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«L'Algérie doit s'impliquer dans le conflit»
Djallil Lounnas, spécialiste en relations internationales, à propos de la situation en Libye :
Publié dans Le Soir d'Algérie le 08 - 06 - 2020


Entretien réalisé par Karim Aimeur
Professeur des relations internationales et spécialiste de la sécurité régionale, notamment dans la région du Sahel, Djallil Lounnas analyse, dans cet entretien, les développements de la situation en Libye, à la lumière de la nouvelle dégradation du climat sécuritaire dans le pays et les combats acharnés entre les forces du GNA et celles de Haftar, où les puissances mondiales jouent un rôle non négligeable, poussant parfois au pourrissement.
Le Soir d'Algérie : La Libye a sombré de nouveau dans la violence et l'accord de Berlin de janvier dernier qui portait sur un cessez-le-feu entre les forces de Khalifa Haftar et les forces du Gouvernement national (GNA), un embargo sur les armes et une commission où siégeront les deux parties, n'est pas respecté. Comment expliquer la nouvelle dégradation de la situation sécuritaire dans le pays ?
Djallil Lounnas : Dès le départ, aucun des acteurs engagés dans le conflit n'était en réalité favorable à l'accord de Berlin, notamment Khalifa Haftar qui avait clairement montré un désintérêt réel à ce cessez-le-feu, contrairement peut-être au GNA. A l'époque, Haftar était en position de force et Tripoli menacée de s'effondrer, il n'avait donc pas intérêt à un cessez-le-feu. Inversement, le GNA avait accepté car il avait besoin de se refaire une force et attendait incessamment l'arrivée des troupes turques. Ce cessez-le-feu n'a duré que très peu de temps et l'embargo sur les armes n'a été respecté par personne. Ils ont très vite repris les combats et cette fois-ci au désavantage total de Haftar qui a accumulé les revers et les défaites.
Dans le sillage de la rencontre de Berlin, vous avez affirmé que le GNA et Haftar sont des acteurs secondaires en Libye. Cela se confirme davantage ces derniers temps avec l'implication de puissances étrangères dans la guerre. Quels sont, selon vous, les acteurs et les enjeux principaux de la crise libyenne ?
Les principaux acteurs sont en fait l'Egypte, les Emirats arabes unis et l'Arabie Saoudite qui ont soutenu Haftar et la Turquie et le Qatar qui ont pris partie pour le GNA et dont l'appui est décisif. La Russie et les Etats-Unis sont effectivement impliqués dans le conflit mais quand même de manière moindre que les premiers pays cités. Ainsi, Moscou a bien soutenu Haftar et envoyé des mercenaires en Libye mais les récents revers ont amené la Russie à une révision de ses positions, selon ce que j'observe. Quant aux Etats-Unis, ils étaient surtout préoccupés par les groupes terroristes qui s'étaient déployés entre 2011 et 2016 en Libye. Depuis l'affaiblissement et le retrait de ces derniers vers le Sud libyen en 2016-2018, les Etats-Unis œuvrent à bloquer un retour russe en Libye. On peut le voir par le fait que vers le premier semestre de 2018, le Président Trump avait manifesté sa sympathie vis-à-vis de Haftar avant de changer de fusil d'épaule et de montrer sa préférence envers le GNA suite à un rapprochement entre Haftar et Moscou.
Quels sont les intérêts des uns et des autres ?
L'Egypte est motivée par plusieurs intérêts notamment dans l'est de la Libye : la lutte contre les groupes terroristes qui ont proliféré dans la région après la chute de Khadafi comme Jund Al Islam et Jamiaat Al Murabitine et contre lesquels Haftar a engagé ses troupes (opération dignité) et l'accès aux richesses pétrolières de l'est de la Libye. Il y a également la lutte contre les Frères musulmans qui, au sein du GNA, représentent une composante importante, et contre lesquels le Président égyptien Al Sissi s'est engagé dans son pays en vue de freiner leur influence dans la société. La Libye était également une destination de travail pour 1,5 million d'Egyptiens et rapportait 33 millions de dollars pour leurs familles. L'instabilité en Libye a forcé ces derniers à rentrer et rester sans revenus. Pour les Emirat arabes unis et l'Arabie Saoudite, leurs intérêts sont de lutter contre le Qatar contre lequel une guerre économique sans merci est livrée dans leur région mais aussi contre les Frères musulmans. On assiste, de ce fait, à un affrontement plus global que la simple lutte GNA-Haftar. À cet égard, l'Arabie Saoudite a demandé au courant madkhaliste bien installé en Libye, qui est en fait « une nouvelle offre » qui s'inspire du cheikh saoudien Al Madkhali qui est ultra-conservateur et wahabi mais soutenant les régimes en place, de soutenir Haftar contre le GNA. De l'autre côté, il y a le Qatar et la Turquie qui ont des intérêts opposés. Le Qatar s'est impliqué depuis 2011 en soutenant les rebelles des Frères musulmans contre Kadhafi, avant de soutenir le GNA. Le conflit libyen dépasse largement le GNA et Haftar, car, au fond, il y a les luttes d'intérêts, d'influence et une guerre idéologique.
Ces derniers jours, les forces de Haftar sont acculées et ce dernier, face au déclin qui s'annonce, s'est rendu en Egypte. Comment analysez-vous cette visite et son timing ?
Aujourd'hui, les cartes sont rebattues et les regards sont tournés vers l'Egypte et les autres soutiens de Haftar. Ce n'est pas un hasard que ce dernier s'est déplacé début juin au Caire pour étudier la situation avec Al Sissi. Si il est peu probable que l'Egypte lâche Haftar, ce dernier a, en tout cas, assoupli ses positions puisque désormais il appelle à un cessez-le-feu. Ce qui constitue une première. Toutefois et dès fin mai, des officiels égyptiens ont affirmé que l'Egypte pourrait intervenir si la situation se dégradait davantage et appelait la Turquie à réviser sa position. Il semble que les partenaires de Haftar jouent l'apaisement tout en lui maintenant leur soutien. Pour l'instant !
Mais, visiblement, la Turquie, qui soutient le GNA et la Russie qui appuie Haftar, sont des facteurs d'aggravation de la crise sécuritaire. Pour quels intérêts ces deux pays agissent et comment participent-ils à l'envenimation de la situation ? Qui a intérêt à ce que la Libye soit maintenue dans le chaos ?
La Russie a plusieurs intérêts qui motivent son soutien à Haftar : une ligne dure contre les groupes armés djihadistes dont Haftar s'est fait le chantre au départ.
À travers la Libye, la Russie vise également à regagner son influence perdue en Méditerranée depuis la fin de la Guerre froide.
Elle veut se repositionner dans le système international comme puissance majeure, un processus entamé en 2015 avec son intervention en Syrie.
La Libye représente également potentiellement à l'avenir d'importants contrats pour Moscou qui, en se positionnant de manière stratégique, pourrait les obtenir une fois la situation stabilisée. Sa proximité et ses relations stratégiques avec l'Egypte l'ont poussée à opter pour Haftar. Ceci étant, les récents revers de Haftar semblent avoir amené Moscou à réviser sa stratégie. Ainsi l'année passée, la Compagnie Wagner s'était déployée avec plusieurs centaines de mercenaires russes, depuis le début du mois de mai, il semble que ces derniers aient été retirés. En même temps, Moscou a déployé des MIG29 et SU 24 en Libye ce qui renforce les troupes de Haftar de manière considérable. De fait, de grosses incertitudes sont apparues sur l'avenir du déploiement/soutien russe en Libye et envers Haftar.
Pour la Turquie, il faut replacer son appui au GNA de manière plus globale. D'abord Ankara avait dès 2011 noué des liens forts avec l'opposition libyenne dont elle avait accueilli certain leaders à Istanbul et elle a noué des liens notamment avec le groupe Fajr Libya proche des Frères musulmans, comme l'AKP. Ensuite, Ankara a signé, avant la chute de Khadafi, une série de contrats d'une valeur de 15 milliards de dollars qu'elle espère récupérer. La Libye représente également une façon pour la Turquie de se projeter davantage et renforcer son influence dans la région où elle est déjà très présente depuis le début des années 2000. Il suffit de voir les relations fortes entre les pays du Maghreb et la Turquie dans tous les domaines (visas, investissements, échanges économiques, etc.). En 2019, Tripoli était sur le point de tomber et la plupart des pays de la région refusaient de venir l'aider, le GNA s'est tourné vers Ankara avec qui il a signé un accord de délimitation maritime qui donne accès à d'importantes richesses maritimes en Méditerranée. Dès lors, Ankara ne pouvait qu'intervenir.
Il faut rappeler, dans ce contexte, que l'année passée, Moscou et Ankara avaient négocié un accord que Haftar avait refusé d'entériner, ce qui avait passablement irrité Moscou. On peut remarquer que les troupes de Wagner se sont retirées sans subir de frappes de drones turques et donc en bon ordre. Les deux parties semblent vouloir se ménager l'une l'autre malgré tout. Les deux sont engagées en Syrie et ont des relations stratégiques, bien que difficiles et complexes, qui dépassent le simple contexte libyen. Partant de ce constat, je dirais que personne n'a intérêt à maintenir le chaos mais chacun fait un forcing pour s'assurer que la faction qu'il soutient l'emporte de manière décisive afin de préserver ses intérêts. Cela ne s'est pas encore produit. Ni le GNA ni Haftar ne semblent être en mesure de le faire.
Au moment où les combats font rage, l'ONU vient d'annoncer la reprise des négociations en vue d'un nouveau cessez-le-feu entre les forces de Haftar et celles du GNA. Quel commentaire faites-vous de cette annonce ?
Si cela aboutit, ça sera un énième cessez-le-feu. Le GNA, dont les troupes ont récemment remporté de très importants succès, avec la reprise de l'aéroport de Tripoli, Tarhuna et Syrte, ne semble pas avoir un intérêt à le faire.
Le déploiement de Mig 29 et SU 24 biélorusses semble indiquer également que Moscou ne souhaite pas laisser Haftar être défait et nous avons un même son de cloche du côté du Caire. Je ne suis pas certain qu'un cessez-le-feu pourra être donc mis en place, ni même qu'il dure longtemps si jamais il est signé.
Maintenant que les accords internationaux ne sont plus respectés, quelles suite et issue prévoyez-vous pour le conflit ?
Désormais, il est peu probable qu'une solution politique puisse être possible ni que les soutiens au GNA ou à Haftar n'acceptent ou ne laissent la faction qu'ils soutiennent être défaite. Les rumeurs sur un déploiement US en Tunisie reliées aux éléments en Libye, à savoir l'arrivée des avions russes, changent complètement la donne et transforment une guerre civile avec des parties soutenues essentiellement par des puissances régionales (Turquie, Qatar, Egypte, Arabie Saoudite, etc.) en lutte d'influence entre les grandes puissances (Russie vs Etats-Unis). Ceci étant, il semble que les puissances impliquées régionales ou majeures ne veulent pas d'un affrontement direct.
Dans ce contexte, je n'écarte pas, à terme, un cessez-le-feu sur une ligne de démarcation qui couperait la Libye en deux, le GNA à l'Ouest et Haftar à l'Est et si cela ne devienne permanent auquel cas on risque de réellement voir deux entités politiques distinctes et rivales «s'institutionnaliser ». Cela produira une partition de fait du pays. Inversement, une réconciliation n'est pas impossible à condition que les soutiens des deux factions se mettent d'accord sur un compromis a minima qu'ils imposeront ensuite aux factions et là, l'ONU pourrait jouer un rôle plus important.
Les pays du voisinage peuvent-ils avoir un rôle de premier plan dans la résolution du conflit ?
Excepté l'Egypte, fortement impliquée en Libye et soutien inconditionnel de Haftar, qui a des relations stratégiques avec Moscou, Washington, Paris et l'Arabie Saoudite, les autres Etats ne peuvent plus faire grand-chose.
L'Algérie a effectivement longtemps milité pour la solution politique, plutôt proche du GNA mais qui a maintenu des relations avec tous les acteurs en place, même Haftar malgré des tensions, mais Alger ne peut pas rester les bras croisés et doit s'impliquer dans le conflit. Mais dans ces conditions, l'implication de l'Algérie me semble difficile et Alger doit seulement protéger ses frontières et éviter un débordement qui directement la déstabiliserait et tenter tant bien que mal de garder des relations équilibrées avec tous. Si les factions souhaitent une médiation, Alger pourra à ce moment-là jouer peut-être un rôle. L'Algérie avait déjà affiché sa disponibilité à abriter des négociations sur son sol.
K. A.


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