L'intensification des ingérences étrangères en Libye a aggravé la crise entre les belligérants, écartant toute possibilité d'un retour immédiat à la table des négociations. Le parlement de Tobrouk, basé à l'est de la Libye, a annoncé dans la nuit de lundi à mardi, son soutien à "une éventuelle intervention de l'armée égyptienne" contre la Turquie en Libye en cas de "menace", faisant ainsi monter d'un cran les tensions dans ce pays miné par neuf années de conflit meurtrier. "Aux forces armées égyptiennes d'intervenir pour protéger la sécurité nationale libyenne et égyptienne, si elles voient une menace imminente pour la sécurité de nos deux pays", a indiqué dans un communiqué le parlement élu en 2014, mais contrôlé par Khalifa Haftar. Cette annonce, rappelle-t-on, intervient près d'un mois après un discours du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, le 20 juin, dans lequel il avait menacé d'intervenir directement en Libye, si les forces du Gouvernement d'union nationale (GNA), appuyées par Ankara, dépassaient la ville de Syrte, définie par Al-Sissi comme "la ligne rouge". Depuis l'implication de la Turquie en Libye, les rapports de force se sont inversés en faveur du GNA, provoquant la débâcle de Haftar dans l'ouest du pays. "Le soutien apporté par le parlement de Tobrouk à une éventuelle intervention de l'armée égyptienne en Libye s'explique par la montée en puissance des forces loyales au GNA, soutenu par la Turquie", affirme Djallil Lounnas, professeur en relations internationales et spécialiste de la région Sahel. Pour lui, "les défaites successives de l'homme de l'Egypte en Libye font craindre au parlement de Tobrouk, mais aussi aux soutiens étrangers de Haftar, (l'Egypte, les Emirats arabes unis et la Russie) une perte de leur influence en Libye", a-t-il analysé pour Liberté. M. Lounnas exclue toutefois, "à moins d'un coup de théâtre", un passage à l'acte de l'Egypte. "Les déclarations du président égyptien, Al-Sissi, il y a quelques semaines, devront rester au stade de menaces. Je ne crois pas, au point où on en est, qu'une intervention armée directe du Caire aura lieu", affirme-t-il. "Les deux parties semblent vouloir rester sur la ligne de front délimité par la ville de Syrte et Al Djafra. Pour l'Egypte, ces deux villes sont perçues comme une ligne rouge à ne pas dépasser. La Turquie, elle, trouve son compte en gardant son influence sur tout l'ouest du pays où elle dispose de bases militaires." Mais l'Egypte a-t-elle véritablement les moyens de lancer une intervention militaire directe ? "Le Caire est capable d'aligner des milliers d'hommes en quelques jours. L'avantage principal de l'Egypte vient de sa situation géographique. Le partage avec la Libye de vastes frontières, peut lui permettre donc d'intervenir rapidement. Ce qui est toutefois, de mon point de vue, un scénario peu probable", a soutenu Djallil Lounnas. Selon lui, la situation actuelle en Libye, aggravée par l'absence de volonté politique de toutes les parties impliquées dans ce conflit, conduira "inexorablement à une partition de ce pays avec probablement la configuration actuelle des lignes de front".