Aujourd'hui âgé de plus de quatre-vingts ans, le moudjahid revient sur son parcours "à travers un passionnant récit d'aventures, dans lequel le tragique des situations n'a pas peur de se mêler à la plaisanterie, à la malice ou à la dérision". Le combattant Tayeb Amrouche vient de publier aux éditions Necib un témoignage sur la période de son engagement pour la cause nationale sous le titre De Barberousse aux casemates du maquis. Ce natif d'Alger en 1939 n'a que dix-sept ans lorsqu'il rejoint les moudjahidine et active dans les réseaux clandestins jusqu'à son arrestation et sa condamnation à trente-six mois de prison à Serkadji (Barberousse). Aujourd'hui âgé de plus de quatre-vingts ans, le temps est venu, comme l'explique l'éditeur dans sa préface, de revenir sur son parcours "à travers un passionnant récit d'aventures, dans lequel le tragique des situations n'a pas peur de se mêler à la plaisanterie, à la malice ou à la dérision". Par humilité et modestie, Amrouche retardera la publication de ses mémoires de guerre, dont l'idée germe pourtant depuis vingt ans, "au cours d'un séjour dans les thermes de Hammam Melouane", écrit l'éditeur. Un engagement précoce Au départ, l'engagement du jeune Tayeb est mû par l'arrivée de soldats à peine plus âgés que lui, venus non pas défendre la paix et le bien-être de tout le monde, "mais pour protéger la vie des Européens et sauvegarder leurs intérêts, au détriment des autochtones asservis que nous étions". Plus tard, c'est une discussion entre quatre moudjahidine qui finit par concrétiser son souhait de rejoindre les rangs de la résistance : "Perché sur un arbre (...) j'ai pu ainsi entendre ce qu'ils se disaient." Et d'ajouter : "Lorsque, essayant de distraire mon attention sur ce que j'ai entendu, je leur fis carrément du chantage. C'est-à-dire de deux choses l'une, soit me faire travailler avec eux, ou bien alors j'irai dire ailleurs ce que j'ai surpris comme discussion." Sa première mission sera d'être un agent de liaison, dont les missions consistaient à transporter du courrier et de l'argent destinés aux familles de militants dans le besoin ou ayant des membres emprisonnés, sous l'égide du moudjahid Henni Saïd. Plus tard, ce dernier lui confie la mission d'héberger les résistants qu'étaient Hocine Hamia, Noureddine Abdeslami et les frères Khelifa Boukhalfa et Chicha Ahmed. Des mois de torture sous la main des Français En 1957, après l'attentat contre les gendarmes français effectué par les frères Boukhalfa, ils sont arrêtés et conduits à la caserne de Belfort d'El-Harrach. L'interrogatoire ne se fera pas, évidemment dans l'esprit du colonisateur, sans son lot d'insultes et de tortures physique et psychologique. Après de longs mois de torture, ils sont transférés à Serkadji, raconte Amrouche. Parce qu'il était encore mineur, il sera libéré sous condition. Proposition qu'il accepte sans perdre de vue son autre objectif, rejoindre le maquis dès qu'il franchira le pas dehors. Dans le maquis de la Zone 1 de la wilaya IV, il monte une petite infirmerie pour soigner les combattants. "Un savoir-faire appris dans la prison de Barberousse, à l'infirmerie, dans laquelle Sedjane M'hamed, infirmier professionnel, était détenu avec moi", se remémore l'auteur. Ce dernier ne manque pas de revenir par ailleurs sur l'épisode de l'"abus de pouvoir" qu'aurait subi un autre moudjahid, Ali Djemâa. Le combattant était "un homme honnête et brave sur tous les plans, dont personne ne doutait de son dévouement pour la cause, en un mot un combattant exemplaire", poursuit Amrouche. "Il fut condamné à mort par le chef de région et ses complices pour une raison que Si Abdelkader voulait occulter, et qui était que Si Ali Djemâa était au courant des relations qu'il entretenait avec certaines femmes", écrit Tayeb Amrouche. "Djemâa sera fusillé, alors qu'il faisait sa prière du maghreb", poursuit l'auteur. Le jeune Amrouche établit un plan pour, selon ses propres termes, "punir les responsables", qui seront découverts par les Français, alors que lui et son agent de liaison avaient pris soin de quitté la zone au préalable. Un épisode qui restera gravé dans sa mémoire. En guise d'épilogue, Amrouche estime que "les générations d'aujourd'hui et celles du futur ont le droit et le devoir de connaître l'histoire de leur pays. Ce qui s'est déroulé dans le passé le plus lointain, comme dans le plus récent".
Yasmine Azzouz De Barberousse aux casemates du maquis de Tayeb Amrouche, éditions Necib, 116 pages, 2021.