Le maillage de tous les points stratégiques indiquait un dessein manifeste de passer à l'acte au moindre mouvement suspect des hirakistes. C'est la première fois, depuis le 22 Février 2019, que la marche populaire du vendredi à Constantine a été empêchée. Pour être dissuasif, un dispositif policier digne d'un siège en règle de la Ville des Ponts a été mis en place dès la matinée. Il n'en fallait pas plus pour que s'ensuivent des interpellations de dizaines de personnes, des fouilles systématiques et des examens de situation, de manière abusives parfois, dès l'approche de l'heure habituelle pour les rassemblements d'avant la marche. C'est à partir de 13h, à la fin de la prière du vendredi qui donne comme de tradition le "la" à la marche hebdomadaire dans cette ville. Les sorties des mosquées sont particulièrement sous haute surveillance. Situation prévisible puisque la mécanique mise en place quelques heures plus tôt, renseignait, on ne peut mieux, déjà, sur la volonté des membres du service d'ordre d'en découdre cette fois avec les manifestants potentiels qui se hasarderaient à emprunter l'itinéraire traditionnel de la marche d'autant plus que dans une ville comme Constantine, les activistes inconditionnels du Hirak sont bien connus des services de sécurité. Le maillage de tous les points stratégiques de la cité par des policiers, inhabituellement munis de matraques interpellait, en effet sur un dessein manifeste de passer à l'acte au moindre mouvement suspect des hirakistes. En témoigne, le quadrillage imperméable de la place jouxtant le palais de la culture Mohamed El-Aïd-El-Khalifa, connue comme le lieu de prédilection des rassemblements et de départ de toutes les marches depuis le début du Hirak. Toutes les issues et rues menant à cette place mythique de la contestation populaire étaient mises sous haute surveillance. Les fourgons cellulaires y pullulaient et la présence en force des agents de l'ordre scrutant les passants amplifiait les appréhensions suscitées par ce déploiement exceptionnel. L'information relayée aussitôt sur les réseaux sociaux avait dissuadé beaucoup d'activistes habitant les quartiers éloignés du centre-ville et qui avaient l'habitude de rejoindre la marche à partir de 14 heures. Pourtant, depuis le 22 Février 2019, les marches du Hirak à Constantine n'ont quasiment pas donné lieu à des heurts notables entre manifestants et policiers. Même les interdictions récentes des marches des étudiants, le mardi, n'ont pas connu de heurts n'étaient quelques arrestations pour attroupement de manifestants qui ont été à chaque fois relâchés dans la même journée. Adossé à un arbre à une cinquantaine de mètres du dispositif policier, Nadjib, commerçant de son état et non moins un fidèle du Hirak à Constantine, commente le spectacle : "Nous sommes face à un pouvoir qui ne retient pas les leçons de l'histoire. Ce n'est pas en réduisant le champ des libertés et en muselant la parole qu'il peut se perpétuer. Ils veulent nous étouffer en adoptant la politique du tout sécuritaire comme s'il s'agissait de combattre des hordes terroristes mais cela ne fait que renforcer la détermination du peuple d'en finir avec tous ses symboles. En une phrase, le Hirak se réappropriera tôt ou tard sa victoire sur le bouteflikisme. Elle ne saurait échoir aux mains de ses résidus et des figures qui étaient de tout temps à sa solde."