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"L'autisme reste totalement incompris dans notre société"
Pr Asma Rehab Oussedik. Chef du service pédopsychiatrie de l'hôpital Drid-Hocine
Publié dans Liberté le 15 - 11 - 2020

L'autisme demeure un trouble méconnu en Algérie. Beaucoup ne comprennent pas son origine, son impact sur l'enfant ou sur la vie de famille. Dans cet entretien, Asma Rehab Oussedik, pédopsychiatre, apporte des explications sur ce trouble qui fait souvent peur en milieu social. La pédopsychiatrie, jeune spécialité en Algérie, prend en charge l'autisme mais beaucoup reste encore à faire pour parvenir à une politique sanitaire globale dédiée à l'autisme en Algérie.
Liberté : De plus en plus d'enfants sont diagnostiqués autistes en Algérie. Comment expliquez-vous cette augmentation ?
Asma Rehab Oussedik : Nous observons en effet une augmentation du nombre de cas d'enfants présentant le trouble du spectre de l'autisme en Algérie. Nous recevons de plus en plus d'enfants présentant ce trouble au service de pédopsychiatrie de l'EHS Drid-Hocine, à Alger.
Nous n'avons malheureusement pas d'études sérieuses sur le terrain qui permettent de déterminer avec exactitude l'évolution épidémiologique de l'autisme chez nous mais ce qui est certain, l'autisme est une réalité qui fait partie de notre société, comme c'est le cas partout ailleurs.
La courbe est croissante dans le monde entier. En Amérique du Nord, aux Etats-Unis et au Canada notamment, on parle d'un enfant autiste sur 60. En l'absence d'enquête épidémiologique en Algérie, pour de multiples raisons (manque de moyens, de personnel ...), nous nous référons aux chiffres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui établit une moyenne d'un cas sur 150 (1/150). Comment expliquer cette augmentation ? Jusqu'à un passé récent, beaucoup de parents ignoraient que leurs enfants étaient autistes.
Aujourd'hui ils sont de plus en plus nombreux à se soucier de la santé mentale de leurs enfants. Les nouvelles technologies et les médias ont permis également une plus grande sensibilisation autour des troubles du neuro-développement des enfants. Les parents sont par conséquent mieux avertis et vont consulter précocement.
Cela d'une part. Il faut savoir, d'autre part, que depuis la découverte de l'autisme, en 1943, les classifications concernant ce trouble ont beaucoup évolué et se sont élargies à des formes qu'on n'aurait pas qualifiées d'autisme dans le temps.
Forcément, avec l'étendue de ces formes cliniques, le nombre de cas augmente aussi. On est passé de 1 à 4 enfants sur 10 000, il y a une trentaine d'années, à 1 sur 150, aujourd'hui au niveau mondial.
Il y aurait une troisième raison que la science explore en ce moment et qui expliquerait cette prévalence par des facteurs extérieurs , environnementaux notamment : la toxicité dans l'air, dans divers produits, dans l'alimentation, serait un des facteurs qui provoqueraient l'augmentation des cas d'autisme. Notez le conditionnel. La recherche, encore une fois, est en train d'explorer ces pistes.
Il y a une grande méconnaissance autour de ce trouble. Qu'est-ce que l'autisme ?
L'autisme est un trouble neuro-développemental qui touche de très jeunes enfants. On naît autiste. L'enfant vient au monde avec un désordre neurologique qui va se traduire plus tard par un trouble qui va impacter toutes les sphères de ses compétences et l'accompagner tout au long de sa vie : la vie affective, familiale, sociale, la communication avec le monde extérieur, le rapport aux objets, aux personnes, le langage seront gravement touchés. Cela aboutit à un handicap majeur qui compromet le devenir citoyen de l'enfant qui perd son autonomie.
Quel est l'impact de l'autisme sur les parents et la vie de famille ?
On fait des enfants avec un idéal de les voir grandir et porter nos propres rêves. Quand l'enfant est diagnostiqué autiste, l'impact sur les parents est violent. La nouvelle est insupportable. Pourquoi nous ? se demandent souvent les parents.
La vie de famille bascule dans un véritable désarroi. C'est tout le quotidien des parents qui s'en trouve altéré. La souffrance s'installe dans le foyer familial. Nous observons souvent un repliement chez ces familles. Des parents abandonnent leur travail pour se consacrer à l'enfant autiste qui nécessite une assistance à plein temps.
Les parents se renvoient parfois la responsabilité et les couples sont dans certains cas brisés. Les mamans portent particulièrement un lourd fardeau. Elles sont montrées du doigt et incriminées à tort. Il faut rappeler à ce propos qu'elles n'en sont en rien responsables.
Comment la société perçoit-elle ce trouble ?
Le regard de la société est souvent discriminatoire, réducteur, dévalorisant et réprobateur. L'incompréhension de ce trouble est encore totale en milieu populaire, parfois tabou. Il y a un grand malentendu. Et les parents, peu sensibilisés et désorientés, vont parfois chercher la guérison chez des charlatans de tous acabits et des "raquis" qui ne font que rajouter aux souffrances de l'enfant autiste.
Nous avons reçu, dans notre service, un enfant présentant des brûlures du troisième degré sur la plante des pieds. Quand on a demandé aux parents l'origine de ces brûlures, ils nous ont appris que c'est un "guérisseur" qui l'a fait marcher sur de la braise. Insoutenable !
Encore une fois, il faut une vulgarisation de masse sur l'autisme en Algérie. Le rôle des médias, particulièrement sur cette question, est extrêmement important. C'est de la responsabilité de tous. Il y va de la santé de nos enfants. Personne n'est à l'abri. Cela touche toutes les catégories sociales.
Comment se fait la prise en charge ?
Un bond qualitatif en termes de formation du personnel dédié aux enfants autistes a été fait depuis quelques années. Nous disposons aujourd'hui de deux services de pédopsychiatrie à Alger, un à Blida, un à Constantine, un à Sétif, un à Annaba et un autre à Oran. Plusieurs autres services sont en voie de devenir fonctionnels.
Je rappelle que cette spécialité n'a été ouverte en Algérie qu'en 2013 et nous formons aujourd'hui un personnel qualifié dans cette discipline. Des efforts ont été donc faits mais le manque demeure encore très important. La première promotion de pédopsychiatres n'est sortie qu'en 2017. A l'intérieur du pays, le personnel dédié à la prise en charge de ce trouble est quasi inexistant.
De même qu'il n'y aucune structure adaptée au suivi des enfants autistes dans ces régions. Autour des enfants, ce sont des équipes pluridisciplinaires qui doivent travailler à l'unisson à l'élaboration et à la réalisation d'un programme individuel "sur mesure" pour chaque enfant avec autisme, d'où la nécessité de la formation de l'ensemble des équipes (pédopsychiatres, psychologues, psychomotriciens, ergothérapeutes, orthophonistes, éducateurs...)
Nous avons également de grandes difficultés de dépistage de l'autisme, de diagnostic et enfin de prise en charge. Face à cette urgence, le ministère de la Santé a mis en place un programme de formation du personnel de première ligne, c'est-à-dire médecins généralistes, pédiatres, sages-femmes et puéricultrices pour détecter les troubles de l'autisme précocement, mais cela reste insuffisant.
Il n'existe donc à ce jour aucune politique sanitaire dédiée à l'autisme ?
On est en train d'y travailler. Un plan autisme est en train d'être mis en place par le ministère de la Santé, qui comprend trois grands axes : dépistage, diagnostic et prise en charge. C'est un travail de fond et de longue haleine. Un plan global nécessite l'implication de tous.
C'est une mission à laquelle plusieurs départements ministériels doivent participer. En plus des ministères de la Santé et de la Solidarité, il faut le concours des départements de l'éducation nationale, de l'Enseignement supérieur, de la Communication, de la Jeunesse et de l'Intérieur. Les choses se font graduellement.
Comment doit se faire l'insertion des autistes en milieu scolaire ?
Dans les pays développés, les enfants avec autisme sont totalement intégrés dans le milieu scolaire avec un suivi particulier. C'est systématique. L'Algérie a ratifié les droits de l'enfant à la scolarité. Il y a des arrêtés et des décrets prévoyant et obligeant la scolarisation des enfants autistes.
Le problème qui se pose est le suivant : tous les enfants autistes ne sont pas scolarisables en milieu ordinaire et un important travail doit se faire en amont dès le diagnostic précoce afin de préparer ces enfants à la scolarité. Oui à la scolarité des enfants avec autisme, à condition que ça leur soit profitable et qu'ils soient heureux à l'école.
Cette scolarité nécessite un accompagnement spécifique par des auxiliaires de vie scolaire, la formation du personnel enseignant, la mise en place d'un programme pédagogique spécialisé et des structures scolaires adaptées. Pour l'instant, ce qui n'est pas encore le cas dans notre pays. Tout est encore à faire. Je reste optimiste mais il faut beaucoup de volonté et d'application pour atteindre ce niveau.

Entretien réalisé par : KARIM BENAMAR


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