Selon le chef de l'Etat, des "personnes" espèrent toujours revenir au pouvoir, en manœuvrant contre la stabilité du pays. Il a affirmé que l'Etat combat "l'argent sale et le reste de la bande". Dans un discours de 40 minutes qu'il a prononcé hier au Palais des nations du Club-des-Pins, à l'ouverture des travaux de la rencontre gouvernement-walis, le chef de l'Etat Abdelmadjid Tebboune s'est frontalement attaqué aux fonctionnaires et aux responsables — des collectivités locales notamment — qui s'échinent à exacerber la colère des citoyens. Il a affirmé que dans certaines wilayas, ses orientations et les décisions prises par le gouvernement ne sont guère exécutées. Au lieu de prendre en charge les préoccupations des populations, des problèmes supplémentaires sont créés. "Ces situations sont induites par de mauvais réflexes. La passivité tue l'initiative", a-t-il commenté. Il a regretté que dans une multitude d'agglomérations, les autorités locales n'accordent pas d'intérêt à "la réalisation du programme tracé pour l'amélioration du niveau de vie de millions de citoyens vivant encore dans des zones d'ombre et presque à une autre époque, comme s'il s'agissait là d'un destin scellé". Montrant qu'il est dans l'action, le chef de l'Etat a informé qu'il a ordonné la suspension de responsables locaux qui ont failli à leurs missions. "Ce n'est que le début. Nous avons lancé des enquêtes sur la gestion des collectivités locales", a-t-il mis en garde. Il a cité les coupures d'eau à des périodes inopportunes (fêtes de l'Aïd) ; les pannes d'électricité quand la température frôlait les 40° ; les rapports inexacts établis sur la réalisation des projets d'utilité publique ; les fausses inaugurations-spectacles devant les caméras des chaînes de télévision... "Je croyais que ces comportements n'existaient plus (...) Malgré le Hirak béni et toutes les décisions prises par l'Etat pour soulager le quotidien des citoyens, des images abominables nous parviennent encore", s'est-il étonné. Pour le président de la République, ces dysfonctionnements ne sont pas fortuits. "Ce sont des blocages volontaires", suspecte-t-il. Pour mieux appuyer ses soupçons, il a cité l'exemple des retards accusés dans l'attribution des primes et des aides financières Covid-19 aux personnels de santé, aux foyers à faibles revenus et aux artisans. "Cela veut dire quoi ? Est-ce une contre-révolution ?", s'est interrogé M. Tebboune. Sans détour, il a désigné les coupables présumés : "Des complicités dans les administrations" au service "des forces d'inertie qui œuvrent contre la stabilité du pays et espèrent toujours parvenir à une situation de chaos". Il les a accusées de vouloir compromettre les actions de l'Etat dans l'objectif de ternir son image au regard du peuple. "Il n'est point possible de régler les problèmes cumulés pendant vingt ans en vingt semaines. La bataille du changement radical a sa logique, sa stratégie et ses hommes", a-t-il lancé, en soutenant que 80% de la population est satisfaite de la stabilité sociale. Il a incité au dialogue et à la consultation afin d'éviter les troubles sociaux, et a averti, en parallèle, les relais de ses détracteurs : "Attention, des enquêtes sont en cours." M. Tebboune n'a, au demeurant, donné aucune chance à l'accomplissement des desseins de ceux qui cherchent à reprendre les commandes de l'Etat. "Des personnes espèrent toujours revenir au pouvoir. Laissez-les rêver. Le peuple est sorti dans la rue. Il n'y aura pas de marche arrière", a-t-il martelé. Fermement, il a affirmé qu'il s'attellera à "en finir avec l'argent sale et le reste de la bande". Il a rappelé que "des responsables étaient désignés et des recrutements opérés par téléphone ou autour d'un verre, avec des sacs d'argent, dans la nuit". Il a évoqué ensuite des personnalités qui sont "en prison, [mais que] leurs millions de dollars sont distribués à l'étranger. Qui en a donné les ordres ? Qui a sorti ces millions de dollars ? Le peuple doit savoir". D'aucuns pensent qu'il faisait allusion au contrat de lobbying liant l'ancien président du FCE Ali Haddad à un proche du président américain, Donald Trump. Pas évident. Transgressant le texte de l'allocution préparée de manière impromptue, le premier magistrat du pays a déclaré : "Les portes de la repentance sont ouvertes. Ne sois pas ‘khbardji' (informateur) d'un pays étranger." à quoi fait-il allusion ? Le chef de l'Etat a aussitôt abordé le chapitre de la révision constitutionnelle en instruisant les chefs de l'Exécutif de wilaya d'entamer les préparatifs du référendum : "Sur ce projet, la parole sera donnée au peuple. C'est à lui de décider si la Constitution sera révisée ou restera en l'état." La version, incluant les propositions des partis politiques, organisations et organismes consultés, est en cours d'impression. "Le changement, revendiqué par le Hirak populaire, est, certes, un changement pacifique, mais radical, qui passe par la Constitution, le socle de l'Etat", a-t-il épilogué. Souhila Hammadi