"Dans le secteur pharmaceutique, l'Algérie pourrait remplacer la Chine comme fournisseur", estime le professeur El-Mouhoub Mouhoud, professeur d'économie à l'université Paris-Dauphine, lors d'un webinar organisé par le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care), ayant pour thème "Relocalisations : quelles opportunités et stratégies pour les pays du Maghreb ?". L'industrie pharmaceutique au Maghreb pourrait bénéficier d'une diversification des pays européens qui cherchent à diminuer leur dépendance vis-à-vis de l'Inde et de la Chine. L'économiste a insisté sur la nécessité pour l'Algérie de sortir de "l'enfermement dans les hydrocarbures et des industries connexes aux hydrocarbures", évoquant l'engagement de l'Europe dans la transition énergétique. Pour lui, il faut penser la stratégie industrielle dans une économie non carbonée, pour entrer dans les chaînes de valeurs industrielle et des services. El-Mouhoub Mouhoud estime qu'il est possible de développer une stratégie de substitution à l'importation dans les secteurs agroalimentaires et des biens primaires. Mais plus globalement, le professeur suggère la mise en place d'une stratégie d'importation. Pour autant, souligne-t-il, la réforme du système de l'éducation et de la formation est un préalable. Et cette réforme "ne peut se faire qu'avec l'aide de la diaspora", soutient-il, citant l'exemple du Liban. Selon le professeur Mouhoud, si les relocalisations sont amenées à s'accélérer dans les industries robotisables, un boom des délocalisations pourrait bien advenir dans les activités de services. Les services sont devenus potentiellement délocalisables. En outre, sous-traiter des tâches de services à distance n'est pas sensible au protectionnisme commercial ni aux coûts de transport. Enfin, les acteurs du secteur de la distribution comme de la production de services (banques, assurances...) mais aussi les consommateurs (entreprises ou ménages) vont bénéficier d'un effet d'apprentissage dans l'usage des technologies numériques. Cet effet d'apprentissage dans l'outsourcing ou la sous-traitance de services immatériels à distance touchera aussi les services de la connaissance à forte valeur ajoutée, y compris, paradoxalement, dans le secteur de la santé et du soin. Pour autant, relève M. Mouhoud, plusieurs problèmes se posent aux pays du sud de la Méditerranée (PSM) pour réussir à bénéficier de la régionalisation des chaînes de valeur mondiales. Le premier obstacle réside dans la fragmentation de ces pays. L'absence d'un marché régional maghrébin est une limite à un rattrapage économique et technologique digne de ce nom. Les coûts des transactions entre l'Algérie, le Maroc et la Tunisie sont environ 4 fois supérieurs à ceux entre ces pays et l'Union européenne. Une intégration commerciale des pays du Maghreb "doit être une étape nécessaire", estime le professeur. Ce dernier a évoqué la possibilité "de renégocier les accords de libre-échange pour amener l'Union européenne à lancer une initiative ciblée avec les PSM pour soutenir leurs efforts de modernisation de leurs système éducatif et encourager la recherche et l'innovation dans le cadre d'un partenariat nord-sud".