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Témoignage Ath SmaIl dans la guerre
Contribution
Publié dans Liberté le 11 - 12 - 2021


Par : M'hamed Lakrimi
Enseignant à l'université d'Oxford
Les gens d'Ath Smaïl étaient prêts pour un soulèvement prévu à l'aube du 8 Mai 1945, mais les directives d'Alger furent : "Attendez les instructions avant d'entrer en action." Et six heures plus tard, le massacre de 45 000 Algériens.
La guerre pour l'indépendance de l'Algérie continue de faire couler beaucoup d'encre. Cette contribution s'inspire des témoignages recueillis sur la guerre d'Algérie en 2007 dans la région d'Ath Smaïl, au sud-ouest de la wilaya de Tizi Ouzou où plusieurs camps militaires français furent installés. La région a été le théâtre de plusieurs batailles et embuscades. L'ennemi n'a lésiné sur aucun moyen : fusils, chars, artillerie, tireurs d'élite, hélicoptères "bananes", avions mouchards, tortures, exécutions publiques, assassinats, disparitions, destruction intégrale de villages à la dynamite de plusieurs maisons pour créer des no man's land, incendies de récoltes, soumission des habitants à un régime des plus stricts : cours de sensibilisation contre les moudjahidine et avantages de la colonisation.
Il y a eu, à Ath Smaïl, l'organisation de ses citoyens tant en France qu'en Algérie, l'affaire des Imenfiyene, les accrochages entre messalistes et partisans de Krim Belkacem, le rôle prépondérant de la femme, le lien avec la Bataille d'Alger, le manque de fusils et de munitions, sans compter l'honneur de la présence des chefs historiques tels que Krim Belkacem, Amar Ouamrane, Amirouche, etc. Ses valeureux combattants ont connu les prisons en France et en Algérie où ils ont côtoyé des personnalités dont de futurs ministres. Ses guerriers ont adopté l'attitude du : "Vaut mieux mourir debout, en héros, plutôt que de lever les mains et subir l'opprobre pour le restant de leur vie." Le village Tizi Medene a donné naissance au lieutenant Mitiche Mohamed-Arav, dit Moh n'Djerdjer, un héros national. C'est lui qui a capturé vivant le capitaine Grazziani, le sinistre tortionnaire de nombreuses femmes algériennes dont Louisette Ighil Ahriz, lors de la bataille au corps à corps du 6 janvier 1959 à Aït Yahia Moussa. Le 12 mai 1960, il tombe les armes à la main à Ichiouache. Son frère Arav a inscrit sur sa tombe l'épitaphe suivante : "Tu serviras d'exemple tant qu'il y aura des hommes qui croiront en l'honneur et à la patrie."
Les gens d'Ath Smaïl étaient prêts pour un soulèvement prévu à l'aube du 8 Mai 1945, mais les directives d'Alger furent : "Attendez les instructions avant d'entrer en action." Et six heures plus tard, le massacre de 45 000 Algériens. Hemani Si Moh-Saïd était recherché par l'ennemi de 1945 à 1947. L'Arch avait joué un plein rôle tant en Algérie que dans la Fédération de France. Guirad Rabah a témoigné qu'il a été "nommé en 1956 collecteur de fonds à Meudon en France. Larbi Moh Saïd ou Bélaïd était chargé de centraliser le produit des collectes". Lounis Saïd Ben Ahmed témoigne avoir été en France de 1955 à juin 1957 sous la responsabilité d'Akli Belkacem et de Lakrimi Arezki n'M'hamed ou Rabah.
Rôle des femmes
Bouzoula a été isolé par l'armée française et placé sous surveillance. Les femmes entrèrent en scène en activant dans un réseau de liaison avec les moudjahidine favorisant des refuges au sein même du périmètre soi-disant sécurisé.
Ce scénario s'est répété à L'merdja qui, en 1959, devient un centre de regroupement de réfugiés. L'ennemi instaure une discipline de fer dans un circuit fermé, à entrée et sortie contrôlées, sous la surveillance de vigiles et un couvre-feu pour couper tout contact entre les moudjahidine et leurs familles. C'est à partir de cette pression qu'émergent des héroïnes qui s'organisèrent en réseau pour maintenir un contact jusqu'au cessez-le-feu avec les moudjahidine, assurer un ravitaillement et raviver un réseau d'informations. Il s'agit de Hadj Ali Roza dite Roza Moussa, une militante exceptionnelle, de Boumrah Saadia d'Amezaourou, de Ouardia n'Zamoum, de Lounis Hedjila n'Ahmed ou Lounis et de Benkaroun Fatima Rabah. Roza Moussa a été le dernier chef de front de L'merdja.
À Ibouhatène, quand le chef de front, Souici Belaïd tomba au champ d'honneur en 1960, il fut remplacé par Bouha Tassadit-Amrane dite Tassaa Amrane jusqu'à son arrestation. C'est Belarbi Ouardia dite Thamendasth qui a pris sa place.
Suite à l'arrestation et à l'exécution de mon grand-père, les nouvelles cheffes de front furent Beladjel Tassadit et ma grand-mère Haddadi Ouardia n'Ali pour les villages de Tizi El-Had et de Chebaba de 1959 à 1962. Ouardia n'Ali qui a aussi été responsable des moussebiline pour Tizi El-Had de 1958 à 1962, cumulait aussi ce rôle pour le village de Chebaba avec Tassaa Amrane de 1958 à 1962.
L'innovation dans la confection des abris
Azaghar ouest est une plaine nue et découverte, une étendue de terres cultivées par des fellahs. Néanmoins, il constituait une zone de repos pour les moudjahidine de 1956 à 1959. Selon Mouloud Béchar, "plus de sept cents quintaux de diverses denrées ont été distribuées depuis Azaghar entre 1957 et 1958. Considérant que l'ennemi ne songerait jamais à un regroupement de compagnie entière dans un terrain découvert, à proximité d'un poste de commandement d'un bataillon français à Boghni et surtout à quelques encablures de la SAS d'Aïn Zaouïa, réputée pour la férocité de ses officiers et de ses harkis spécialistes de tortures inhumaines et de stratégies psychologiques pour arracher des renseignements". Toutes les fermes ont servi de refuges et de lieux d'hébergement et de restauration pour les moudjahidine. À Ikhelfounène, un abri avait été construit dans un champ appartenant à Touah Arezki.
Un tronc d'arbre indiquait l'entrée de l'abri Alma Dhoghrane à Amezaourou. À Bou-Nouh, il y avait le puits creusé par Aïcha Moh ou Kaci, la sœur d'Aïssat Rabah, et la demeure des pères blancs. Le père Talouet, depuis son entrevue avec le colonel Amirouche, a hébergé à maintes reprises des moudjahidine. Dans la maison de Hadj-Ali Mouloud à Aourir, l'abri était sous le kanoun. On rapporte qu' "alors que les militaires français étaient présents, à diverses reprises, à l'intérieur même de la maison, les moudjahidine se trouvaient dans l'abri camouflé sous le kanoun sur lequel était déposée une marmite".
Encore dans une plaine à découvert, mon père a confectionné un refuge souterrain. Il érigea une longue murette dans laquelle il a aménagé une porte d'accès : il fallait juste retirer quelques pierres pour y entrer et les replacer quand on était à l'intérieur.
Mouloud Béchar raconte que "le refuge de Saïdj Dahmane était à un mètre du poste de commandement de l'armée française. L'ennemi suspectait la présence d'un refuge à proximité, il a même fait intervenir à maintes reprises des chiens pour le localiser. En vain."
Un abri a même été conçu dans un cimetière, par mesure stratégique.
Casser des pierres par des pierres
Certains prisonniers d'Ath Smaïl connurent les prisons de Berrouaghia, de Boghar, de Sarkadji, de Tigzirt-sur-Mer, etc. Selon Mouloud Chahmi, à Boghar "grouillaient plus de quatre cents prisonniers toutes tendances confondues. Un climat de suspicion régnait en maître sous le contrôle de l'ennemi qui y avait inséré quelques éléments 'taupes' lesquels géraient le moindre renseignement". À Boghar et à Tigzirt-sur-Mer, "les prisonniers de guerre cassaient des pierres avec des pierres, sans masse ni massue, bousculés par des geôliers sans pitié, utilisant le bâton et le fouet à longueur de journée". À Tigzirt-sur-Mer, mon père brisa, d'un seul coup de pelle, le cou du berger allemand, un chien que les militaires lançaient sur les prisonniers.
Mon père, Lakrimi Belkacem, dit Mohd Amokrane, assurait les liaisons même au-delà de la région de Boghni. Il a délivré maintes missions et a même marché jusqu'à Alger à pied à travers buissons, forêts et rivières. Il a été surnommé l'hélicoptère pour la raison de sa rapidité de délivrer les liaisons avec une vitesse époustouflante. Il a été arrêté le 16 novembre 1958. Ses tortionnaires ont mis sa tête dans un étau et ont serré jusqu'à ce que son crâne développe une fracture. Suite aux séances de torture prolongées, des asticots grouillaient dans sa bouche et ses deux pouces. Il fut donné pour mort, mais mon père était un coriace avec des convictions inébranlables ! Les prisonniers retiraient les asticots un à un, imbibaient des boules de coton d'eau ou de bouillon et les pressaient au-dessus de sa bouche pour l'alimenter au goutte-à-goutte. Mon père décéda le 16 novembre 2016, une date coïncidant avec celle de son arrestation fatidique. Son émouvante oraison funèbre a été lue par le moudjahed Mouloud Chahmi.
Le jour de son arrestation, à quatre heures du matin, mon grand-père, Lakrimi Arezki n'M'hamed ou Rabah a été torturé dans sa maison. Ma mère se souvient toujours de ses gémissements. Pour contenir sa douleur, il n'a pas cessé de reciter la chahada. Il fut d'abord pris à la prison de Tilmouts. Comme exaction, toute la famille a été expulsée de la maison, sans lui accorder aucun moment pour prendre des affaires essentielles. Mon arrière-grand-mère, L'Djouhar Mohd ou Idir, une femme extraordinaire, prit le reste de la famille dans son village natal d'Ibouhatene. Au moment de le transférer à Azoumbi en avril 1959, pour son exécution avec Ali Bouchene et Si Moh Salah Bouzidi, mon grand-père s'est adressé aux prisonniers pour leur dire : "Ilikun d irgazen - soyez des hommes !" En avril 1959, ils furent pris à deux heures du matin pour être exécutés. Ma lettre au président Macron en mai 2021 pour nous révéler le lieu des dépouilles pour faire notre deuil est demeurée sans suite.
Mohamed Chahmi, dit Mouloud, témoigna qu'"à Boghni, la torture consistait en la plongée forcée de mes pieds dans de l'eau bouillante jusqu'à la disparition de la peau. Ensuite, après les avoir retirés, on les posa brutalemnt sur une plaque en fer pour attiser la douleur. Cette atrocité dura treize jours consécutifs et ma mort fut programmée au quatorzième jour". L'ennemi plaça des plaques chauffées sur le ventre de mon père. Mouloud Béchar raconte : "Les responsables du casernement de Tilmouts procédèrent à l'arrestation de tous les fermiers valides de 15 à 77 ans, sans distinction d'âge. Nous fûmes soumis au même régime de torture : eau savonneuse, électricité, la gégène." Lors du constat de l'attaque du camp militaire de L'merdja en plein jour par les moudjahidine, il était conclu que la concentration de tirs se faisait à partir des maisons les plus rapprochées appartenant aux familles Amrouze. Les occupants de la maison faisant face au camp militaire furent arrêtés et atrocement torturés à Draâ El-Mizan. Hadj-Rabah n'Slimane Amrouze ne survécut pas aux tortures. Quatre maisons appartenant aux Amrouze furent démolies.
Quand Saïd Benamrouze, dit Ahmed n'Amar, tomba au champ d'honneur en 1957 à Tiniri durant la fameuse bataille où El-Hadj avait abattu un avion, son corps fut exposé à la place publique un dimanche à Boghni. Mohd ou Ramdane Benkanoun fut torturé dans la fontaine publique devant la population.
En juillet 1959, lors d'un accrochage, Messaouda Boudjemâa succomba sous les services des fonctionnaires. Tassaa n'Ali Mouhouche fut aussi soumise à un régime de tortures indicibles.
La destruction des villages
Le 24 octobre 1956, la France accorda un délai de trois jours à la population de Helouane pour quitter les lieux. Le village fut bombardé par l'artillerie à partir de Boghni. En avril 1957, le village Ath Telha fut programmé pour une destruction intégrale ; chaque maison eut droit à une charge de dynamite à titre individuel. Le village de Tizi El-Had fut démoli le 12 novembre 1958. Sans avertir la population, l'aviation se joignit à l'artillerie de Boghni pour hâter la destruction en plein jour de toutes les habitations avec leurs occupants à l'intérieur. Le 14 mars 1959, le village Zaârour fut évacué sans préavis. Le village Ath Kanane fut aussi détruit ce jour-là par l'artillerie à partir de Boghni. Aussi, le 14 mars 1959, l'ennemi encercla Thala Khellouf et chaque maison eut droit à une dose de dynamite chacune.
Fin 1959, Baali devint un village fantôme avec l'expulsion forcée de tous les habitants du village. En avril 1960, le village d'Amezaourou fut aussi systématiquement évacué.


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