Même élu, au terme d'un vote largement contesté, Abdelmadjid Tebboune était assurément attendu sur bon nombre de chantiers. D'une part, pour apprécier sa marge de manœuvre, compte tenu des conditions ayant entouré son élection et, d'autre part, sur sa volonté à mettre en pratique ses engagements pris lors de la campagne électorale. Mais, un mois après son arrivée au Palais d'El-Mouradia, force est de constater que le bilan est encore maigre, même s'il est vrai que la période est relativement assez courte pour apprécier son action. Hormis, en effet, la mise en place de l'Exécutif dont la composante, un mélange entre d'anciens obligés de Bouteflika auxquels ont été confiés les portefeuilles de souveraineté et de nouvelles têtes, la nomination de certains responsables, la désignation d'un comité d'experts pour la rédaction de la nouvelle mouture de la Constitution, ou encore les consultations engagées avec certaines personnalités autour de la "situation globale du pays et la révision de la Constitution", aucun geste fort n'a été entrepris pour l'heure, notamment en direction du hirak auquel pourtant il avait tendu la main au lendemain de son élection. "Je m'adresse directement au hirak, que j'ai, à maintes reprises, qualifié de béni, pour lui tendre la main afin d'amorcer un dialogue sérieux au service de l'Algérie et seulement l'Algérie", avait-il dit le 13 décembre dernier. Un mois après cette invitation, les contours d'un éventuel "dialogue" demeurent assez flous. Attendue comme un geste de bonne intention, la libération des détenus d'opinion se fait toujours attendre. Plus d'une centaine parmi eux croupissent toujours en prison et attendent un hypothétique jugement. Fermés hermétiquement à l'opposition et au débat contradictoire depuis juin dernier, transformés en instruments de propagande de la démarche du pouvoir, les médias publics et les télévisions privées peinent à se libérer et à s'ouvrir malgré la désignation d'un professionnel, réputé pour son sérieux, à la tête du secteur. Pis encore, la liberté de manifester demeure toujours sous surveillance et des velléités d'étouffement du mouvement sont apparues ces dernières semaines : c'est le cas à Alger où vendredi passé les manifestants ont été dispersés au début de la contestation ou encore à Tiaret et à Relizane lorsque les manifestations ont été carrément empêchées. Hier, les services de sécurité ont même chargé les étudiants à Alger au terme de leur marche hebdomadaire. Quant à la promesse du rapatriement des fonds détournés, elle ne semble pas être dans l'agenda dans l'immédiat. Faut-il pour autant conclure, qu'au regard des circonstances l'ayant propulsé à la tête de la magistrature suprême, la marge de manœuvre de Tebboune est très réduite ? Si le délai de grâce n'est sans doute pas arrivé à terme, il reste que le rétablissement de la confiance avec le hirak, plus que jamais déterminé, et sa volonté à réformer en profondeur, comme il l'a promis, passent inévitablement par des gestes forts d'ouverture et des mesures d'apaisement que tout le monde réclame. C'est le prix de la réconciliation. Un objectif qui s'annonce laborieux au vu du début, somme toute poussif, de son règne.