Pour Fatima-Zohra Sebaâ-Delladj, psychologue à l'Université d'Oran, la douleur provoquée par la perte de l'être cher est accentuée par l'impossibilité de l'accompagner à sa dernière demeure. "Nos pratiques, nos usages, nos coutumes, tout sera reconsidéré, revu à la lumière de cette situation sanitaire terriblement anxiogène", estime Fatima-Zohra Sebaâ-Delladj, psychologue à l'Université d'Oran. Pour de très nombreuses familles frappées par la Covid-19, la douleur provoquée par la perte de l'être cher est accentuée par l'impossibilité de l'accompagner à sa dernière demeure et l'obligation d'affronter ce malheur, seules, sans le soutien "physique" des proches et amis. Une situation exceptionnelle qui complique le deuil, selon Fatima-Zohra Sebâa-Delladj, psychologue à l'Université Oran 2. "Le travail de deuil est très difficile à faire dans ces conditions et en l'absence des siens ne pouvant partager les derniers moments du malade", confirme-t-elle à Liberté en soulignant que la situation est aggravée par un fort sentiment de culpabilité chez certains familles qui se reprochent de "ne pas avoir trouvé au disparu une place à l'hôpital ou une bouteille d'oxygène". Certaines familles se renvoient même la responsabilité du décès (Pourquoi l'as-tu emmené chez toi ? Pourquoi avoir assisté à tel rassemblement familial ?...), ce qui entraîne souvent des conflits. "Nous avons malheureusement assisté à ce genre de déchirement au sein des familles et cela engendre des conflits qu'il faudra apaiser et dont il faudra analyser les retombées sur les liens familiaux", remarque Fatima-Zohra Sebaâ-Delladj en préconisant, pour ces familles et pour la société de manière générale, de penser à des formes de soutien symbolique pour faire le deuil. "En cela, les réseaux sociaux peuvent jouer un rôle fondamental", ajoute-t-elle. "Parler pour éviter le pire" La psychologue soutient également que la situation actuelle va considérablement impacter le quotidien des Algériens. "Nos pratiques, nos usages, nos coutumes, tout va être reconsidéré, revu à la lumière de cette situation sanitaire terriblement anxiogène", dit-elle en soulignant que l'impact psychologique sur les personnes dépendra de leurs forces et de leurs faiblesses. Pour affronter les conséquences de la pandémie sur l'état mental, il faudra, dit-elle, multiplier les cellules d'écoute, mais aussi permettre aux Algériens d'exprimer leurs douleurs et leurs angoisses dans les médias, notamment à travers des émissions de radios de proximité : "(...) Les personnes pourraient échanger, déstresser et surtout verbaliser (ce qui) pourrait apporter un soutien efficace aux plus fragiles d'entre nous", assure-t-elle, en affirmant que l'angoisse de la mort, qui empêche l'individu de réfléchir sereinement et d'avancer, doit "être vite diagnostiquée pour éviter des dépressions plus graves". Dans un précédent entretien, Mme Sebaâ-Delladj avait déjà indiqué qu'il existait différents moyens d'assister les familles frappées par la pandémie de coronavirus, notamment l'installation de cellules d'écoute et d'orientation dans toutes les structures de soins, mais aussi dans les maisons de jeunes et auprès du mouvement associatif. Elle avait également préconisé la mise en place d'un lieu de recueillement (en respectant les gestes barrières) pour que "les familles puissent une dernière fois dire au revoir à leur parent décédé à l'hôpital". Pour la psychologue, il est, toutefois, encore trop tôt pour évaluer l'impact psychologique engendré par le coronavirus sur les populations. "Cela peut prendre des années avant que les répercussions sur le plan de la santé mentale ne soient vraiment connues et analysées", a-t-elle prévenu. S. Ould Ali