Dans la continuité du mouvement populaire, plusieurs manifestations ont eu lieu, hier, à l'occasion du 8 Mars pour réaffirmer les droits des femmes à l'émancipation. Avant 14h, heure programmée pour le coup d'envoi de la marche, un premier cortège de manifestantes s'ébranle de la place Audin en direction de la Grande-Poste. Les policiers, qui quadrillent le parcours, n'entravent pas la progression de la foule. Des hommes renforcent les rangs de leurs concitoyennes insurgées. Ils reprennent ensemble les slogans traditionnels du mouvement citoyen, dont l'incontournable "Dawla madania Machi âaskaria" (Etat civil et non militaire). Pendant presque une demi-heure, les militantes des droits des femmes ne donnent pas de la voix, noyées dans la masse de plus en plus étoffée. Elles se regroupent, se distancient et crient enfin à tue-tête leurs revendications égalitaires : "Ô Hassiba (Benbouali martyr de la guerre d'indépendance, ndlr), tes enfants ne renonceront pas à la liberté !" ; "Assa azekka, thamettuth thella thella" (Aujourd'hui et demain, la femme sera toujours là) , "Egalité des droits, abrogation du code de la famille" ; "Ô femmes réagissez ! Vos sœurs sont assassinées !". Sur une large bannière, des portraits de victimes du terrorisme (Nabila Djahnine, Drici...) côtoient ceux des féminicides (Chaïma, Kenza, Imane...). Plusieurs mobiles, des circonstances différentes, une seule tragédie. "L'arme universelle de la domination masculine, c'est-à-dire la violence sous ses différentes formes, est exercée à outrance. Nous la constations. La bataille des droits des femmes et de l'égalité est loin d'être gagnée", nous déclare Fadila Chitour-Boumendjel. Elle rapporte l'incident qu'elle venait de vivre avec un groupe de militantes. "Des hommes ont tenté de nous arracher des bras une banderole sur laquelle il est écrit : ‘Egalité des droits entre les hommes et les femmes en français et en arabe'." Désabusée, elle souligne que les femmes "sont tolérées et même mises en avant comme un bouclier pacifique tant qu'elles défendent les revendications du Hirak en général. Dès qu'il s'agit de parler de l'abrogation du code de la famille et des droits, rien ne bouge". Amina, féministe, relativise : "On nous dit souvent que ce n'est pas le moment de se battre pour les droits des femmes. Aujourd'hui, nous sommes sorties pour ça, même si rien n'empêche de crier : ‘Système dégage !' Nos slogans ont été repris par la foule." Yasmine Terki, architecte, positive : "La cause est juste. Elle aboutira un jour ou l'autre." Sous les clameurs "Mazalna, mazalna thouar" (Nous demeurons révolutionnaires), l'avocate et ex-députée RCD, Fetta Sadat, exprime une détermination à "affirmer la mobilisation et le combat pour un Etat de droit et pour l'égalité homme-femme", bien que le chemin soit parsemé d'embûches. À 16h, les manifestants tentent de forcer le cordon sécuritaire qui leur barre la voie vers la rue Didouche-Mourad. Mais ils sont repoussés. Ils se dispersent, une heure plus tard, dans le calme. Souhila Hammadi