Il y a à peine plus de 10 ans, il était cadre dans la banque et entraînait par passion et avec succès des clubs amateurs toscans. Aujourd'hui, Maurizio Sarri est leader de Serie A avec Naples, qui n'avait pas autant vibré depuis Diego Maradona. C'est justement Maradona, irremplaçable idole du Napoli et du stade San Paolo, qui en début de saison a attiré l'attention sur Sarri, technicien méconnu de 56 ans à peine débarqué d'Empoli. «Il n'est pas l'homme qu'il faut pour Naples. On ne gagnera rien avec lui», assurait alors le Pibe de Oro. Depuis, Naples n'en finit plus de gagner avec 14 victoires et deux nuls sur ses 16 derniers matches (38 buts marqués, quatre encaissés), dont le succès 2-1 de lundi face à l'Inter Milan qui a placé le club seul en tête du classement. Ce qui n'était plus arrivé depuis 1990 et le dernier titre remporté par... Maradona et les siens. L'idole a présenté des excuses et plus personne ne s'interroge sur la valeur de Sarri, technicien totalement atypique à l'heure où de très nombreux entraîneurs sont d'anciens joueurs pro. Roberto Mancini, Stefano Pioli, Rudi Garcia ou Paulo Sousa, les entraîneurs de l'Inter, la Lazio, la Roma et de la Fiorentina, ont ainsi tous joué dans l'élite. Et ils ont tous perdu à Naples cette saison. Sarri lui n'a jamais été joueur professionnel, mais il a toujours entraîné et a grimpé tous les échelons. Vraiment tous : Stia, Faellese, Cavriglia, Antella, Valdema, Tegoleto et Sansovino : autant de petites équipes locales des divisions amateurs avec lesquelles il a connu le succès dans les années 1990, pendant qu'il menait en parallèle sa carrière à la banque Monte dei Paschi. Avec Sansovino, il arrive jusqu'en 4e division, puis en 3e division avec Sangiovannese. En 2005, il est recruté par Pescara, renonce à la banque et débute en Serie B. Cigarettes, drone et survêtement Mais c'est seulement la saison dernière avec Empoli que ce lecteur de Charles Bukowski et John Fante va découvrir la Serie A. Moins d'un an et demi plus tard, le voilà donc leader du championnat à la tête d'une équipe qui joue très bien au football, meilleure défense et troisième attaque de Serie A. Mais Sarri ne s'emballe pas et prend même des airs de Guy Roux. «Demain on ne pensera pas au titre. Les joueurs vont surtout se faire bien engueuler pour ces 20 dernières minutes», a-t-il lâché après la victoire contre l'Inter et une fin de match effectivement mal maîtrisée. «Il reste 72 points à prendre. Avec 31, nous ne sommes mêmes pas assurés du maintien. Je ne suis pas un rêveur, j'ai un autre métier», a-t-il ajouté. Son métier, Sarri le vit en survêtement, loin de l'élégance habituelle de techniciens italiens tirés à quatre épingles, et avec passion. Capable de passer des heures à élaborer de nouvelles combinaisons sur coups de pied arrêtés, ce très gros fumeur - jusqu'à quatre paquets par jour, moins les jours de match car c'est interdit sur le banc - utilise aussi un drone à l'entraînement pour étudier les déplacements des joueurs. Lui-même né à Naples où son père était grutier, Sarri a en tous cas déjà reçu le bel hommage d'une ville folle de foot où un nouveau titre serait accueilli comme un triomphe : un santon à son effigie est désormais en vente dans les fameuses crèches des vieux quartiers de la ville. Aux côtés de Maradona.