Les manifestations contestant la mainmise des militaires sur le processus de transition au Soudan continuent de faire des victimes parmi les manifestants, dans un huis clos quasi-total et l'indifférence de la communauté internationale. Pas moins de 71 manifestants ont été tués par les forces de sécurité au Soudan en deux mois et demi, dont 17 depuis début janvier, s'est alarmé hier le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme (UNHCR). "Des statistiques crédibles du Comité central des médecins soudanais montrent que 71 personnes ont été tuées et plus de 2 200 blessées par les forces de sécurité lors des manifestations depuis le coup d'Etat du 25 octobre 2021", a déclaré hier Ravina Shamdasani, porte-parole de l'UNHCR, lors d'un point de presse à Genève (Suisse). "Parmi eux, 17 ont été tués depuis le début de cette année. Rien qu'hier, les forces de sécurité ont brutalement dispersé des manifestants à Khartoum, tuant sept personnes et blessant des dizaines de manifestants à balles réelles", a-t-il ajouté, expliquant que "la situation des droits humains au Soudan continue d'être très préoccupante, avec des manifestants pacifiques tués ou blessés presque quotidiennement par les forces de sécurité, ainsi qu'une répression des détracteurs des autorités et des journalistes indépendants". Selon toujours la même source, pas moins de "25% des blessés ont été directement touchés par des cartouches de gaz lacrymogènes". Les policiers et les militaires déployés sur le terrain poursuivent des manifestants blessés jusque dans les structures de santé où ils sont tabassés avant d'être arrêtés ou laissés sur place, gisant dans leur sang. "Des informations inquiétantes font également état d'agressions contre des travailleurs des établissements de santé", s'inquiète encore l'organisation onusienne, insistant sur le fait qu'"une campagne d'arrestations et de détentions arbitraires contre des manifestants, des journalistes et des travailleurs des médias se poursuit dans le cadre de l'état d'urgence, les forces de sécurité faisant irruption dans les maisons des militants et pénétrant même dans les hôpitaux pour arrêter les manifestants blessés, les empêchant d'accéder aux soins d'urgence". Lors de la manifestation de lundi, sept manifestants ont été tués et des dizaines d'autres blessés, lors d'une nouvelle journée de protestation à Khartoum et dans plusieurs autres villes du pays. Hier, les commerces ont baissé rideau en signe de deuil et de colère contre le pouvoir en place. Des manifestants ont dressé des barricades alors que d'autres continuent d'occuper la rue, ont rapporté les agences de presse. "Magasin fermé pour cause de deuil", proclament des affichettes collées sur les rideaux baissés des échoppes d'Al-Sajane, énorme marché de gros pour les matériaux de construction de Khartoum, totalement à l'arrêt hier. L'un de ses commerçants, Othmane El-Cherif, a été tué par balle lundi, au cours d'une des journées les plus sanglantes depuis le coup d'Etat du général Abdel Fattah Al-Burhane, le 25 octobre. Le 21 novembre, le Premier ministre civil, Abdallah Hamdok, avait accepté de coopérer avec les généraux pour "faire cesser l'effusion de sang". Il a finalement jeté l'éponge début janvier, alors que des manifestants continuaient d'être tués dans la rue. Aujourd'hui, dans un pays sans Parlement, ni gouvernement, ni aucune institution élue, c'est la communauté internationale qui tente de remettre la transition vers la démocratie sur les rails.