L'ONG Human Rights Watch a dénoncé le recours excessif à la force par la police anti-émeutes qui a tiré des balles en caoutchouc, causant des blessés, parfois parmi les enfants. L'ONG a appelé à "mettre fin à cette culture de l'impunité pour les abus policiers". Le Liban s'enlise davantage dans la crise politique sans issue, après trois mois d'un mouvement de contestation inédit. Jusque-là pacifique, la vague de protestation, qui a repris de plus belle cette semaine, menace de dégénérer à tout moment, en témoignent les heurts violents à Beyrouth, dans la soirée de samedi à dimanche, où quelque 400 manifestants ont été blessés, certains grièvement, selon la presse libanaise. Les forces de l'ordre ont dispersé violemment les manifestants, en usant de gaz lacrymogène et en tirant des balles en caoutchouc, ciblant les manifestants indistinctement. Une des télévisions locales et des internautes sur Twitter ont partagé des témoignages de familles dont les enfants ont été touchés à l'œil par des balles en caoutchouc. Plusieurs responsables, dont le Premier ministre sortant et leader du courant du Futur, Saad Hariri, ont réagi aux violents affrontements entre les manifestants et les forces de l'ordre au centre-ville de Beyrouth. "Les scènes d'affrontements, d'incendies et d'actes de vandalisme dans le centre-ville de Beyrouth sont folles, suspectes et inacceptables, car elles menacent la paix civile. Beyrouth ne sera pas une arène pour les mercenaires et les politiques délibérées visant à briser le caractère pacifique des mouvements populaires", a dénoncé vertement M. Hariri sur son compte Twitter. Selon lui, "seule la formation d'un gouvernement est capable de calmer la tempête populaire". Mais, selon plusieurs témoignages cités par les médias libanais, les événements de samedi soir sont largement imputables aux forces de l'ordre, qui ont fait dans la provocation excessive face aux manifestants qui étaient pacifiques avant les premières charges de la police anti-émeutes. "Il n'y avait aucune justification pour le recours brutal à la force par la police anti-émeutes contre des manifestants largement pacifiques", a estimé Human Rights Watch (HRW). Accusant notamment les policiers d'avoir "tiré des balles en caoutchouc dans les yeux", Michael Page, directeur adjoint de l'ONG pour le Moyen-Orient, a appelé les autorités à "mettre fin à cette culture de l'impunité pour les abus policiers". Une cinquantaine de personnes ont été interpellées lors de ces événements, mais le parquet a ordonné leur libération, a annoncé hier l'agence libanaise officielle ANI. Ces derniers jours, Beyrouth a été secouée à plusieurs reprises par des affrontements entre forces de l'ordre et contestataires, qui ont attaqué cette semaine les vitrines de certaines banques et d'établissements, cristallisant une grande partie de la colère populaire. Hier, les Libanais sont descendus encore par centaines dans les rues de la capitale pour réclamer la formation d'un gouvernement de compétence mais également protester contre la dégradation de la vie à tous les niveaux : politique, social et économique. Pendant ce temps, la classe dirigeante du pays demeure incapable de proposer des solutions concrètes et satisfaisantes, alors que le pays court droit vers la faillite. En face, les protestataires, excédés devant le laxisme des autorités, menacent de durcir davantage leur mouvement.