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Un monde qui ne dépend d'aucune race ni époque
Publié dans La Nouvelle République le 24 - 11 - 2016

Qu'est-ce qu'une civilisation ? Pour Toynbee, c'est un certain «niveau de réalisation sociale et morale» [1]. Pour Bennabi, «la civilisation» est la possibilité de remplir une fonction. C'est l'ensemble des conditions morales et matérielles qui permettent à une société d'accorder à chacun de ses membres l'assistance nécessaire : l'école, l'atelier, l'hôpital, l'organisation vicinale, la sécurité sous toutes ses formes, le respect de sa personne...
L'individu se réalise grâce à un vouloir et à un pouvoir qui ne sont pas, qui ne peuvent pas être les siens, mais ceux de la société dont il fait partie... C'est une construction, une architecture, un ensemble harmonieux de «choses» et de «notions» avec leurs liaisons, leurs utilités, leurs places déterminées. Un tel ensemble ne peut être conçu comme un simple entassement, mais comme la réalisation d'une idée, d'un idéal» («Perspectives algériennes», 1964). Comme pour la culture, Bennabi donne de la civilisation une définition fonctionnelle. Les conditions morales s'incarnent dans un vouloir qui mobilise la société en vue de définir ses tâches sociales et de les assumer. Les conditions matérielles, elles, s'objectivent sous la forme d'un pouvoir traduisant la capacité de mettre à la disposition de la société les moyens nécessaires pour accomplir ses missions. C'est ce qu'il appelle la fonction civilisationnelle. Il écrit dans « Le musulman dans le monde de l'économie », 1972 : « La civilisation, c'est cette volonté et cette possibilité ». La relation entre la volonté civilisationnelle et la possibilité civilisationnelle est une relation de causalité, la volonté apparaissant comme la cause de la possibilité. C'est la civilisation qui fait ses produits, ce ne sont pas ses produits qui la font «car pour faire une civilisation à partir de ses produits, il faudrait qu'on puisse acheter tous ses produits, ce qui est du point de vue économique une pure impossibilité ». L'économie n'est que la forme matérialisée de ce vouloir et de ce pouvoir. S'il n'y a pas d'idées, il n'y a pas de culture ; s'il n'y a pas de culture, il n'y a pas de civilisation ; s'il n'y a pas de civilisation, il n'y a pas d'histoire. A l'aube des temps il n'y a que trois facteurs fondamentaux : l'homme, le sol et le temps « plongés dans un mystère métaphysique » (« Naissance d'une société», 1962). Ceux-ci peuvent rester en l'état pendant des milliers d'années sans devenir des facteurs psycho-temporels générateurs de civilisation : « Si une telle donnée avec ses trois éléments suffisait comme condition d'une civilisation, celle-ci ne serait plus qu'un phénomène spontané et général par toute la terre. En particulier, le problème ne se poserait plus pour le monde musulman qui est, hélas, loin de l'avoir résolu» (« Les conditions de la renaissance », 1949). Ces paramètres constituent des conditions nécessaires mais non suffisantes de l'essor d'une civilisation. L'homme, le sol et le temps n'agissent pas « en vrac », mais dans une synthèse qui réalise en eux le vouloir et le pouvoir d'une société. Ils doivent être coulés dans une synthèse bio-historique qui n'est pas automatique mais le résultat d'une catalyse que provoque une idée-force d'origine sacrale ou politique : « Une civilisation date sa naissance à partir de la synthèse des facteurs temporels, c'est-à-dire à partir du moment où l'idée religieuse a transformé l'homme et suffisamment conditionné le milieu (« Les conditions de la renaissance »)... Le rôle social de la religion n'est pas autre chose que celui d'un catalyseur favorisant la transformation de valeurs qui passent de l'état naturel à un état psycho-temporel correspondant à un certain stade de civilisation. Cette transformation fait de l'homme biologique une entité sociologique, du temps - simple durée chronologique évaluée en « heures qui passent » - un temps sociologique évalué en heures-travail, et du sol - livrant unilatéralement et inconditionnellement la nourriture de l'homme selon un simple processus de consommation - un terrain techniquement équipé et conditionné pour pourvoir aux multiples besoins de la vie sociale selon les conditions d'un processus de production » (« Vocation de l'islam », 1954). La religion dont il s'agit dans l'esprit de Bennabi est celle qui « traduit une pensée collective car à partir du moment où la foi devient centripète, c'est-à-dire individualiste, sa mission historique est finie sur la terre où elle n'est plus apte à promouvoir une civilisation » («Vocation de l'islam»). Et la synthèse dont il est question ne se produit pas d'elle-même puisqu'il existe encore de nos jours des groupements humains à l'état primitif ou, selon la terminologie de Bennabi, de pré-civilisation. Il précise dans « Naissance d'une société » : « L'existence effective d'une société commence à la formation de son réseau de liaisons... Le rôle que joue la religion à cette échelle est de provoquer une synthèse sociale sous forme de valeurs morales concrétisées en conventions, en usages, en traditions, en règles administratives, en principes législatifs... » Bennabi ne cherche pas à connaître le nombre de civilisations apparues sur la terre, ni ne s'attarde sur leurs origines. Il n'est pas, comme Spengler, Braudel ou Djuvara, un historien qui veut établir les lois internes qui les régissent ou les comparer entre elles. Son champ d'étude est moins ambitieux que celui de Toynbee qui veut les embrasser toutes pour les soumettre à un modèle explicatif. Lui n'est ni un anthropologue, ni un historien, mais un psycho-sociologue qui s'intéresse en particulier à l'une d'entre elles, la civilisation musulmane, sur laquelle il est penché comme un mécanicien sur une machine en panne. « Il est difficile, écrit-il dans « Vocation de l'islam» à propos du phénomène civilisationnel, de connaître les origines de ce mouvement dans l'espace et le temps, et il ne servirait à rien de se demander s'il a commencé en Egypte ou ailleurs. On constate seulement sa CONTINUITE à travers les âges. Toutefois, lorsqu'on essaie de fixer ses coordonnées « historiques », on s'aperçoit qu'elles désignent une aire qui se déplace. Si bien que la continuité que l'on constate dans la perspective générale de l'histoire peut se trouver masquée par une DISCONTINUITE qui apparaît lorsque l'on considère la succession des aires de civilisation. En fait, nous avons là les deux aspects essentiels : l'aspect métaphysique ou cosmique, celui d'un dessein général, d'une finalité, et l'aspect proprement « historique », sociologique, celui d'un enchaînement de causes... Sous ce dernier aspect, la civilisation se présente comme une série numérique se poursuivant par termes semblables mais non identiques. Ainsi apparaît une donnée essentielle de l'histoire : le cycle de civilisation. Chaque cycle est défini par des conditions psycho-temporelles propres à un groupe social : c'est une « civilisation » dans ces conditions-là. Puis la civilisation émigre, se déplace, transfère ses valeurs dans une autre aire. Elle se perpétue ainsi dans un exode infini et à travers de successives métamorphoses, chaque métamorphose étant une synthèse particulière de l'homme, du sol et du temps... ». Bennabi prend ici le contre-pied de Spengler qui croit fermement à la « non-continuité » de l'histoire. Mohand Tazerout, son traducteur et préfacier algérien affirme que le postulat de la « non-continuité » est « la seule hypothèse viable pour une connaissance scientifique des phénomènes de l'histoire. Il n'y a rien qui rattache nécessairement l'homme occidental à l'homme antique, et celui-ci à l'Egyptien, au Chinois, à l'Hindou où à l'Arabe authentiques... »[2] Pour Bennabi, « la » Civilisation n'est le fait d'aucune race en particulier et d'aucune époque. Elle résulte des imbrications, des migrations et des différentes contributions humaines au processus d'amélioration du sort de l'espèce. Ce qu'on appelle « les » civilisations ne sont que des cycles, des moments éphémères du mouvement général de l'Histoire qui est, lui, continu : «La civilisation humaine semble ainsi faite de cycles qui se succèdent, naissant avec une idée religieuse et s'achevant quand l'irrésistible pesanteur de la terre triomphe finalement de l'âme et de la raison » (« Les es « CR »). Il signale qu'Ibn Khaldoun est le premier à avoir dégagé la notion de cycle dans sa théorie des « trois générations ». Celui-ci compare la vie d'une civilisation à celle d'une dynastie. Le processus qui conduit de l'état de « badw » (primitif) à l'état de « hadara » (civilisation) est mis en branle par la « açabiya », sentiment de cohésion sociale, de conscience collective qui joue le rôle d'un Ethos. Elle se transforme en « mulk » (pouvoir) qui créé des villes, développe des activités économiques et installe des institutions... (A suivre)

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