela était le cas également pour Malika "La reine du désert", qui, malgré son âge, résiste et a pu se faire une place dans ce milieu d'hommes, dans une sorte de "no man's land". Caméra posée face à la porte comme un hublot sur ce désert ardent, les camionneurs s'arrêtent pour se poser, attablés avec la protagoniste. Alors, des échanges sont créés et des histoires sont racontées pour un bref passage. En fait, à travers cette femme, le réalisateur dépeint cette Algérie multiculturelle, ses peines, ses doutes et ses rêves. Comme des messagers, chacun apporte des nouvelles toutes fraîches sur la situation du pays, pillage de l'argent par les gouvernants, le travail de routier qui devient de plus en plus difficile, la cherté de la vie... Malika a toujours le dernier mot, même si elle est "exilée" du monde, dans son local de 20 m2, qui lui sert, entre autres, de logement, la vieille dame réplique à ses interlocuteurs avec humour, sérieux et parfois avec une nuance de sarcasme. Dans un rythme lent, propre à Hassen Ferhani, loin d'être ennuyeux, on s'accroche à chaque plan, on se noie dans ce décor et dans les yeux de sa "Reine" qui, malgré le sourire, exprime de la mélancolie. Sans tomber dans le "misérabilisme" et la "lamentation", Malika se confie mais sans trop s'ouvrir, et ce, en gardant une grande part de mystère sur son vécu, un vécu loin d'être tendre. Issue d'une ville de l'Est, elle a surmonté le terrorisme, le vol et les ragots. Être une femme dans une société patriarcale et misogyne n'est pas de tout repos, et d'être une femme sans attache (sans famille) est encore plus compliqué à gérer. N'ayant pour seule famille sa chatte "Mimi" et sa chienne "Diana", Malika a scotché plus d'un dans la salle par son tempérament, mais surtout par son courage et sa détermination. Outre les routiers, la touriste espagnole, l'imam, deux comédiens ont fait leur apparition dans le film, à savoir Samir El-Hakim et l'écrivain chroniqueur Chawki Amari, qui pour rappel a inspiré le réalisateur pour ce doc, grâce à son livre "Nationale 1" dans lequel il évoque Malika. À noter que cette 10e édition du Fica se poursuit jusqu'au 16 novembre, avec au programme 16 longs métrages entre fictions et documentaires en compétition.