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"La crise sanitaire a aggravé le processus de précarisation"
Rabeh Sebaâ, professeur de sociologie à l'université d'oran
Publié dans Liberté le 28 - 04 - 2020

Professeur de sociologie à l'université d'Oran et auteur de plusieurs essais, Rabeh Sebaâ nous livre son regard sur la crise sanitaire provoquée par le coronavirus. Il décrypte ses conséquences sur la société algérienne, notamment sur les franges sociales précaires. Il estime, s'agissant du confinement, qu'"il ne faut être ni laxiste ni alarmiste."
Liberté : L'Algérie, comme tous les pays du monde, vit depuis plusieurs semaines une situation de crise induite par l'apparition du Covid-19. Quelles pourraient être les conséquences de ce profond bouleversement sur la société ?
Rabeh Sebaâ : L'Algérie, comme beaucoup d'autres pays, n'était guère préparée à cette situation insolite. Même les pays qui disposaient de moyens importants et de structures plus conséquentes n'ont pu y faire face avec rapidité et efficacité. Le cas de l'Italie et de l'Espagne, notamment, est très significatif. Et les conséquences sur ces sociétés sont déjà fort visibles. Un dérèglement notable des mécanismes tant économiques que sociétaux. Mais paradoxalement, la société algérienne ne subit pas cette crise sanitaire de la même manière pour au moins trois raisons.
D'abord, la vie économique est structurellement déréglée. Les lois économiques qui ont été perturbées ailleurs, n'existent pas dans la société algérienne. Une économie rentière, largement relayée par un secteur informel, ne reçoit pas les dérégulations de la même façon. La panique qui a suivi la baisse drastique du prix du baril s'est vite estompée et le secteur informel saisit cette aubaine pour se rebooster. Ensuite, sur le plan social, ce sont les catégories sociales précaires qui en font les frais.
Que ce soit le personnel du secteur public ou privé "mis en congé" forcé ou le secteur des services, vivant au jour le jour, tous ont été encore plus exposés par la brutalité de l'advenue de cette crise sanitaire. Beaucoup de familles se sont retrouvées du jour au lendemain sans la moindre ressource et, bien entendu, sans le moindre recours à un filet quelconque.
D'où la troisième dimension, enfin, l'absence draconienne de dispositifs prévus pour ce type de crise. Cette crise sanitaire a montré l'ampleur du dénuement de la société algérienne en matière de prise en charge de larges franges de la population en situation de détresse.
La distribution de quelques sacs de semoule ou d'une somme maigrelette, nécessitant des chaînes interminables devant les APC en sont l'illustration la plus caricaturale. L'une des conséquences de cette crise est, précisément, l'aggravation du processus de précarisation déjà fort prégnant.
D'aucuns attribuent cette crise à l'arrogance de l'homme qui ne s'est jamais soucié de la préservation de l'environnement. Souscrivez-vous à cette thèse et pensez-vous possible que l'être humain puisse adopter un autre comportement ?
Il est de l'ordre du banal de dire que l'homme a largement contribué au saccage de la nature et à la généralisation de l'approfondissement des déséquilibres écologiques environnementaux, au sens très large du terme. Cette folie destructrice prend ses racines au Moyen-âge et atteint son point paroxystique avec la révolution industrielle, à partir du XVIIIe siècle. Elle ne s'est plus arrêtée depuis.
Elle est allée crescendo et n'a épargné ni la faune, ni la flore, ni l'eau, ni l'ozone, ni l'air à respirer tout simplement. La pollution qui a atteint des pics invraisemblables n'a jamais constitué un objet d'inquiétude. Maintenant, de là à penser que l'homme va changer de comportement après cette crise sanitaire, rien n'est moins sûr. Pour au moins deux raisons : d'abord, les craintes et les peurs n'ont jamais été de bonnes maîtresses. Encore moins d'excellentes éducatrices.
Or, le changement de comportement à une aussi grande échelle, à l'échelle planétaire, demande du temps et surtout des moyens matériels et moraux qu'aucun pays, ni personne, ne veut mettre en œuvre. Ensuite, c'est compter sans la férocité et la voracité des intérêts économiques et financiers qui gouvernent le monde.
Ces mêmes intérêts qui ont ruiné la qualité de la vie à l'échelle planétaire au nom d'une brumeuse globalisation ou sous la bannière d'une nébuleuse mondialisation. Ces intérêts ne s'arrêteront pas. Ils reprendront de plus belle. La polémique présente, au cœur de la fournaise de la crise même, sur les intentions ou les prétentions de l'industrie médicamenteuse et pharmaceutique, en est une excellente illustration. Il n'y a aucune illusion à se faire, à mon avis, sur un comportement "réfléchi" de l'homme à l'issue de cette calamité.
Le gouvernement vient d'assouplir le couvre-feu et d'autoriser de nombreux commerces à rouvrir alors que la communauté scientifique continue à appeler au confinement. Comment analysez-vous la gestion de la crise socio-sanitaire suivie par les autorités ?
Je pense qu'il ne faut être ni laxiste ni alarmiste. Le sens de la mesure est plus que jamais à l'ordre du jour. À l'échelle individuelle, d'abord. En famille ensuite. En société, les choses sont plus difficilement maîtrisables. L'assouplissement du confinement ne signifie aucunement son assoupissement ou son évanouissement. C'est pour cela que le mode d'appréhension du confinement et, de façon générale, de la crise sanitaire n'est pas le même chez la communauté scientifique ou les autorités politiques.
Pour ces dernières, les priorités ne sont pas les mêmes. La paix sociale prime la santé publique. Et c'est précisément le problème. Si la présente crise sanitaire a connu nombre de couacs, c'est parce que les autorités politiques n'y étaient pas préparées avec une ligne et une vision sanitaires globales, claires. Avec des dispositifs et une méthodologie éprouvée. Il faut quand même reconnaître à la décharge de ces autorités, qu'elles ont tenté de parer au plus pressé. Avec des moyens qui se sont révélés plus que dérisoires. Et des structures de santé plus qu'insignifiantes et souvent inopérationnelles.
À telle enseigne que des voix ont réclamé la transformation de la nouvelle Grande mosquée d'Alger en hôpital. C'est dire quand bien même ce qui était considéré comme sacré a été sacrément bousculé par cette crise. Il est à espérer que cet assouplissement du confinement se fonde sur des garanties médicales sérieuses et non sur une pression sociale effarouchée. Et surtout souhaiter que cette crise sanitaire serve de leçon. Pour troquer la gestion approximative du présent contre une vision imaginative du futur.
La crise sanitaire a bousculé les habitudesndu mois sacré. Quel regard portez-vous sur ce mois de jeûne très particulier ?
L'essentiel du rituel est sauf. Le jeûne reste, dans l'ensemble, conforme à l'observance requise. Deux dimensions sont nouvelles par rapport à tous les mois de Ramadhan passés. L'absence de prières surérogatoires, qui comme chacun sait ne sont pas obligatoires. Mais il s'agit de la disparition d'un repère bien établi depuis des lustres. Une sorte de balise sociale spécifique au Ramadhan régulant la temporalité. Les veillées nocturnes sont supposées commencer après ces prières. Ensuite, et c'est la seconde dimension, le confinement réduit ces veillées à des soirées familiales. Ou de quartier.
Car il ne faut pas se voiler les yeux. Les bas des immeubles et les ruelles non fréquentées, sont pleins de jeunes et de moins jeunes. Mais les promenades et les déambulations nocturnes que certaines familles ou certaines femmes seules ne s'autorisent qu'à l'occasion du Ramadhan ne font pas partie du décor cette année. Les rues étant désertes. Mais de mon point de vue, cette situation peut être porteuse de nombre de positivités. Comme le resserrement du lien familial de différentes manières. Sous forme de conversations, de chants, de danse ou d'écoute de contes. Nos familles sont pleines de ressources. C'est l'occasion de les voir s'objectiver.
Quel impact psychologique peut-il avoir ce Ramadhan "amputé" sur la société ?
à mon avis, tout changement dans les habitudes et le quotidien des personnes peut amener à un changement partiel des comportements. Je dis partiel car ce qui est le plus difficile à changer c'est justement cet aspect de la personnalité d'un individu. En psychologie, on affirme souvent que face à une situation qu'on ne peut changer, il s'agit de changer notre perception de cette réalité pour s'y adapter.
On a bien vu un début de prière collective sur les terrasses de certains immeubles, des cérémonies d'enterrement totalement différentes de ce qu'on a vécu jusqu'à présent. Un autre phénomène passé presque inaperçu est la fermeture des cimetières, pour les visites, qui semble être accepté par la population. Mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Il s'agit pour les spécialistes en sciences humaines et sociales d'analyser et de comprendre les ressorts principaux de ces comportements inédits. De quelle nature seront-ils ? Quelle tranche d'âge sera la plus touchée ? Quel impact sur les principes éducatifs, les relations femme/homme, etc.


Propos recueillis pas : Samir Ould Ali


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