Le timing n'est sans doute pas fortuit : c'est au moment où il est astreint au silence électoral qu'Ali Benflis est éclaboussé par l'histoire de l'individu B. S., présumé ayant infiltré sa campagne. Dans un communiqué, le parquet du tribunal de Bir Mourad-Raïs a indiqué, alors que l'arrestation de l'individu en question avait été éventée par les médias jeudi dernier, que "l'enquête préliminaire et judiciaire a démontré que le mis en cause a perpétré des actes d'intelligence avec un Etat étranger auquel il transmettait des rapports réguliers sur la situation en Algérie, en général, et sur les conditions de préparation de la présidentielle, en particulier". Alors qu'en première réaction Benflis avait souligné que cet individu ne faisait pas partie de son staff et que sa présence à ses meetings était due à des considérations techniques étant donné qu'il est un spécialiste en la matière, le parquet soutient qu'il connaissait le candidat depuis 2003 et auprès duquel il a intercédé pour le règlement d'un problème de compte bancaire. En réponse au parquet, Ali Benflis suggère à demi-mot un "coup ourdi". "Le mélange entre une affaire d'espionnage au profit d'un pays étranger et un compte bancaire constitue une atteinte à son honneur, à sa réputation et à son image à la veille de la présidentielle", dit-il. S'il faut sans doute se garder des conclusions hâtives, l'enquête étant au stade préliminaire, il reste que la célérité avec laquelle le parquet a réagi et le contexte politique dans lequel cette affaire intervient suscitent bien des interrogations. Veut-on le disqualifier aux yeux de ceux qui seraient tentés de lui donner leur voix ? En suggérant cette "intelligence" avec l'ancienne puissance coloniale, l'accusation ne va-t-elle pas le priver du soutien de la famille révolutionnaire dont il se réclame, lui enfant de "chahid" ? Mais il faut dire qu'Ali Benflis n'est pas le seul à être bousculé pendant cette période préélectorale. Il y a eu d'abord la démission du directeur de campagne du candidat Tebboune, Abdallah Baâli, puis celle du directeur de son staff à Tizi Ouzou. Ensuite, l'arrestation d'Omar Alilat, un sulfureux homme d'affaires dont, dit-on, il était proche. Enfin, la comparution, jeudi dernier, de son fils, accusé de blanchiment d'argent. Si Abdelaziz Belaïd et Abdelkader Bengrina ont été relativement épargnés, ce n'est pas le cas d'Azzedine Mihoubi, dont le staff de campagne a été accusé par celui de Tebboune de colporter des "rumeurs", selon lesquelles il aurait la caution de l'armée en dépit des affirmations de "neutralité" de celle-ci. Loin d'être anodins, ces "incidents" de parcours, s'ils peuvent participer en d'autres circonstances de la bataille électorale — les exemples sont légion, y compris dans les grandes démocraties, comme on a pu le voir avec le candidat François Fillon, en France —, ramenés au contexte actuel, ils peuvent suggérer des tiraillements au sommet.