Génocide à Ghaza : La France interdit à huit entreprises sionistes de participer à un salon sur la sécurité à Paris    Sûreté nationale Badaoui reçoit une délégation d'Interpol    « La République du Zimbabwe est un partenaire fiable pour l'Algérie »    Les habitants d'Aït Bouzid, commune de Tala Hamza, sollicitent l'intervention du président de la République    Le ministre de l'Industrie inspecte la 2e ligne de production de la cimenterie de Timegtène    Installation du nouveau directeur des impôts    Des colons continuent de clôturer des milliers de dunams de terre    6 000 amputations dans l'enclave    Sahara occidental : Le Président sahraoui participe aux célébrations du 50e anniversaire de l'indépendance de l'Angola    Sélection algérienne : Tougaï forfait face au Zimbabwe et à l'Arabie Saoudite    Y a-t-il un dysfonctionnements profonds ou fragilité du corps arbitral ?    Le CMDA.World accueillera la championne du Monde et Olympique, l'Algérienne Kaylia Nemour    Un cinquantenaire découvert pendu à Ouled Yaiche    Association El Amel des diabétiques de Relizane Prévenir le diabète mieux que le guérir    Arrestation d'un individu ayant diffusé une vidéo portant atteinte à l'image des services de sécurité    L'Algérie, partenaire clé dans les efforts internationaux de lutte    La valeur travail n'est pas une norme transhistorique mais inhérente au capitalisme    Un livre de 1658 est rendu au Brésil    Programme TV du 4 novembre 2025 : Coupes et Championnats – Heures et chaînes    Programme TV du samedi 25 octobre 2025 : Ligue 1, Bundesliga, CAF et championnats étrangers – Heures et chaînes    Programme TV du 24 octobre 2025 : Ligue 2, Ligue 1, Serie A, Pro League – Heures et chaînes    Festival international du Malouf: fusion musicale syrienne et russe à la 4e soirée    Adhésion de l'Algérie à l'AIPA en tant que membre observateur unique: le Parlement arabe félicite l'APN    Industrie pharmaceutique : nécessité de redoubler d'efforts pour intégrer l'innovation et la numérisation dans les systèmes de santé nationaux    Conseil de sécurité : début de la réunion de haut niveau sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Examen de validation de niveau pour les diplômés des écoles coraniques et des Zaouïas mercredi et jeudi    APN : la Commission de la santé à l'écoute des préoccupations des associations et parents des "Enfants de la lune"    Réunion de haut niveau du Conseil de sécurité sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Boudjemaa reçoit le SG de la HCCH et le président de l'UIHJ    Athlétisme / Mondial 2025 : "Je suis heureux de ma médaille d'argent et mon objectif demeure l'or aux JO 2028"    Ligne minière Est : Djellaoui souligne l'importance de la coordination entre les entreprises de réalisation    Mme Bendouda appelle les conteurs à contribuer à la transmission du patrimoine oral algérien aux générations montantes    CREA : clôture de l'initiative de distribution de fournitures scolaires aux familles nécessiteuses    Poursuite du suivi et de l'évaluation des programmes d'investissement public dans le secteur de la Jeunesse    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 65.382 martyrs et 166.985 blessés    La ministre de la Culture préside deux réunions consacrées à l'examen de l'état du cinéma algérien    Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Directeur du Service fédéral pour la coopération militaire et technique de la Fédération de Russie    Foot/ Coupe arabe Fifa 2025 (préparation) : Algérie- Palestine en amical les 9 et 13 octobre à Annaba    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La genèse africaine de Maryse Condé
Publié dans La Nouvelle République le 30 - 11 - 2012

Dans un nouveau volume de ses écrits autobiographiques, «La vie sans fards», la Guadeloupéenne Maryse Condé raconte sa quête de l'Afrique de ses ancêtres. Mais cette Afrique-là a disparu depuis belle lurette, laissant derrière elle, la béance sur laquelle s'est construite l'identité antillaise. Un retour sur soi franc et lucide sous la plume de la grande dame des lettres caribéennes.
«J'ai découvert que je n'étais pas noire par hasard», aime à répéter l'Antillaise Maryse Condé pour expliquer le sens de ses pérégrinations à travers l'Afrique qui est le point d'ancrage de son nouveau récit autobiographique. Découverte, incompréhensions et déceptions sont les principales étapes de son corps-à-corps avec le continent noir qu'elle a raconté ici avec une sincérité poignante, inscrivant son livre de quête de soi dans la lignée de Rousseau. Elle y proclame dès les premières pages, en paraphrasant l'auteur des Confessions, que «je veux montrer à mes semblables une femme dans toute la vérité de la nature et cette femme sera moi». Cette vérité pour Maryse Condé est étroitement liée avec l'Afrique dont les turbulences post-coloniales décrites ici avec une abondance de détails, ne servent pas seulement de cadre, mais sont aussi la métaphore d'une genèse de soi douloureuse et chaotique qui est le véritable sujet de La Vie sans fards. A l'étroit à Pointe-à-Pitre A 75 ans, Maryse Condé est la grande dame des lettres antillaises. Elle est née Maryse Boucolon, au sein de la petite bourgeoisie de Pointe-à-Pitre. Ses parents appartenaient à la première génération de Noirs qui, grâce au républicanisme égalitaire à la Française, avaient su s'arracher à la misère et à la pauvreté pour s'imposer dans la société guadeloupéenne, encore profondément marquée par son passé esclavagiste et colonial. Entrée en littérature tardivement, à l'âge de 40 ans, l'auteur de Ségou a puisé dans les angoisses, les interrogations et les vanités de son milieu social ainsi que dans sa propre recherche personnelle les modèles de sa fiction ténébreuse et libératrice. Son univers littéraire est peuplé d'hommes et de femmes aux origines problématiques et dont la quête identitaire les conduit souvent loin de leur terre natale. Tout comme cela s'est passé pour leur auteur qui s'est sentie très tôt à l'étroit dans l'île où elle a vu le jour et l'a quittée pour aller arpenter les rues du grand monde. Dans son premier récit autobiographique «Le Cœur à rire et à pleurer», Maryse Condé avait raconté les heurts et malheurs de son enfance et son adolescence dans une Pointe-à-Pitre coloniale, à l'ombre des parents protecteurs et soucieux de transmettre à leurs enfants leur sens de respectabilité bourgeoise. C'est sans doute pour échapper aux rigueurs d'une vie réglementée pour faire oublier le chaos des origines qu'elle quitte à l'âge de seize ans, la Guadeloupe et vient s'installer à Paris. Elève modèle, promise à un avenir brillant, elle fait ses études au lycée Fénelon d'abord, puis à la Sorbonne. Mais la rencontre avec un Haïtien charismatique qui va l'abandonner après lui avoir fait un enfant, va bouleverser sa vie, la détournant pour toujours du chemin prometteur de réussite académique et professionnelle. Tombée malade, elle va devoir abandonner ses études, puis effectuer un travail alimentaire pour survivre dans la capitale française qui n'a que peu d'égards pour les perdants. Dans l'«inferno» de Conakry Alors, en 1959, laissant les lumières de Paris derrière elle, elle s'embarque pour la Côte d'Ivoire où elle travaille pour la Coopération française, avant d'aller s'installer en Guinée. Elle s'est entre-temps mariée avec le comédien Mamadou Condé qui est originaire de ce pays. Ils auront ensemble trois enfants, mais leurs relations sont tumultueuses. Très vite, le mariage tourne au vinaigre, mais le couple ne se sépare pas pour autant. En Guinée, ce sont les années Sékou Touré. Derrière les slogans de l'égalité et du marxisme scientifique, s'organise un régime totalitaire et prédateur dont Maryse Condé rend compte en racontant d'une part, la misère qui sévit dans les quartiers populaires de Conakry et l'appropriation des richesses du pays par une poignée de nantis, d'autre part. Elle voit de son balcon, le président Sékou Touré passer dans une Mercédès décapotable, saluant le petit peuple que ses ministres affament et privent de moyens de subsistance. Les privations dont les Guinéens sont victimes sont illustrées éloquemment par les horreurs de la salle de travail de l'hôpital de Donka où les femmes guinéennes donnent naissance dans des conditions dénuées de conforts de base et d'humanité. «Imaginez une vaste salle, écrit Condé, puante et violemment éclairée, pleine de femmes demi-nues, se tordant – toujours en silence – sur leurs couches. Celles-ci perdaient leur sang, celles-là déféquaient, d'autres vomissaient au milieu des aboiements féroces de sages-femmes noires ou blanches qui leur arrachaient leurs nouveau-nés d'entre les cuisses et coupaient sauvagement les cordons ombilicaux.» Dante le poète de «La Divine comédie» n'aurait sans doute pas été dépaysé dans l'«inferno» de Conakry où règnent en maîtres, la barbarie absolue et le cynisme. Accra, opulente et patriarcale Malgré son opulence joyeuse, le Ghana anglophone et voisin où Maryse Condé se réfugie par la suite pour échapper à la pénurie matérielle, se révèle aussi cruel et violent. Elle y connaît l'amour, mais ne peut se résoudre à épouser l'avocat brillant qui la courtise passionnément, tout en lui réclamant de se séparer de ses enfants. Condé décrit avec moult détails l'administration fantasque de Nkrumah, et le coup d'Etat qui renverse son régime. Elle est emprisonnée par le nouveau pouvoir, avant d'être expulsée du pays. Le séjour en Afrique est aussi pour la jeune Guadeloupéenne l'occasion de découvrir le fossé qui la sépare des Africains. Alors qu'en s'installant au continent noir, elle pensait voir s'instaurer spontanément les liens rompus par l'esclavage, sa présence ne suscite que l'incompréhension et le rejet. Ce constat douloureux conduit la future romancière à s'interroger sur la validité des thèses de la négritude et à se rapprocher de la pensée de Franz Fanon. Refusant la conception essentialiste du monde noir qui est le fondement de «l'idéologie» de la négritude, elle s'inscrit dans la vision de Fanon de la culture comme phénomène mouvant et pluriel. Elle se détache ainsi d'Aimé Césaire dont elle avait découvert autrefois à Paris, le Cahier d'un retour au pays natal avec gourmandise et admiration. Elle devient, selon ses propres mots, «une fanonienne convaincue». La vie sans fards est avant tout, un récit de transformation intellectuelle et spirituelle qui conduira la jeune femme qu'était Maryse Condé dans les années 1960 à découvrir sa propre vocation d'écrivain. Sa douloureuse expérience de la découverte de l'Afrique, et sa réconciliation avec le continent d'où étaient partis jadis ses ancêtres, ne sont sans doute pas étrangères à cette métamorphose. Maryse Condé s'est enfin libérée de ce manque névrotique qu'était l'Afrique dans sa Pointe-à-Pitre natale pour en faire désormais la matière de ses nombreuses fictions lues et appréciées dans le monde entier.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.