“Méfiez-vous des rumeurs !”, a averti la ministre française de l'Intérieur, insinuant probablement que, contrairement à ce qui se dit et ce qui s'écrit en Algérie, les strapontins du projet d'union pour la Méditerranée ne seraient pas encore répartis. Ce sont pourtant les deux partenaires politiques qui affichent une volonté réciproque de faire un événement de chaque visite. La presse se croit alors en devoir de “couvrir” ces moments du feuilleton de “la refondation” des rapports algéro-français et du “partenariat d'exception” en construction, malgré une relation qui patine, quand elle ne dérape pas. Ce n'est pas un accord de contribution à la formation de nos sapeurs-pompiers d'un montant de 2 millions de dollars, qui va compenser l'impasse évidente qui contredit les précieuse formules qui perlent les rencontres diplomatiques. Depuis la visite de Sarkozy, on assiste à la signature de petits contrats qui se compensent mutuellement et qui sont sans rapport avec les prétentions du discours. La démarche établit la banalité de cette coopération de troc. Juste ce qu'il faut peut-être pour ne pas avoir à assumer, des deux côtés, l'incapacité à hisser ces rapports au niveau des magiques formules qui l'entourent ! La rumeur que nous colportons n'a peut-être rien de fondé. Mais, vos discours non plus ! Sinon, on l'aurait constaté de 2003 à 2007, quand il était question, Madame l'ex-ministre de la Défense, de traité d'amitié et de “partenariat stratégique en matière de défense” que vous évoquâtes lors de votre visite de juillet 2004 en Algérie. Quatre ans plus tard, on ne voit pas beaucoup de signes de concrétisation. Au verbe magique et velléitaire des officiels ne peut donc répondre que l'effort conjectural des journalistes. Vous voulez faire d'une navigation à vue un processus de rapprochement ; on répond à votre attente par une spéculation qui table sur les matériaux, si peu crédibles en effet, dont on dispose. La panne est politique, c'est vrai. Mais ce sont les deux gouvernements qui veulent créer l'événement avec du vide. Celui-ci ne peut être médiatiquement rempli qu'avec des suppositions et des fuites, parfois vraies et souvent fausses. Tout se passe comme si Paris et Alger refusent solidairement la banalisation de leur relation, malgré leurs impuissances respectives à lui donner le contenu particulier qu'ils prétendent lui concocter. “L'amitié”, “la refondation des relations”, et “le partenariat d'exception” ont fini par reprendre leur statut réel : des incantations qui couvrent la difficulté subjective à mettre les rapports algéro-français en phase avec les impératifs que commandent les paramètres historiques, géographiques et humains qui s'imposent à toute approche bilatérale. Cette visite intervient au moment où les deux capitales ont la tête ailleurs — ici, pour une question de fin ou de prolongation de règne, là, pour des raisons de bilan présidentiel annuel. Ce qui ajoute à l'incongruité de son contenu au vu des serments proclamés, compromis puis ravivés tout au long de ces dernières années. Les opinions concernées ont fini par se lasser de vous prendre au mot. La presse seule fait de la résistance en se nourrissant de rumeurs. M. H. [email protected]