Vendredi. Alger-centre. Des fourgons blindés, des véhicules 4x4 et des camions chasse-neige sont stationnés le long de la Rue Didouche Mourad. Le dispositif policier s'étend du parc de la Liberté (ex des Galants), sur les hauteurs du quartier du Sacré Cœur, jusqu'à Khelifa Boukhalfa, où un véhicule de la BMPJ (brigade mobile de la police judiciaire) bloque carrément l'accès à la bouche de métro se trouvant en face du Cinéma l'Algéria. La prière hebdomadaire, autorisée ce vendredi 06 novembre, pour la première fois depuis le début confinement, a commencé. Les commerces ont baissé rideau depuis un moment déjà, redoutant quelque débordement. Les véhicules de passage sont rares, et les piétons encore moins nombreux. L'atmosphère est lourde et étouffante. Les différentes ruelles connectant la mosquée Rahma à la rue Didouche Mourad, d'où s'ébranlaient d'ordinaire les marches anti-pouvoir, plus d'une année durant, sont quasi-occupées par des agents de police. Mais c'est surtout le boulevard Victor Hugo qui est placé sous haute surveillance. Chaque passant est contrôlé. Chaque mouvement est suspecté. Un couple qui s'accorde visiblement un moment de répit sur un banc public, à proximité de la librairie Les Mots, est immédiatement interpellé par deux policiers. Après vérification d'identité, il lui est ordonné sèchement de quitter les lieux. «Mais nous avons beaucoup marché et nous sommes fatigués. Nous souhaitons seulement reprendre notre souffle. Nous ne sommes pas là pour le hirak...», tente de convaincre le jeune homme. Peine perdue puisque l'un des deux policiers somme les deux «suspects» d'aller plutôt se reposer... loin d'ici. Un autre jeune homme assis sur un banc à côté, est contrôlé à son tour. Il n'a pas ses papiers d'identité sur lui et se contente d'expliquer au même deux policiers qu'il habite à Aïn Benian, dans la banlieue ouest d'Alger. Moins de cinq minutes après, il est conduit au commissariat du 6e arrondissement. Du côté de la Place des martyrs, les véhicules policiers sont moins présents mais les agents en civil sont en surnombre comparé à l'ex-Rue Michelet. Une dizaine d'individus qui viennent de poser leurs tapis à l'extérieur de Djamaa El Kebir, sont aussitôt chassés par les agents de l'ordre. La mosquée affiche complet, les portes sont carrément fermées et la police veille à ce qu'il n'y ait pas de prolongement de prière collective dans la rue. La prière achevée, les fidèles quittent illico les lieux, individuellement ou par deux personnes au maximum. Aucun regroupement n'est toléré autour de la mosquée, et certains forcent même le pas pour ne pas s'attirer des ennuis. «Tout le monde est reparti dans le calme», lance, soulagé, un officier de police sur son talkiewalkie. Ce n'est pas pour autant que les forces de l'ordre ont levé le camp. Mehdi Mehenni