Avec la pandémie de Covid-19, les pratiques médicales et les attitudes ont été adaptées aux nouvelles circonstances, et l'hospitalisation à domicile s'impose en remplacement du séjour à l'hôpital. Liberté : Qu'en est-il de l'hospitalisation à domicile en Algérie ? Pr Belkacem Bioud : Pour faire face à la surcharge que connaissaient nos établissements de santé publique, un arrêté ministériel portant création d'une unité d'hospitalisation à domicile a été promulgué le 19 avril 2003, mais cette activité ne concernait que les services de médecine interne. Par ailleurs, les contraintes réglementaires et administratives ont quelque peu empêché la généralisation de l'hospitalisation à domicile à l'ensemble des structures de santé publique. L'introduction du traitement à domicile a connu un nouvel essor avec l'utilisation, au profit des patients hémophiles, des injections de facteurs de sang surtout les molécules innovantes issues de la biotechnologie depuis 2006.
Quelle est votre expérience au pôle pédiatrique du CHU de Sétif en matière du traitement à domicile pour les enfants hémophiles ? Notre expérience concernant le traitement à domicile a commencé au début du mois de février 2018 et a concerné une trentaine de patients hémophiles. Il faut savoir que cette activité est nationale et concerne aussi bien les services de pédiatrie que les services d'hématologie s'occupant d'enfants hémophiles. L'administration du traitement à domicile se fait par l'intermédiaire des sociétés de soins agréées par le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière.
Qu'en est-il du traitement à domicile pour les autres maladies chroniques, surtout avec l'avènement de la Covid-19 ? Devant ce contexte inédit et imprévu de la pandémie de Covid-19 qui est un véritable défi pour les systèmes de santé mondiaux, une réadaptation des modalités de prise en charge des patients atteints de maladies rares, notamment les maladies de surcharge lysosomale (maladies multiviscérales), est devenue indispensable. C'est pourquoi le ministère de la Santé a instruit, par le biais de l'instruction n°533 en date du 6 mai 2020, tous les CHU, EPH et EHS de procéder à l'administration du traitement par perfusion au domicile du patient par un médecin accompagné d'un infirmier, par l'intermédiaire des sociétés de soins à domicile agréées par le ministère. Dans notre service, nous avons pu jusqu'à maintenant assurer ce service à huit malades présentant une maladie de surcharge lysosomale, à savoir des perfusions à domicile avec évidemment la vérification stricte de la traçabilité des médicaments par la pharmacienne du pôle pédiatrique du CHU de Sétif. Cette opération, qui a été aussi assurée dans d'autres structures de santé comme à Alger ou à Tlemcen, a permis d'éviter aux malades bénéficiaires les déplacements à l'hôpital, surtout dans ce contexte de Covid-19. Il faut savoir que ces malades sont à haut risque de développer une complication grave en cas de surinfection par la Covid. Nous comptons inclure encore d'autres malades dans cette opération profitant de l'instruction sus-citée qui a permis d'aplanir toutes les contraintes administratives.
Le traitement à domicile pourrait-il devenir une alternative à l'hospitalisation conventionnelle surtout pour les enfants ? Le traitement à domicile semble être le moyen le plus efficace de maintenir l'accès à la thérapie pendant ou même en dehors de la pandémie. Il apporte certainement un confort supérieur pour l'enfant et ses parents avec une efficacité équivalente aux perfusions à l'hôpital. Il permettrait ainsi de garder une vie sociale et familiale plus proche de celle que l'on souhaiterait et de réduire les désagréments causés par les déplacements et l'attente à l'hôpital. Ce qui améliorera certainement l'observance du traitement et la diminution du risque d'infection nosocomiale (hospitalière) et l'absence au travail des parents. La diminution des coûts des soins est aussi un volet important à prendre en considération. En effet, dans la revue internationale Molecular Genetics and Metabolism (2018), on peut lire que les économies annuelles globales aux Etats-Unis sont de plus de 18 792 dollars par patient présentant une maladie de surcharge lysosomale en faveur de la perfusion à domicile.
Pensez-vous que les enfants cancéreux devraient aussi bénéficier de la perfusion à domicile ? La perfusion à domicile a de l'avenir. Sur la base des données scientifiques et de notre expérience, la perfusion à domicile devrait être un choix clair et logique pour nous et pour nos patients afin de mieux gérer et prendre en charge certaines maladies chroniques, comme le cancer ou les déficits immunitaires en général.